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Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

Publié le lundi 17 août 2009 à 00h54min

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Les lampions se sont éteints sur le IVè congrès du CDP. L’heure est maintenant au bilan. Le débat institutionnel imposé par Salif Diallo aura constitué l’intérêt de ce rassemblement qui, au départ, se voulait un simple rituel destiné à galvaniser les troupes dans la perspective de la présidentielle 2010. Les responsables du CDP se sont voilés le visage pour ne pas avoir à se prononcer sur un problème de fond : comment envisager l’après Blaise dans la paix et la cohésion au sein de la communauté nationale ? Sur cette question cruciale, Roch a préféré botter en touche. Rattrapé par les journalistes au détour d’une question, le président du CDP a bredouillé sur les velléités du pouvoir de charcuter la constitution.

La question n’est pas à l’ordre du jour, marmonne le président du CDP. Il n’empêche qu’il juge nécessaire de faire savoir aux Burkinabè que la constitution pourrait être toilettée "en plusieurs de ses dispositions en vue de poursuivre l’approfondissement de la démocratie… Je ne peux pas dire a priori quel texte sera révisé, mais il n’y a pas d’article de la constitution qui ne puisse pas être révisé". On l’aura compris, la question concerne l’article 37 dont la révision avait été fortement contestée, lequel article a été rétabli dans son aspect limitation du mandat présidentiel, à la suite des manifestations consécutives à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Ainsi donc, plutôt que d’engager un grand débat sur un nouveau consensus national comme les y invite Salif Diallo, Roch et ses amis ont choisi de réaffirmer leur attachement à la IVè République. Mais en faisant planer le spectre d’une révision constitutionnelle à une année du scrutin présidentiel, les responsables du CDP ouvrent une porte qui alimente les supputations. Naturellement, tout le monde pense à l’article 37, la disposition qui fait des gorges chaudes, ce que Roch ne dément pas. En s’engageant sur ce chemin, Roch et le CDP s’embarquent sur un terrain très risqué.

L’option de Roch et Simon

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une option en ce qui concerne ces deux hommes, tant la sensibilité de la question semble les avoir littéralement paralysés. Apparemment, la sortie médiatique de Salif Diallo n’est pas un banal coup de sang. Il y aurait un bon moment que Roch et Salif débattaient de la vie du parti et notamment des menées de la FEDAP/BC contre le parti. Cette organisation qui s’affiche comme une organisation de masse se comporte sur le terrain comme une véritable concurrente du CDP. Des plaintes émanant de militants de base le confirment tous les jours ; et même si la ligne officielle du parti parle de complémentarité entre les deux structures, dans les faits, on assiste plutôt à un climat de méfiance. Dans cette situation d’adversité, Roch et Salif s’étaient beaucoup rapprochés. Les deux hommes seraient parvenus à la même conclusion, que derrière l’agitation de la FEDAP/BC se dessinent des luttes pour la succession. La situation était d’autant plus inquiétante que c’est François, le frère cadet du chef de l’Etat qui tirerait les ficelles de la FEDAP/BC. Que pense Blaise dans tout ça ?

Les deux hommes n’ont jamais posé la question au chef de l’Etat. Ils vont par contre afficher une attitude différente vis-à-vis de la FEDAP/BC. Roch fait le dos rond, tandis que Salif se montre offensif. Il croise ouvertement le fer avec François. Quand Salif est démis du gouvernement, on aura compris que ceci était la conséquence de cela. Les grands camarades du CDP accueillent Salif comme un combattant tombé sur le champ d’honneur. Mais l’exil de Vienne qui lui est imposé change la donne. Plus disponible, il tue le temps dans des cogitations. C’est ainsi qu’il rentre au Faso début mai avec son projet concernant la mise à plat des institutions. Il se dirige à Kosyam pour rencontrer le chef de l’Etat, à qui il réserve la primeur du projet coulé dans un document rédigé par ses soins. Il lui dévoile oralement le contenu. Blaise lui demande alors de voir Roch et Simon pour en discuter, en attendant qu’il l’examine de plus près. Quand il retrouve Roch et Simon à qui il expose ses idées, ces derniers prennent bonne note. Par téléphone, Blaise confirme à Roch la version de Salif. Pas suffisant pour lever les méfiances des camarades. Salif retourne à Vienne sans avoir rien obtenu d’eux, pas même la promesse d’inscrire la question à une quelconque instance du parti.

Les trois camarades conviennent cependant de mettre le projet sous embargo. Mais Roch et Simon refusent de prendre le document, flairant sans doute un traquenard. Moins d’une semaine après son retour dans la capitale autrichienne, Salif Diallo découvre en ligne, sur le site d’un confrère, que leur projet est éventé. Il pense à une machination. Lors d’un passage de Roch à Paris courant juillet, Salif l’y rejoint et dénonce ce qu’il considère comme une violation de l’embargo. Il se dit même décidé dans ces conditions à s’étaler dans la presse. Roch tente de l’en dissuader. La suite se passe dans les colonnes de notre confrère L’Observateur Paalga.

A quel jeu joue Blaise ?

C’est la question que de nombreux militants du CDP se posent aujourd’hui. Comment a-t-il pu laisser des camarades en arriver là ? Ceux qui le connaissent bien croient voir dans ce jeu de massacres, le sport favori de l’enfant terrible de Ziniaré. Certains le soupçonnent d’instrumentaliser les deux camps, histoire de jauger l’état d’esprit des Burkinabè. Mais l’état d’esprit des Burkinabè est déjà connu. Il n’est pas superflu de rappeler les résultats du sondage réalisé par le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) en 2008. 53% des Burkinabè sont pour le principe de la limitation des mandats. Le score des villes est encore plus important : 63%. Il est vrai que les sondages sont une photographie de l’opinion en un temps T. Il est possible que la querelle actuelle au sein du CDP vise à faire évoluer cette opinion des Burkinabè pour permettre à Blaise Compaoré de prolonger son bail, jusqu’à son rappel à Dieu. Mais si tant est que tous sont d’accord sur ce scénario, on comprend difficilement pourquoi les camarades du CDP s’étripent publiquement. En privé, il semble en effet que rien n’oppose Roch, Simon et Salif sur la question du régime parlementaire prôné par Salif, sous réserve bien entendu d’une certaine harmonisation des approches.

Le projet a en effet l’avantage de libérer le jeu politique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du CDP. Sur la question, un consensus semble possible entre les forces politiques nationales. Mais Salif sait que l’idée ne peut prospérer qu’en l’adossant sur une solide analyse critique de la gestion de l’Etat. On ne peut pas passer d’une république à une autre en prétendant que tout va bien dans le Burkina de Blaise Compaoré. C’est ce courage politique qui a fait défaut chez Roch et ses affidés. Salif a donc endossé seul son idée, convaincu que si cette remise en cause n’est pas faite par le CDP, elle se fera tôt ou tard contre le CDP. A ses camarades qui lui font remarquer qu’il n’y a pas de crise dans le pays, il répond qu’il n’y en a pas en effet pour ceux qui s’abreuvent de champagne et qui ne peuvent plus rien voir. Ce n’est pas eux qui comprendront quelque chose sur les émeutes récentes sur la vie chère ou encore sur les violences itératives au sein de la force publique. La cassure semble désormais réelle entre les anciens camarades du CDP. Il n’ y a plus que le jugement de l’histoire pour les départager.

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Salif à Kosyam

Après les cogitations diplomatiques, les ambassadeurs se sont donnés rendez-vous au Palais de Kosyam chez Blaise Compaoré. Pour les observateurs, l’occasion était propice pour guetter des signes qui permettraient de se faire une idée des rapports entre Blaise et son ancien complice. Eh bien, les deux hommes se sont retrouvés dans ce palais si familier de leurs intrigues, et devant des diplomates médusés, ils se sont retirés pour deviser presque comme à leur habitude. "Que sont-ils en train de se dire ?", marmonnaient quelques diplomates. Ils auraient sans doute payé très cher pour être dans la confidence de cette conversation très privée. Mais qu’est-ce que Blaise peut dire d’autre à son "ami" si ce n’est de faire mine de banaliser tout le ramdam qui s’est fait autour de lui ? Grand badin devant l’Eternel, on imagine qu’il a dû lui demander où en est sa bagarre avec ses camarades !

Gorba qui est très coutumier de ce jeu a dû embrayer sur le même ton : ils ne déposeront pas le pilon tant qu’ils n’auront pas reçu d’ordre monsieur le président ! Laisse-les donc faire, ils arrêteront quand ils seront fatigués… Telle est la personnalité du monarque et tous le savent. Blaise tient ainsi ses hommes parce qu’ils ne savent pas ce qu’il trame dans le secret de son ventre. Roch a joué son numéro dans une bagarre qui n’est pas la sienne. Ils ont mangé leur piment dans sa bouche et en contrepartie, lui ont permis de renouveler son bail. En cela, il peut remercier Salif dont la sortie tonitruante a quelque peu mélangé le scénario prévu. Mais Roch et ses amis en ont-ils seulement conscience ? A Kosyam, Blaise a très certainement excellé dans son jeu favori : cultiver la dérision aux yeux des autres pour mieux rester le maître du jeu. Mais quand l’arbitre du jeu ne distingue plus les camps, il n’y a plus de jeu. C’est la confusion, voire le chaos !


Le CDP se dote d’un nouveau bureau

Présidé par Roch Marc Christian Kaboré, le nouveau bureau du CDP compte 37 membres. Parmi les entrants, on notera le retour de Arsène Bongnessan Yé. Il aura connu une longue période d’hibernation depuis son éviction brutale du perchoir en 1997. Premier président de l’Assemblée nationale alors sous l’appellation d’Assemblée des députés du peuple (ADP), Bongnessan a effectué un come back fort remarqué. Son élection a été saluée par des salves d’applaudissements bien nourris. L’homme a une image d’intellectuel rigoureux, à l’esprit ouvert. Mis à l’écart brutalement à la suite de son auto proclamation comme chef de terre de l’entité Burkina, il a su ronger son frein avec patience pour laisser passer l’orage. Son retour correspond au départ de Salif Diallo dont on dit qu’il serait à l’origine de ses malheurs. Vrai ou faux ? En tout cas, il avait remplacé le même Salif Diallo au ministère de l’Environnement et on disait ce dernier lui tenir rancune parce qu’il le soupçonnait d’avoir été à l’origine de fuites sur des dossiers sales le concernant.

Avec Basile Laetare Guissou et Moïse Traoré, c’est le retour de la vieille garde, formée à l’école de la FEANF. Avec le départ de Salif, le CDP a certainement voulu se parer contre un recul du militantisme partisan. Par ailleurs, en remontant Achille Tapsoba au Secrétariat général, Roch a fait le pari à la fois du politique et de la technicité. Achille Tapsoba est en effet un homme de dossier doublé d’un politique efficace. Toutes choses dont le CDP a besoin pour garantir un leadership en difficulté sur ses propres terres. On le dit aussi fidèle de Roch depuis l’époque du groupisme. On note aussi l’entrée de technocrates comme Soungalo Ouattara, Jérome Bougma, Benoit Ouattara, un contrepoids nécessaire pour l’équilibre entre l’idéologie et la science.

En revanche, le départ de Dieudonné Bonané du BEN est interprété comme une conséquence de l’éviction de Salif Diallo dont il serait l’ami, une sorte de désalification en somme. Certains lient en revanche sa disgrâce à ses propres turpitudes. Oscillant entre les différents camps, son attitude plus ou moins trouble aurait été jugée de nature à semer la zizanie. Ce qui est sûr, c’est que Salif parti, il a perdu son parapluie protecteur. Dans le climat actuel de suspicion au CDP, il aurait sans doute du mal à se refaire une virginité.

Une certaine histoire veut que ce bureau ait été constitué avec la bénédiction de François Compaoré, Blaise ayant décidé de ne pas s’en mêler. Ceux qui véhiculent cette thèse, on l’aura deviné, ne sont sûrement pas des amis du patron du CDP, loin s’en faut ! Roch à leurs yeux ne sera rien d’autre que le nouveau porteur de valise de François, s’il ne l’est déjà. Dure, dure est la politique au Faso.


La vaine attente des militants de Ouahigouya

On s’en doutait, la nouvelle d’une probable arrivée de Salif annoncée pour le lundi 3 août a déclenché une certaine agitation dans la capitale du Yatenga. Des militants s’étaient mobilisés pour l’accueillir dans son antre. Plus de 3000 personnes (estimation non vérifiée) s’étaient passés le mot pour se retrouver dans l’enceinte de sa cour et attendre leur illustre hôte. Pressentant que la situation risquait d’être ingérable, des responsables locaux auraient joint Salif pour lui demander d’annuler son voyage. Ce qui fut fait à la grande déception de ses admirateurs. Pas facile pour l’exilé de Vienne qui a dû rejoindre son poste le mercredi 5 août sans mettre le pied à Ouahigouya. De quoi accroître le spleen de cet homme qui visiblement a du mal à se faire à sa nouvelle situation.


Naaba Kiiba instrumentalisé ?

Le roi du Yatenga dont la dernière sortie médiatique a été mal vécue par les supporters de Salif Diallo aurait actuellement maille à partir avec quelques uns de ses administrés qui tenaient à lui montrer qu’il a, par ses déclarations intempestives, bafoué sa propre autorité. Quand on quitte son rôle comme l’a fait Naaba Kiiba, on court le risque d’être traîné dans la boue. Des jeunes s’apprêtaient à le lui signifier bruyamment, n’eût été l’intervention de personnes ressources locales qui ont joué efficacement les pompiers. La nouvelle court que cette sortie hasardeuse du monarque ne serait pas fortuite. Des dessous de table impliquant des personnalités de la région issues du monde des affaires sont en cause. Certains parlent de deux briques. Trop peu pour monnayer la dignité et l’honneur d’un monarque. Mais sait-on jamais !

.Par Germain B. Nama

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 17 août 2009 à 03:42, par Beauregard En réponse à : Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

    Nous ne serions pas surpris de voir Salif etre un jour premier ministre pour preparer la sortie de Blaise. En realite’ tous les tripatouillages et manigances que nous vivons, sont etroitement lies a` la survie de Blaise apres le pouvoir. Si un de la trempe de Salif revenait pour assurer une paisible retraite du " faucon de Ziniare" on entendra plus parler de Francois et de ses associations.C’est aussi simple que cela.

  • Le 17 août 2009 à 15:45, par ngaow En réponse à : Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

    Bonjour,
    Pour l’article sur l’assassinat de Sankara, tous ceux qui ont lu l’article sur d’autres sources (en version complète) savent bien que ces libériens créent en beaucoup de points leur propre histoire parce qu’ils se donnent des places qu’ils n’ont jamais occupées dans cette affaire Sankara. Exemple : lorsqu’ils disent que Sankara a été tué à minuit, qui peut croire ça ? Lorsqu’ils disent que c’est Blaise qui a tiré sur Sankara... même l’unique survivant de la scène ne dit pas cela. Si l’on continue de se demander où était Blaise le 17 octobre 87 (dans son lit ou à l’aéroport...) personne, à part ces libériens, ne prétend que Blaise était là où Sankara a été tué.

  • Le 17 août 2009 à 22:12, par BAGUIAN69 En réponse à : Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

    L’Ambassadeur Salif DIALLO est un grand homme d’Etat qui connait très bien la 4è republique pour avoir été au début de son enfantement.Tous ceux qui s’égosillent aujourd’dui seront très surpris de voir qu’en réalité ces gens-là bouffent ensemble et nous font le numero pour juste de la pub politique...
    Wait and see !

  • Le 18 août 2009 à 01:35 En réponse à : Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

    Qui est François Compaoré ? Juste le frère cadet du président. Sinon quoi politiquement ? Où a t il fait ses preuves ? Pourquoi un banal citoyen lamda serait il présenti à la tête de notre pays ? Arrêtez de faire rêver quelqu’un qui pourait payer très cher son départ à l’aventure. Je ne pense pas que rester sous le coude de son frère peut donner à un homme les capacités de diriger. Ne le faites même pas rêver. Arrêter de prononstiquer n’importe qui au pouvoir. Il y a toute de des Hommes, de vrais politiciens dans ce pays , je parle de ceux qui ne sont pas réfugié sous le boubou de qui que ce soit, je parle des "hommes" ...

  • Le 18 août 2009 à 17:31 En réponse à : Galaxie présidentielle : Fini le congrès, place au désarroi

    de quel homme vous parler je n’en vois pas dans ce gouvernement peut etre ils pousserons des queues plus tard.je ne sais pas pourquoi les gens nous amerde avec l’histoire de salif blaisse et sa suite .moi suis convaicu d’une chose rien ne ressite au temps il faudra bien que un jour blaisse quitte le pouvoir car quand le roi est malin ces que le peuple est béte et quand le malin c’est le roi est béte une chose est cretaine le peuple ne reste jamais béte jusqu’a la fin .que dieu nous donne longue vie .

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