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Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

Publié le lundi 3 août 2009 à 02h25min

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Par décision N°200/CDP/CN/BPN/ BEN, "le Camarade Salif Diallo, Premier Vice-Président du Parti, Chargé de l’Orientation et des Questions Politiques du Bureau Exécutif National est suspendu de tous les organes et instances du Parti pour manquements graves aux principes organisationnels ayant pour conséquence la remise en cause de la cohésion au sein du Parti et de sa Direction, refus de faire une autocritique sérieuse et profonde sur ses actes et remises en cause des Positions du Parti sur les institutions de la IVème République sans un débat préalable en son sein."

L’opinion publique est désormais fixée sur les tenants et aboutissants de la récente sortie médiatique de Salif Diallo dont nombre d’observateurs avaient tendance à penser qu’il faisait entendre une fois de plus la voix de son maître. Cette inclination n’est cependant pas fortuite, car au plus fort du débat sur la rétroactivité ou non de l’article 37 qui réduisait le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois, l’intervention de Salif avait été perçue comme la voix du Palais. On se souvient encore que c’est par lui que l’opinion publique apprendra que Blaise allait être le candidat du CDP à la présidentielle 2005. Cette fois, Salif Diallo a pris l’initiative de parler pour son propre compte et il en paie le prix.

Dans l’édition précédente, nous avions en effet prédit ce qui risquait d’arriver si son aventure était solitaire : "Malheur à lui cependant, (avons-nous écrit), s’il a lancé son idée dans le souci de provoquer un débat sur la question, sans en avoir au préalable discuté avec Blaise, et reçu son feu vert." Si la caution de Blaise était acquise, on verrait mal Roch, fût-il le président du Parti, ramer à contre courant. Pas de discipline partisane qui tienne quand le chef a décidé de faire passer un message par des voies informelles. La vérité, c’est qu’aucun débat sur les institutions ne peut avoir lieu dans le parti sans qu’il n’ait été au préalable inspiré par Blaise Compaoré, seul maître à bord. Tout responsable qu’il est, chargé de l’Orientation et des Questions politiques, Salif Diallo n’a pas pu convaincre Roch d’inscrire la question sur les institutions en débat.

Prudent comme à son habitude, le président du Parti n’a pas voulu mettre les pieds dans le plat. Entre les deux hommes, il y a une différence abyssale de tempérament. On a vu Roch pendant sa traversée du désert. Il a su se tenir droit dans ses souliers, le temps de laisser passer l’orage. Il décourageait même toute initiative tendant à le soutenir, son seul souci étant de se faire oublier. Alors que Norbert Zongo le mettait en selle, voyant en lui, l’homme politique ayant suffisamment d’étoffe pour faire contrepoids à la toute puissance de Blaise, il aurait envoyé un signal à ce dernier de cesser ce jeu dangereux. Salif par contre s’illustre comme un fonceur, même si ses audaces reflétaient les desiderata de Blaise. Il est ainsi apparu comme celui par qui Blaise assénait des coups tordus à ses adversaires politiques. L’homme n’en conserve pas moins une personnalité propre, trempée par des années de lutte dans des groupuscules politiques qui furent le fer de lance de la Révolution et qui sont demeurés aujourd’hui le noyau dur du CDP.

De la complicité au soupçon

Considéré comme un fidèle parmi les fidèles, Salif Diallo a côtoyé Blaise Compaoré depuis l’époque du Conseil National de la révolution (CNR, entre 1983 et 1987). Alors directeur de cabinet de Blaise, alors ministre de la Justice, l’homme n’avait rien ménagé pour nouer des contacts au profit de son mentor au sein des forces politiques et sociales. Sa connaissance du milieu estudiantin lui permit de créer et d’entretenir des réseaux pour faire contrepoids à l’AEVO, principal mouvement estudiantin sur le campus de Ouagadougou. Certains le croient mêlé à la disparition du Professeur Guillaume Sessouma et de l’étudiant de 7ème année de médecine, Boukary Dabo. Les soubresauts de la Révolution seront sans conséquence sur la solidité des liens qu’il entretient avec Blaise Compaoré. Ceux-ci vont au contraire se renforcer. Il entre au gouvernement en 1989 comme Secrétaire d’Etat à la Présidence du Faso. C’est l’année où naît le Mouvement Burkinabè des droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP). Salif Diallo se fait élire conseiller au sein du Mouvement et travaille à rapprocher celui-ci de la Présidence. Mais les divergences ne tarderont pas à se manifester, en raison de la dégradation de la situation des droits de l’homme. Il fomente alors un mouvement factieux avec l’objectif de déloger les principaux responsables du MBDHP.

La tentative échoue, mais il impulse la création d’une nouvelle organisation des droits humains (l’APED-LIBERTES) qui fera long feu. En 1991, Salif dirige le département de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité Sociale. Blaise le ramène quelques mois plus tard à la Présidence du Faso comme chargé de missions. Il y reste jusqu’en 1995, date à laquelle il est nommé ministre d’Etat en charge de l’Environnement et de l’Eau jusqu’en 1999. En 2002, il se retrouve à la tête d’un super ministère chargé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques jusqu’à ce jour de Pâques 2008 où il fut limogé. Ce parcours prestigieux lui conféra une carrure qui, au fil du temps, sera source de problèmes. Considéré par l’opinion publique comme le numéro 2 après Blaise, Salif fera de l’ombre aux Premiers ministres qui vont se succéder. Toutefois, c’est sous Paramanga que des indices d’une rivalité réelle commencent à poindre. Paramanga, expliquent certains, a pris de l’assurance et s’est affranchi de la tutelle de Salif dont il n’était que le protégé, ce que ce dernier a du mal à digérer. La reconduction de Paramanga en 2005, à l’issue de la présidentielle, a été la pilule que Salif n’aurait pas digéré. Il n’aurait pas compris qu’après avoir conduit avec brio la campagne du candidat Blaise, ce dernier ne lui ait pas offert en guise de reconnaissance la primature.

C’est le même ressentiment qui sera évoqué à l’occasion de la nomination de Tertius Zongo que l’on est allé chercher jusqu’aux Amériques. Ces supputations sont balayées d’un revers de la main par Salif Diallo. "Je ne suis pas un courtisan, dit-il. Je suis un camarade prêt à servir à n’importe quel poste." Quoiqu’il en soit, l’essentiel pour lui, c’est la confiance de Blaise qu’il considère avant tout comme un camarade. Mais la confiance entre les deux hommes sera de plus en plus mise à rude épreuve. En effet, il apparaîtra clairement que Blaise n’écoute plus son ami Salif. Son centre d’intérêt s’est déplacé vers la famille qui prend de plus en plus d’importance dans les affaires publiques. Insupportable pour Salif qui dénie à la famille toute légitimité en matière politique. Les incidents vont se multiplier notamment dans le fief même de Salif où l’on a poussé l’outrecuidance jusqu’à l’y rejoindre pour y croiser le fer, par belle famille interposée. Salif constate que Blaise laisse faire. La même opération sera tentée contre Simon à la mairie de Ouagadougou, là aussi sans succès. Salif qui a compris la manœuvre jette ostensiblement un pavé : "Le CDP n’a pas encore sécrété quelqu’un de la trempe de Simon capable de le remplacer à la mairie de Ouagadougou".

Dans le même temps, François prépare sa propre rampe de lancement. Les préparatifs du 20ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Blaise Compaoré donnent l’occasion aux hommes de François de révéler aux Burkinabè l’action héroïque de ce dernier dans l’avènement de son frère au pouvoir. Lors du méga meeting de Pô organisé dans le cadre du 20ème anniversaire, on assiste à une quasi déification de Blaise, présenté comme le messie qui a sauvé le Burkina. Le CDP à qui l’on a demandé d’assurer l’appoint nécessaire à travers la mobilisation de ses structures fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il aura compris que pour les historiens de Blaise, d’aucuns diront les révisionnistes, le CDP et ses premiers responsables auront compté pour du beurre dans l’histoire du pays. Salif est agacé par ces développements qu’il trouve dangereux pour l’avenir du pays. Pendant ce temps, les mécontents du CDP rejoignent en masse les ABC et autres organisations de soutien à Blaise et donnent naissance à la FEDAP/BC. Cette organisation entreprend de recruter en mordant sur les platebandes du CDP.

Elle se positionne par endroits comme une organisation rivale du CDP au point que certains de ses adeptes la présentent comme le nouveau parti de Blaise et de son frère. Le discours officiel tenu par les responsables du CDP feint d’ignorer les soucis que lui cause la FEDAP/BC. Mais en coulisses, le ton est plutôt à la résistance, voire même au boycott. Il faut mettre en échec le plan de déstabilisation des anti-CDP sous l’étendard de François Compaoré. La menace de déstabilisation est tellement prise au sérieux qu’elle rapproche le trio dirigeant du CDP que sont Roch, Salif et Simon. Quand Salif est limogé, le parti fait preuve d’une extraordinaire solidarité et salue l’œuvre accomplie par le militant au sein du gouvernement. Mais cette fois, Blaise ne garde pas son ami à la présidence comme il a pris l’habitude de le faire. Il sera envoyé à Vienne comme ambassadeur, chose que ce dernier vivra comme un exil forcé.

Il s’ennuie ferme dans le bled autrichien et appréhende avec inquiétude l’évolution des choses au Burkina, où l’on ne semble pas avoir renoncé à mettre au rencart les dirigeants historiques du CDP. Plutôt que de subir le cours des choses, Salif a préféré s’inscrire dans une tactique d’anticipation. En se faisant démissionner, Salif prend à contrepied Blaise et son frère, obligés de gérer une situation où l’allié fidèle apparaît comme la victime. Le prochain épisode sera probablement son exclusion du Parti. Mais le CDP sans Salif, c’est assurément une page de l’histoire du Parti qui se tourne. On verra quelle en sera la nouvelle configuration et les tendances qu’elle annonce.

L’Evénement

Par Germain Bittiou Nama

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Vos commentaires

  • Le 3 août 2009 à 03:48, par koudka En réponse à : Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

    Salif hors du CDP ou le CDP sans Salif c’est toujours Blaise qui gère le Burkina. il faut un Burkina sans Blaise et sans le CDP pour qu’on vive en paix !

  • Le 3 août 2009 à 13:36, par DIARRAGOUDOU En réponse à : Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

    Enfin !!!!!!!!
    Le debut du commencement de la fin de ce foutu regime a veritablement commence. Puis l’histoire s’accelerer et nous en debarasser au plus vite !

    AMEN !!!!!!!!!!!!!!!!

  • Le 3 août 2009 à 18:20, par Bourkimbila En réponse à : Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

    Bravo mon journaliste.Tout d’abord je vous fellicite pour votre brillant article qui, à le lire nous plonge et replonge dans l’histoire avant de nous décevoir par le fait du cours des évènements.Qu’elle sera la suite ? Pourquoi tout ce que nous constatons ? le peuple burkinabè est-il aussi abruti pour se laisser manipuler par un seul mortel ? Seul l’avenir a les reponses à ces interrogations. Dans tous les cas je vous souhaite longue et bon courage car toute chose a une fin. je vous remercie

  • Le 3 août 2009 à 22:15 En réponse à : Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

    mais alors arretons de pleurnicher sur salif Ce pouvoir c’est lui qui l’a fait et refait et redoré son image etc or on sait aussi quelle misere il y a derriere tout cela On parle de Sessouma et autres mais combien d’autres encore sans nom Roch a demande a Norbert zongo d’arreter ce jeu dangereux : il sait de quoi il parle. Cela rappelle simon compaore qui dit qu’il n’est pas assez fou pour vouloir la place de blaise il sait lui aussi pourquoi il dit ca. Alors salif dans tout ca ?
    mamadou

  • Le 3 août 2009 à 22:30, par henry clay En réponse à : Salif Diallo : Sanctionné pour avoir mis le Parti au pied du mur

    ceci est une analyze politique du premier ordre. credible de par sa comprehension de la dynamic relationelle des individus en question et de l’evolution politique du pays et du CDP. good job.

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