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Nigeria : Terrorisme d’Etat contre terrorisme islamiste

Publié le lundi 3 août 2009 à 02h18min

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100, 200 puis 300 et enfin au moins 650 morts. Depuis le déclenchement des affrontements entre les forces de sécurité nigérianes et les partisans du mouvement extrémiste du Boko Haram, on se demandait à combien s’arrêtera le décompte macabre des victimes de ces folles journées de violence, dont le Nigeria est coutumier.

En effet, ce pays connaît, depuis son indépendance, des tensions politico-sociales qui se sont toujours soldées par des centaines de macchabées. Si ce ne sont pas des conflits ethniques, ce sont des batailles rangées interreligieuses qui endeuillent les familles, ou encore les revendications de groupes rebelles qui troublent la quiétude des populations. Abuja n’a pas fini de mener sa guerre contre le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND) qu’un autre foyer de tensions s’est déclaré dans l’Etat de Bauchi, où des islamistes radicaux se sont attaqués à des commissariats de police pour piller les armes en vue d’instaurer de force la charia. Le cancer social s’est rapidement métastasé au Nord-Est dans la contrée de Borno, où règnent en maîtres absolus des « barbus » qui se proclament pro Talibans.

Les combats, on le sait, furent très acharnés entre les forces publiques et les fondamentalistes musulmans. Il aura fallu près d’une semaine et le déploiement d’une artillerie lourde par l’armée régulière pour anéantir les militants de cette organisation, que d’aucuns qualifient de secte, et qui semble solidement implantée dans cette partie du pays. Le bilan des affrontements témoigne du grand nombre de gens qui avaient adhéré aux idéaux de Boko Haram qui, comme son nom l’indique en langue Haoussa, considère que l’éducation moderne est un péché. Face à un tel regroupement d’individus, qui répandent des idées rétrogrades ainsi que subversives et remettent en cause les fondements de l’Etat fédéral, en soutenant que la démocratie et le système d’éducation à l’occidentale doivent changer, il y a péril. Il était du devoir du gouvernement de "mater par tous les moyens ces islamistes sectaires". Et cette tâche de combattre les « ennemis » du peuple étant dévolue aux hommes en treillis, ceux-ci se devaient de démontrer que leur rôle consiste véritablement à défendre l’intégrité du territoire et à protéger les populations. Ainsi, l’armée a utilisé les grands moyens pour neutraliser ces forces obscures afin non seulement de rétablir l’autorité étatique et l’ordre social mais aussi de se racheter aux yeux d’une partie de l’opinion publique nigériane, qui l’accuse à tort ou à raison d’avoir longtemps laissé cette gangrène que constituent ces « fous » d’Allah gagner du terrain. Après cinq jours de bataille atroce, les militaires ont pu faire le nettoyage dans le camp adverse.

La victoire a été d’autant plus éclatante que les forces de défense et de sécurité ont mis le grappin sur le leader des islamistes, Ustaz Mohammed Yusuf. Le président Umaru Yar’Adua, qui avait donné l’ordre de terminer une fois pour toutes avec ces insurgés, a donc fini par avoir la tête de celui qui voulait le perdre. Mais, en lieu et place d’un cachot, le « Mollah Omar » du Nigeria a été capturé et liquidé sans autre forme de procès. Sans doute, les autorités nigérianes craignent que le laisser vivant entraîne d’autres conséquences, imprévisibles.

Pourtant, le nouveau statut de prisonnier de guerre du chef des insurgés devait plaider en sa faveur, notamment à travers son maintien dans les liens de la détention en attendant un éventuel jugement comme dans une bonne République. Du reste, presque tous les Etats ont ratifié la Convention sur les prisonniers de guerre, qui ont, eux aussi, des droits, qu’il faut respecter. Dans le cas d’espèce, l’Etat nigérian se rend coupable d’exécution sommaire pour avoir choisi cette loi du Talion. Son objectif, on le sait, c’est de priver le groupe des « Djihadistes » de leur numéro 1, cette tête pensante qui incitait ses coreligionnaires à l’insurrection contre le pouvoir central. Mais cela empêchera-t-il l’apparition d’autres islamistes tant que le mal ne sera pas combattu à la racine ?

Car les idées promues par ces illuminés prospèrent sur un terreau lié, entres autres, à la pauvreté : les adeptes de ces "prophètes" des temps modernes se recrutent souvent dans les milieux défavorisés et désespérés, et Dieu seul sait combien il y en a au Nigeria, un pays immensément riche mais gangrené par la corruption et où les ressources du sous-sol sont inégalement réparties.

Conséquences : les pêcheurs en eau trouble profitent de ce contexte de misère pour manipuler les masses et contribuer à maintenir le pays au rang de géant aux pieds d’argile, qui n’en finit pas avec les crises sociales à la moindre peccadille, mettant perpétuellement à néant ses efforts de développement. C’est dire que le terrorisme d’Etat contre le terrorisme islamiste ne résoudra pas forcément le mal nigérian.

Il lui faut une thérapie de cheval qui consiste à lutter vigoureusement contre la paupérisation grandissante afin de donner espoir aux populations, surtout à la frange jeune. A défaut, les esprits fragiles et fragilisés grossiront les troupes de ces organisations terroristes qui leur promettent le paradis céleste contre leur engagement à combattre pour instaurer un nouvel ordre, fondé, selon elles, sur les recommandations de Dieu.

La rédaction

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 3 août 2009 à 10:44, par machiavel En réponse à : Nigeria : Terrorisme d’Etat contre terrorisme islamiste

    Quant on veut manger son chien, on l’accuse de rage. Cette secte pou cette confrérie existe au Nigeria et il y a de cela bien longtemps. Les chefs religieux sont de puissants faiseurs de roi dans ce pays de « relations » et d’influences. A la tête de bandes bien organisées, ils jouissent des égards de tous les chefs politiques qu’ils contribuent ex honorablement à hisser au sommet de là où on sait. La séparation de « l’église et de l’Etat » n’est pas effectif en Afrique. Et comme dans ces genres d’alliance, pour ne pas dire d’association de malfaiteurs (politiques et religieux) les règles du jeu n’étant pas forcement respectées, il y a des frustrations. A Touba au Sénégal, il est connu de notoriété publique qu’une école en français, c’est interdit. Est-ce que Wade a fusillé les Sérigne ? Il y a bien d’autres raisons que le Nigéria ne veut pas nous donner et l’exécution extrajudiciaire du leader religieux comme à la période coloniale (Mamadou Lamine Tounkara et Karamogoba Sanogo) n’est sans doute pas une solution à cette gangrène qui est déjà un cancer bien avancé au pays des Généraux.

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