LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Suivi de la campagne agricole dans l’Est : Des champs à sous dans la Tapoa

Publié le jeudi 27 août 2009 à 01h50min

PARTAGER :                          

La visite de suivi de la campagne 2009-2010 sur les sites agricoles par le Premier ministre Tertius Zongo s’est poursuivie toute la journée du mercredi 25 août dans la Tapoa, province la plus orientale du Burkina.

Cinq sites ont reçu la visite du Premier ministre, accompagné de son ministre de l’Agriculture de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Laurent Sédogo et du ministre de l’Environnement et de Cadre de vie, Salifou Sawadogo. Quatre des sites font partie des champs les plus promoteurs visités jusque-là, le 5è faisant office de mauvais exemple.
Augustin Tankoano projette de réaliser un bénéficie de plus de six millions à l’hectare dans sa bananeraie. En tout, il prévoit un bénéfice évalué à 51, 46 millions FCFA pour l’ensemble des 8 hectares de son champ situé à une dizaine de kilomètre de Diapaga.

Mais pour M. Tankoano, ce chiffre « c’est le bas mot ». A partir de son compte d’exploitation, il a fait comprendre au Premier ministre qu’il peut mieux faire puisqu’une quantité importante de bananes est distribuée en guise de cadeau ou dans une opération de charme et peut être évaluée en termes de millions de francs. La vente des rejets à d’autres exploitants n’est pas non plus comptabilisée.

Sous les plants, on se croirait dans un champ au milieu de la forêt tropicale. Des régimes de la grande naine (variété de banane) sont soutenus par des cordes, elles-mêmes rattachées à d’autres bananiers, et jouant le rôle de tuteurs. D’un rendement de 55 tonnes à l’hectare en deux récoltes, le site est alimenté par l’eau de pluie mais surtout avec l’eau du barrage réalisé sur le fleuve Tapoa, à l’aide d’une motopompe reliée à des tuyauteries de dessertes. Tertius Zongo a planté sur ce site deux bananiers.

M. Tankoano n’est pas seul producteur de banane dans cette région. Selon le directeur régional de l’Agriculture de l’Est, Seydou Kanazoé, on dénombre 32 producteurs de banane « Nous nous sommes engagés à les accompagner pour que le rendement soit encore plus élevé » a-t-il dit.
Après ce champ humide et verdoyant, croulant sous le poids des régimes de bananes, le chef du gouvernement a traversé Diapaga pour rejoindre Penboanga2 et Panyogdi dans des champs de maïs destinés à la semence et appartenant tous à Innocent Kouldiati, actuel directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale.

Des cadres de l’Etat agriculteurs pour l’exemple

De l’avis du Premier ministre, Kouldiati qui est aussi originaire de cette zone, montre le bon exemple à ses parents. « Il doit montrer l’exemple à la maison. Quand les paysans voient quelqu’un qui aurait pu rester tranquillement sous son climatiseur à Ouaga en train d’exploiter un champ, ils se convainquent que ça peut rapporter ».

Dans cette zone, le directeur général de la CNSS n’est pas le seul agent de l’Etat qui pratique l’agriculture. Augustin Tankoano, l’exploitant de la bananeraie est lui-même directeur provincial de l’Agriculture de la Tapoa. Ce qui est important aux yeux du chef du gouvernement, c’est de savoir qu’on peut vivre mieux que les grands commis de l’Etat, en exploitant le capital terre.
Appelés naguère « cultivateurs de dimanche », les agents de l’Etat et les personnalités vivant dans les centres urbains semblent bénéficier alors d’un soutien tacite pour s’impliquer dans la production agricole. Non seulement ils sont ouverts aux nouvelles techniques, mais ils visent une agriculture de rente.

« En un mot comme en mille, il y a de l’espoir. Nous devons changer nos mentalités, nous devons changer notre manière de faire. Nous ne devons pas tout attendre de l’Etat.

L’Etat est un accompagnateur mais chacun doit attendre de lui-même d’abord avant que l’Etat ne l’accompagne » explique le Premier ministre à la fin de sa tournée. Reste à savoir jusqu’à quel niveau l’Etat peut permettre que ces agents se retrouvent dans des champs à leur propres comptes.

La superficie cumulée des deux champs de Couldiati est estimée à 68 hectares pour une récolte attendue de 200 tonnes. Il espère emblavés 30 autres hectares à l’avenir. Sur le site de Penboanga on y produit le maïs massongo en utilisant exclusivement de l’engrais minéral et en prévision d’une rotation complète avec du niébé et du sésame les saisons prochaines. Le maïs au stade de floraison devrait produire 120 tonnes de céréales. Le second champ de 38 hectares, est exploité en associant l’engrais minéral à la fumure organique.

De l’avis de Mamadou Sidibé, technicien supérieur d’agriculture et encadreur sur ce site, les difficultés particulières concernent le manque de la main d’œuvre. “Les employés d’ici (16 personnes) sont étrangers à la province”, a-t-il fait savoir.

Dans cette province qui figure parmi les plus arrosée du pays, on trouve également des paysans qui exploitent des parcelles à fort taux de rendement. C’est le cas du bas-fond de Boudiéri à 171km de Fada N’Gourma, aménagé pour la première fois en 1978. Comme dans tous les vieux sites, on dénombre plus d’hommes que de femmes, soit 50 femmes contre 118 hommes. Mis mal à l’aise par cette situation, le Premier ministre sera réconforté par les chiffres des comptes d’exploitation.
Les paysans ont prévu 27,56 millions FCFA d’intérêts pour une superficie de 35 hectares ; ce qui est nettement supérieur aux bénéfices d’un riziculteur sur le même périmètre et d’où des questionnements du chef du gouvernement.

C’est que les villageois exploitent plusieurs fois la même superficie notamment pour le maïs, la pomme de terre et les légumes. En plus, le maïs est vendu à l’état frais, ce qui booste les revenus financiers. Selon un jeune de la localité, ce bas-fond mobilise près de 90% de la population qui consacre leur temps rien qu’à lui. Les villageois souhaitent naturellement de nouveaux aménagements pour se jeter dans la culture du riz pluvial.
Mais si le gouvernement tolère pour l’instant que des agents publics donnent l’exemple sur le terrain agricole, c’est parce qu’il manque encore d’agriculteurs modernes capables de produire suffisamment pour les besoins nationaux.

Un vieux projet fruitier à l’abandon

Tout n’est pas rose dans cette partie de la région. Le site du projet fruitier de Diapaga, inauguré en juin 1981 n’est plus que l’ombre de lui-même. Seuls survivent la clôture en grillage, les eucalyptus de bornage et des manguiers localisés au nord de ce périmètre qui jouxte immédiatement la bananeraie à succès.
Les mains à la hanche, le Premier ministre a observé ce qui était considéré comme le grenier fruitier de la région et dont les produits étaient exportés jusqu’en France.
Il y est ressorti tout triste, autant que le maire de Diapaga, Kanfidéni Koulidiati. Le site a été cédé à un particulier à la suite de la privatisation de tous les sites du même genre. Mais le repreneur qui s’était déjà montré défaillant, a rejoint les ancêtres.

L’actuel repreneur A. D. vivant à Ouagadougou lui non plus n’a pas fait mieux. Mais ce qui ne plaît pas au maire, c’est que la mairie a été éloignée de toutes les négociations de reprise du site. « Un jour, quelqu’un s’est présenté à la mairie pour nous dire qu’il est le nouveau repreneur du projet fruitier de Diapaga », explique M. Koulidiati qui croit savoir que ce monsieur est déjà « plus ou moins défaillant ». Son souhait, est d’approcher le ministère de l’Agriculture, espérant associer la mairie à la gestion du site.
De nombreux partenaires au développement ont fait partie de la délégation ayant visité les sites du Plateau central, du Centre-Est et de l’Est. Parmi eux, le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Agence japonaise de coopération internationale, la JICA ou encore le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS).

Des partenaires appellent à une concertation régionale pour pallier le déficit pluviométrique

Pour le secrétaire exécutif du CILSS, Alhousseini Breteaudau, il n’ya pas plus réconfortant pour les populations de constater que les pouvoirs centraux viennent jusqu’à eux, en plus de ce qu’ils font tous les jours en termes de subventions de semences et d’engrais. « La présence du Premier ministre et des ministres intéressés par ces questions agricoles est un réconfort moral pour les producteurs qui permettrait d’améliorer encore leur performance, leur efficacité » a-t-il dit.

Le CILSS avait prédit un déficit pluviométrique et maintient cette prévision. Il préconise alors des opérations pluies provoquées de manière concertée avec les pays de la sous-région, afin d’accompagner les cultures jusqu’à la maturation. Les experts burkinabé indiquent qu’il faudra de la pluie jusqu’à mi-octobre pour que toutes les cultures parviennent à maturité.
Pour M. Bréteaudau, les pluies provoquées sont à l’image des fleuves et doivent être gérées avec les voisins.
« Il faut obligatoirement une vision régionale car les pluies provoquées dépassent le cadre d’un pays”.
Il considère les coûts de ces opérations assez élevés pour un seul pays, mais surtout, il rappelle que des pluies préparées dans une zone en besoin peuvent provoquer des dégâts dans une autre.

Jusque-là, on peut faire chuter les nuages à partir d’une certaine masse critique de la teneur en humidité, on peut aussi favoriser la formation de cette masse critique, mais on ne contrôle pas la trajectoire de ces pluies.
Par ailleurs, le Burkina Faso par exemple ne peut ensemencer que seuls les nuages au-dessus de son territoire alors qu’il est possible de le faire dans un pays voisin pour que les précipitions aient plus de chance d’avoir lieu à l’endroit souhaité.
« Vraiment, il y a lieu d’intégrer au niveau de différentes techniques de lutte contre la sècheresse, l’utilisation des pluies provoquées », conseille-t-il. Pour sa part, le Premier ministre a achevé sa tournée à l’Est, se disant satisfait, non seulement du niveau de développement des plants, mais aussi d’avoir constaté que les populations commencent à percevoir l’agriculture comme secteur qui va leur faire vivre comme ils le rêvent.

Mouor Aimé KAMBIRE


Un projet de formation pour de jeunes agriculteurs modernes

Sur la route de Pama et à 60 km de Fada, 14 jeunes sont en formation sur les techniques modernes d’agriculture et d’élevage. Ils sont encadrés dans un des Centres de formation rural (CFR) appelés à se développer sur l’étendue du territoire
« Après un atelier tenu à Ouagadougou, nous avons convenus que dorénavant, chaque jeune qui sort de ces centres aura sous les bras, un projet qu’il mettra en œuvre dans son milieu naturel », confie le ministre délégué à l’Agriculture, Abdoulaye Combari. Pour lui, il n’est plus concevable qu’un enfant qui a son CEPE ou son BEPC puisse se lamenter alors qu’il peut faire valoir d’autres connaissances.

Une initiative similaire avait déjà vu le jour à travers les Formateurs des jeunes agriculteur (FJA). On remettait aux jeunes des charrues à la fin de la formation et ils allaient travailler. Mais malheureusement, le projet a manqué de financements et a été abandonné. Ces jeunes sortis sans projet et laissés à eux-mêmes se sont retrouvés dans la même situation que les autres camarades restés au village.
« Désormais, l’enfant aura un projet. Au niveau de l’Est, le PAFAFP (Le Programme d’appui aux filières agro-sylvo pastorales) va les accompagner », indique le ministre Combari.

Le directeur régional de l’Est, Seydou Kanazoé précise pour sa part que les jeunes formés seront équipés en matériels de production « pour qu’ils puissent réaliser leur projet et produire suffisamment en agriculteurs modernes ». Il pourrait s’agir de tracteurs, charrues ou des animaux, en fonction des projets de chacun. Le Programme d’appui à l’agriculture devra les accompagner.
En entendant, chaque fonctionnaire peut tenter sa chance de devenir agro businessman avant que le gouvernement ne change d’avis. « L’intervention des agents de l’Etat, c’est ce que nous souhaitons. Il est indiqué parce que nous servirons de communicateur auprès des autres, en plus du travail des encadreurs. C’est à nous d’encadrer nos parents » dit le ministre.

M.A.K.

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique