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ECONOMIE : Notre continentalité n’est pas une fatalité

Publié le mardi 11 août 2009 à 01h56min

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Qui peut expliquer à un paysan de la région du Nord, du Sahel ou du Centre-Nord pourquoi une boîte d’allumettes fabriquée au Burkina Faso coûte deux fois plus cher que la même boîte importée de Malaisie ou d’Indonésie ? En effet, sur la place du marché, les ménagères, les principales utilisatrices de ce produit achètent le paquet de dix boîtes à 100 CFA. Les mêmes boîtes d’allumettes produites au Faso coûtent 25 francs CFA pièce.

Le riz importé de Thaïlande, du Vietnam ou de Singapour coûte moins cher que celui produit par les riziculteurs de la Vallée du Kou, du Sourou ou de Bagré. La plupart du temps, ce riz est de meilleure qualité que le riz produit sur place au Burkina. En tous les cas, il se trouve que le riz importé est mieux présenté, mieux conditionné que celui de nos producteurs locaux. De Bangkok à Ouagadougou pourtant, le riz a traversé des océans et des mers, séjourné dans plusieurs ports, supporté des taxes douanières et la TVA. Après tout cela, la plupart des consommateurs burkinabè le trouvent plus abordable, côté prix, à la portée de leur bourse. En outre, il est disponible sur tout le territoire national.

La Société sucrière de la Comoé (SOSUCO) produit du sucre de bonne qualité. Elle peut couvrir les besoins de consommation du Burkina. Cependant, les magasins et les alimentations des villes et des campagnes regorgent de sucre d’origine étrangère. La SOSUCO disposerait en ce moment, selon nos sources, de quantités appréciables de sucre qu’elle n’arrive pas à écouler sur le marché national. Il faut espérer que pendant la période du Ramadan qui s’annonce, tous les Burkinabè individuellement et collectivement, tous ceux qui vont offrir du sucre s’approvisionneront en priorité à la SOSUCO. Ce faisant, ils donneront un sens au slogan « consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons ». Certes, on nous dira que ce slogan date de la révolution, donc est tombé en désuétude. Mais la protection et la promotion de l’économie nationale, elles, ne sont pas tombées en déchéance. Elles se révèlent chaque jour de plus en plus d’actualité, surtout dans ce contexte de crise financière mondiale et de vie chère.

Le lait, le Burkina en produirait assez pour couvrir une part importante de ses besoins de consommation. Il reste à organiser cette production grâce à une semi-industrialisation, pourquoi pas une industrialisation. Mais, force est de constater que pour cette denrée comme pour les précédentes, rien n’est fait pour encourager la consommation de la production nationale en faisant des efforts dans leur présentation et leur conditionnement. Mais surtout il faut les protéger contre les productions étrangères.

Sur l’ensemble des situations dont nous avons parlé, les techniciens des ministères de l’Economie et des finances d’une part, ceux du Commerce, de la promotion de l’entreprise et de l’artisanat d’autre part, devraient expliquer aux citoyens les causes de ces situations. La première raison que l’on va nous balancer certainement à la figure, c’est que le Burkina Faso est un pays continental. Ce qui est vrai. Mais notre continentalité n’est pas une fatalité. Malgré cette continentalité, comment expliquer que des produits de la fraude et de la contrebande envahissent le marché au point d’asphyxier les entreprises nationales ? La seconde raison qu’on va aussi brandir, c’est que le Burkina Faso a adhéré au système de la libre concurrence. Mais mondialisation, continentalité, libre concurrence commandent-elles qu’un pays saccage ainsi son économie ? Il s’agit, dans leur majorité, des denrées alimentaires pour lesquelles notre dépendance de l’étranger est grande. Elle devrait être inquiétante pour tout le monde, les gouvernants d’abord, les gouvernés ensuite.

Il devrait y avoir quelque part, des hommes et des femmes qui tirent des bénéfices substantiels de ces situations. Sinon, comment comprendre et accepter que du sucre entré en contrebande sur le territoire soit si important par ses quantités au risque de menacer l’existence de la SOSUCO ? Nous avons réservé le secteur des cycles et cyclomoteurs pour la fin. Ouagadougou, et par extension le Burkina, est un pays des deux roues. Au cours des précédentes décennies, la Société industrielle du Faso (SIFA) contrôlait le marché national.

Elle opérait dans un contexte de monopole absolu dans le domaine des cycles et des cyclomoteurs. Aujourd’hui, ce secteur est envahi par les cycles et cyclomoteurs importés des pays asiatiques. Nous nous abstenons de parler des mille et une magouilles qui se passent dans le secteur, des contrefaçons qui y ont cours, toutes choses que les services compétents n’ignorent pas. Les produits de la SIFA coûtent trois fois plus, voire plus, que le prix de ces engins d’importations asiatiques. Conséquence : la SIFA est dangereusement menacée dans son existence. Les opérations que montent de temps à autre les services de Police et ceux des Douanes pour mettre la main sur les motos non dédouanées parce que frauduleusement entrées dans le pays sont des preuves éclatantes que la fraude est une grande réalité dans le secteur. Il en est de même des entreprises qui avaient des activités connexes comme l’usine de fabrique de pneumatiques pour cycles et cyclomoteurs Sap Olympic.

Là également, l’entrée frauduleuse des pneus et chambres à air de fabrication étrangère a fait son œuvre dévastatrice. Les magasins de pièces détachées faudées poussent comme des champignons dans toutes les villes burkinabè. Récemment, des écrits ont paru dans la presse pour affirmer que c’est la fraude qui a été à l’origine des fermetures de nombreuses entreprises de la zone industrielle de Bobo Dioulasso, et de Ouagadougou. Et qui dit fermeture de sociétés, dit travailleurs en chômage. Nous n’avons pas pour le moment enregistré des réactions officielles sur lesdits écrits. Les promesses faites par le Président Blaise Compaoré lors de sa campagne électorale en 2000 de remettre en marche certaines entreprises fermées se font toujours attendre. De nombreux autres secteurs comme celui des piles que fabrique Winner et du textile avec la fermeture de Faso Fani (redevenue Fasotex) peuvent aussi être évoqués.

Les secteurs ci-dessus évoqués relèvent à la fois de l’économie et du commerce. Si rien n’est fait, que ce soit dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) que dans celui de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, les Burkinabè resteront ce qu’ils ont toujours été : un peuple de consommateurs, un peuple servant de main-d’œuvre pour développer les autres pays. Mais tout de même, nous produisons et exportons du coton. Voici notre seul mérite.

Sidzabda

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 11 août 2009 à 03:18 En réponse à : ECONOMIE : Notre continentalité n’est pas une fatalité

    Ca c’est le prix qu’on paye pour s’etre engage dans le libre market tout en ignorant ou du moins en pretendant ignorer les consequences. Le BF ainsi que la plupart des pays Africains ne sont pas pret pour le Libre Market parce que les conditions minimales ne sont pas en place. Nous n’avons pas les moyens pour la recherche, l’inovation et les technologies du marketing dont disposent les pays avances. Consequence : Nous ne pouvons pas etre aussi competitifs que les pays avances sur le marche mondial. Il faut qu’on aille doucement. Sinon, la chute sera suicidaire.

  • Le 13 août 2009 à 11:15, par lilboudo En réponse à : ECONOMIE : Notre continentalité n’est pas une fatalité

    Le libre marché n’est pas mauvais en soi, à condition que les participants respectent les règles. Il va du bien du Burkina d’importer du sucre ou des allumettes moins chers, si en contrepartie son coton ou bétail (que sais je encore) est ressenti moins cher à l’étranger, avec des bénéficies substanciels pour les paysans. Or, notre coton est cher sur le marché international à cause des subventions des pays occidentaux (ce qui nous prive de notre avantage comparatif), et finalement nous nous retrouvons sans devises d’exportations.
    Dans ces conditions, une chose est recommandable : jouer les règles du jeu. Puisque les chantres du libre commerce n’en respectent pas, pourquoi devrons nous en respecter ? L’Etat doit revenir aux commandes, par des droits de douane, et par la lutte contre la fraude. Cela exige cependant de créer parallèlement les conditions de la concurrence intérieure pour inciter les entreprises à réduire les coûts.

    Dilemme donc ! L’équation se résoud dans le cadre de la régionalisation : stimuler la concurrence entre pays de l’UEMOA, pays à développement éco égal, et imposer à l’occident des règles plus juste de partenariat en lieu et place de la mascadre des APE !

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