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MALAISE DE SARKOZY : Leçon de transparence aux chefs d’État africains

Publié le vendredi 31 juillet 2009 à 01h58min

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Le monde entier a suivi presqu’en temps réel, la gestion communicationnelle du malaise dont le président français Nicolas Sarkozy, a été victime la semaine passée. Le malaise est survenu au cours de son traditionnel jogging. Il a été immédiatement transporté par hélicoptère à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. C’est dans cet hôpital que sont généralement soignés les dirigeants français et la plupart des chefs d’État africains parce qu’ils ont été incapables de bâtir chez eux des structures de santé de référence.

Mais ce n’est pas l’objet de la réflexion du Fou aujourd’hui. Quelle modestie, quelle simplicité ! Le premier des Français a expliqué son malaise et la manière dont il a été pris en charge. Avant que le président Sarkozy ne s’adresse lui-même à ses compatriotes, les services de presse de la présidence française ont largement publié des communiqués sur l’état de santé du chef de l’Etat. C’est le jour et la nuit pour ce que l’on a l’habitude de voir en Afrique. Parler de la bonne santé et surtout de la mauvaise santé d’un chef d’Etat africain conduit le journaliste à la "potence" et son organe à être fermé, interdit de paraître. Combien de journalistes africains ont goûté aux affres des prisons parce qu’ils ont écrit ou parlé du mauvais état de santé de leur président. La santé des chefs d’Etat africains est un tabou.

On n’en parle pas. Le dernier cas en date de cette loi de l’omerta est celui du regretté Omar Bongo Ondimba, le défunt président du Gabon. Evacué d’urgence à Barcelone (Espagne) pour recevoir des soins intensifs que nécessitait son état de santé, les services de la présidence gabonaise ont publié dans un premier temps une note où il est dit que le président se mettait en repos. Par conséquent, étaient suspendues toutes les audiences ; et bien d’autres mensonges de pleuvoir, puisque sachant bien que Bongo était gravement atteint. Pire encore, quand un journal français a annoncé la mort du même Bongo, le gouvernement gabonais s’est effrontément fendu d’un communiqué dans lequel il a démenti la nouvelle de la mort du président gabonais. Quelles contorsions ? Quelles gymnastiques pour nier l’évidence ? Pourquoi cache-t-on avec tant de soin les maladies des présidents africains. Y a-t-il une rationalité dans ce comportement de nos chefs d’État africains et de leur entourage ?

Ce comportement pourrait s’expliquer par la conception du pouvoir en Afrique. Le président de la République, le roi autrefois, sont des êtres exceptionnels. Ils sont déifiés et un dieu ne tombe pas malade comme un vulgaire humain. Il faut ajouter à cela que les Africains, dans leur grande majorité, vivent sous des régimes qui se disent démocratiques, mais qui ne le sont que de nom. Ceux qui sont parvenus au pouvoir n’entendent plus le quitter. Ils s’y accrochent, ne reculant devant rien pour y demeurer. Dans ce contexte, déclarer qu’un tel homme est malade ou qu’il est susceptible d’être malade, c’est déjà en quelque sorte insinuer qu’il peut perdre son pouvoir. Comme on le voit, la question de fond ici, c’est le dysfonctionnement des institutions démocratiques, les entorses que l’on est prêt à faire aux instruments légaux de dévolution du pouvoir. Tout est secret. Tout doit être gardé secret, même la santé de l’homme qui tient dans ses mains les destinées de tout un peuple. Celui-ci ne doit pas savoir quand son président souffre ni de quelle pathologie il souffre, jusqu’à ce que l’irréparable se produise comme au Gabon.

Un président africain ne veut jamais se considérer comme un homme fait d’os et de sang comme vous et moi. Quelle prétention ! Le jour où ils accepteront qu’ils sont des hommes comme les autres, donc mortels, c’est-à-dire pouvant être malades, se soigner, guérir ou mourir, ils n’ordonneront plus qu’un homme soit emprisonné ou inquiété parce qu’il a parlé de la maladie de son président. Mais tant qu’ils dirigeront leur pays grâce à des oukazes, ils auront peur de se déclarer souffrants. En le faisant, ils deviennent simplement vulnérables ; pas eux en tant qu’êtres humains, mais leur pouvoir. Accepter qu’on est malade ou qu’on peut l’être, c’est susciter des ambitions pour sa succession. On préfère manipuler les populations comme on l’a vu dernièrement au Gabon. La gestion du malaise du président français sur le plan de la communication doit servir de leçon de transparence pour de nombreux chefs d’État africains.

Ils ne doivent plus faire des maladies dont ils peuvent être atteints, des sujets tabous. Ils doivent faire confiance à leur peuple avec la certitude que le pays ne disparaîtra pas après eux, tout comme ils ne l’ont pas créé. C’est le refus de se reconnaître comme des mortels, qui est à l’origine des comportements anormaux des présidents et des pouvoirs africains à l’égard de leur état de santé. Il va falloir que soit inscrite dans toutes les Constitutions africaines l’obligation pour chaque président de présenter, ne serait-ce que tous les ans, un bulletin complet de santé qui sera publié. A l’ère de la globalisation, les pouvoirs africains doivent évoluer pour faire en sorte que parler de la maladie du président ne soit plus un sacrilège, un crime de lèse-président.

Le Fou

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 31 juillet 2009 à 22:08, par KGWK En réponse à : MALAISE DE SARKOZY : Leçon de transparence aux chefs d’État africains

    "Avant que le président Sarkozy ne s’adresse lui-même à ses compatriotes, les services de presse de la présidence française ont largement publié des communiqués sur l’état de santé du chef de l’Etat. C’est le jour et la nuit pour ce que l’on a l’habitude de voir en Afrique."

    Très drôle. Lisez la presse française, mr Le Fou, vous verrez que cette fameuse communication a été en réalité un vrai cafouillage de contradictions et de démentis.

    Faites votre sujet sur l’état de santé des dirigenats africains mais de grâce, épargnez nous l’exemple français.

  • Le 1er août 2009 à 02:49, par Boukary WILLY En réponse à : MALAISE DE SARKOZY : Leçon de transparence aux chefs d’État africains

    Parlant de la santé des Chefs d’Etat, l’Afrique a beaucoup à faire. C’est sûr. Mais la France est aussi loin de la "transparence". Quelques exemples sous la 5e République française. La Présidence fraçaise a caché aux Français le cancer de Georges Pompidou : l’Elysée faisait état de "simples grippes" pour étouffer les rumeurs qui circulaient concernant la santé du Président qui était pourtant atteint d’un cancer et dont il succombera en cours de mandat (le 02 avril 1974 plus précisement). Le cancer de Mitterand a été aussi caché aux Francais. Avant ce malaise Sarkosy avait été secretement hospitalisé...
    En la matière la France est loin devant l’Afrique ( rien de plus normal) mais elle court loin derrière la transparence.

  • Le 2 août 2009 à 17:49 En réponse à : MALAISE DE SARKOZY : Leçon de transparence aux chefs d’État africains

    NAB, tu auras toujours eu tort d’ avoir vu juste trop tot. C’est le lot des visionnaires comme toi a l’ instar de Norbert Zongo, Sankara, Lumumba, Le Che, Amilcar Cabral, pour ne citer que les prgressistes, les vrais. Cahcerz la maladie de ceux qui nous dirigent. Vous n’ en grillez pas au laser leurs metastases pour autant.

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