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Axe Ouaga-Prétoria : Des ambassadeurs résidents pour booster la coopération

Publié le vendredi 16 juillet 2004 à 07h50min

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Compaoré et MBeki

Les 13 et 14 juillet derniers Blaise Compaoré effectuait une visite officielle en Afrique du Sud. Il était accompagné du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Youssouf Ouédraogo, du ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie, Kader Cissé. Un séjour certes bref, mais plein de promesses. Témoignage.

C’est le lundi 12 juillet dernier aux environs de 9 heures que le boeing présidentiel burkinabè a pris son envol, cap sur Johannesburg, la capitale économique sud-africaine. Après 6 h 45 de vol direct voici Johannesburg, la luxuriante métropole sud-africaine. Il faisait un temps de chien : environ 8°C. Pour peu, on se croirait à Atlanta ou dans une ville huppée des USA. Les rues bien asphaltes, les trottoirs propres et bien entretenus, les bâtisses soigneusement construites, grouillent de monde et partout de grosses cylindrées avec le volant à droite.

Mais la destination finale de Blaise Compaoré, c’était Pretoria, la mégapole capitale politique de l’Afrique du Sud ; Et en moins d’un quart d’heure, nous parcourons les 60 km qui séparent les deux capitales. A tous points de vue, Pretoria a tout d’une ville ultramoderne. On ne s’y croirait pas là non plus en Afrique où la pauvreté, la misère restent le lot commun. A bien d’égards, ces deux cités n’ont rien à envier aux capitales occidentales.

Tapis rouge pour Blaise

Pour accueillir le président Blaise Compaoré, les autorités sud-africaines ont sorti le grand jeu. Il est vrai que cette fois, il s’agissait d’une visite d’Etat. Et c’est dans une demeure fort cossue, dont il nous a été donné de voir peu dans la sous-région, que le président Compaoré a été installé : La villa Sterne Guest House. Naguère qualifiées d’orageuses, les relations entre le Burkina Faso et l’Afrique du Sud ont pris depuis quelque temps une véritable pente ascendante.

Et les longues concertations entre les deux hommes d’Etat ont débuté mardi 13 juillet dans l’après-midi. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre Thabo Mbeki, le successeur de Nelson Mandela à la tête de l’Afrique du Sud. Au cours de la cérémonie officielle de signature d’un accord cadre général de coopération à la "Présidential Guest House", l’équivalent de la Présidence du Faso, le Président sud-africain s’est longuement étendu sur les relations entre nos deux pays, la crise ivoirienne, le Sommet sur l’emploi et la pauvreté, qui se tiendra en septembre prochain à Ouagadougou et sur le NEPAD qui occupe une place de choix dans le cœur des autorités sud-africaines.

Pour Thabo Mbeki en effet, "il faut faire face aux défis de l’emploi et nous travaillerons avec Blaise Compaoré, Obassandjo et Konaré dans ce sens ; pour arriver à des résultats concrets". "Nous voulons, a poursuivi le dirigeant sud-africain, sortir avec des éléments concrets pour la création de l’emploi". "Hormis cela, estime-t-il, le Burkina Faso a de grands gisements miniers qui intéressent l’Afrique du Sud, et nous allons collaborer pour évaluer les données pour une connaissance complète et totale de ces gisements miniers. "Mieux, renchérit Thabo Mbéki, nous allons envoyer un ambassadeur résident à Ouagadougou et le Burkina va en faire de même à Pretoria".

C’est véritablement un Blaise Compaoré aux anges, qui, en réponse à son homologue sud-africain, s’est réjoui de cet accord conclu entre les deux pays. Et Blaise Compaoré de poursuivre : "Je me réjouis de la forte implication de l’Afrique du Sud dans la résolution de la crise ivoirienne et, mieux, de ce que le pays de Thabo Mbeki va nous appuyer dans l’organisation du Sommet sur l’emploi. Je repars satisfait et les perspectives sont heureuses".

Sur la crise ivoirienne en effet, il est prévu un sommet le 29 juillet prochain à Accra, un sommet ultime de clarification qui aura pour plat de résistance :
- la question de la transition en Côte d’Ivoire ;
- la question des élections et le problème du désarmement et c’est peu dire d’affirmer que la date du jeudi 29 juillet sera fatidique pour la Côte d’Ivoire, voire pour la sous-région.

L’or du Burkina est intéressant

Selon des sources dignes de foi, le Burkina a un réel potentiel géologique et cette richesse intéresse les compagnies sud- africaines, qui restent dans le peloton de tête à l’échelle mondiale. Et ce n’est pas pour rien que le Président Compaoré a visité le siège de Randgold Resources à Johannesburg, une des grosses compagnies minières sud-africaines présentes au Burkina Faso où à ce jour, elle a investi environ 10 millions de dollars soit environ 6,5 milliards FCFA dans la recherche minière et ce, depuis seulement 1993. C’est en effet en 1992, c’est-à-dire avant la fin de l’apartheid, que le docteur Dennis Mark Bristav de Randgold and Exploration Company Limited est venu pour la première fois au Burkina. En 1993, un partenariat a été signé entre la Burkinabè Faso Etudes et travaux (FET) et Randgold Ressources.

Au cours de cette année, un permis de recherche de 2500 km2 dénommé "permis Sanmatenga" et couvrant les provinces du Namentenga, du Sanmatenga, du Passoré et du Bam a été octroyé à la Randgold et à FET. Par la suite, Randgold a étendu ses activités de recherche dans le permis dénommé "Foulgo-Alga et Foulgo-Sika" au Bam et au Sanmatenga. Randgold a même fait une offre pour la reprise des activités de Poura, mais n’a pas été retenue. Avec l’octroi récent des permis "Danfora" dans le sud-ouest et "Kiaka" dans le sud de la province du Zoundwéogo et du Boulgou, Randgold a démarré un intense programme d’exploitation au Burkina, et l’espoir est permis.

Ce fut donc une importante rencontre que le Président a eue avec les patrons de Randgold à Johannesburg, dans leur très luxueux siège. Et l’expertise burkinabè se vend de plus en plus bien, nous avons rencontré au siège de cette compagnie un jeune compatriote, ingénieur géologue de son état : Félix Kiemdé qu’il s’appelle est cadre à Randgold et a déjà travaillé pour cette compagnie au Mali, en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Burkina. Et à ce qu’on dit il est très compétent, ce qui nous a rempli d’aise.

Blaise à Soweto

Au cours de son séjour sud-africain, Blaise Compaoré n’a pas manqué l’occasion de se rendre à la "South west african touwnship" - Soweto - pour rendre un hommage à la lutte du peuple sud-africain contre l’apartheid. Et c’est toutes sirènes hurlantes que le Président Compaoré et sa suite ont fait leur entrée dans Soweto. Comme on devait s’y attendre, ici, ce n’est pas le luxe qui fait frémir. Il n’existe pas d’immeubles futuristes, pas de sièges de grande compagnie, mais des maisons qui semblent être construites dans le même style.

De plus en plus, les baraquements qu’il nous avait été donné de voir dans les journaux et dans des films sur la situation misérable de nos frères sud-africains font place à des demeures bien sobres, mais dignes. Depuis que les Noirs ont le pouvoir politique à Pretoria, une ère nouvelle semble souffler sur cette race. Avec l’appui de la banque mondiale et de certains organismes, nous a-t-on confié, Soweto ressemble de plus en plus non pas à un vaste parc de bétail, mais à une citée à visage humain.

En plein Soweto, nous avons eu l’insigne privilège de visiter la petite maison de Nelson Mandela. C’est une maison d’une cinquantaine de mètres carrés faite en bois et qui de nos jours fait office de musée. On y vend tous les bibelots frappés à l’effigie du père de la lutte contre l’apartheid : des tee-shirts, des gobelets, des chapeaux, des stylos, des photographies anciennes. Bref, ici tout peut être acheté en rands, la monnaie sud-africaine, qui est échangé à environ un rand contre 100 FCFA. C’est dans cette minuscule demeure que Mandela vécut de 1946 à 1961, avant de tâter de la prison de 1964 à 1990. A un jet de pierre du musée de Mandela, se trouve le musée "Hector Peterson Mémorial in Soweto".

C’est un vaste musée où sont répertoriés tous ceux qui sont tombés sous les balles racistes, tels les Steve Biko et autres. Faire cette visite a été synonyme de plongeon dans l’histoire de l’Afrique du Sud sous domination afrikanner. Des photos, des films, des objets retracent à la perfection le combat de ce peuple pour recouvrer sa dignité. Blaise Compaoré, à la fin de la visite de ces musées, s’exprimera en ces termes : "Je suis venu témoigner ma profonde considération à ceux qui se sont associés à cette lutte afin que l’Afrique du Sud retrouve la paix. Je suis venu saluer cette œuvre de réconciliation".

Pour les Noirs sud-africains, nous a-t-on confié, l’avenir rime maintenant avec espoir. Alors que Mandela avait fait de la réconciliation nationale son cheval de bataille, Thabo Mbeki, lui, élu en 1999, est entré dans la phase active des réformes, notamment économiques. Pour résorber des inégalités trop longtemps institutionnelles qui se sont ancrées dans l’économie, au besoin par la discrimination positive. Ce fut un séjour certes bref, mais fort profitable pour le Burkina, qui ne compte, semble-t-il, que 150 de ses ressortissants dans ce pays si plein de promesses. Un pays qui mérite d’être visité.


Les propos de Youssouf Ouédraogo

De retour de Pretoria, à l’escale technique de Libreville au Gabon, le ministre Youssouf Ouédraogo a bien voulu nous confier ses sentiments à l’issue de cette visite sud- africaine.

Sur beaucoup de points, l’Afrique du Sud et le Burkina ont des analyses communes, nous avons la même vision qu’il faut travailler pour renforcer l’Union africaine, nous avons la même vision qu’il faut aller à la réforme des Nations unies avec l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, nous avons la même vision qu’il faut lutter contre la pauvreté en travaillant activement. Nous avons la même vision qu’il faut aussi créer des conditions de paix, de stabilité, renforcer la démocratie pour permettre aux pays africains de s’engager véritablement dans le processus de développement. Cette visite concrétise tout cela et elle vient renforcer la volonté politique au Sommet de faire en sorte que l’axe Ouaga-Prétoria soit le ciment d’une nouvelle coopération.

Un accord-cadre général a été signé, c’est le début du partenariat renforcé. Un protocole d’entendement entre les deux ministères des Affaires étrangères a été signé, ce qui veut dire qu’au plan politique, les deux pays s’accordent pour se consulter sur les grandes questions politiques qui concernent le continent et le monde. Cela va ouvrir la porte à des négociations au plan sectoriel. Nous savons que l’Afrique du Sud a des potentialités et des expériences que nous pouvons partager, car nous aussi, nous avons des potentialités, des expériences. Il a été aussi décidé lors de cette visite d’ouvrir des ambassades résidentes à Pretoria et à Ouagadougou.

Je crois qu’il n’y a pas de meilleure preuve de la volonté politique d’aller de l’avant, de faire en sorte que ce soit un axe fort de coopération. Je m’en félicite particulièrement parce que je sais qu’en Afrique australe, et dans toute l’Afrique, la RSA joue un rôle très important. Le Burkina de son côté aussi joue un rôle important dans notre sous-région. Je pense que la concrétisation de cet effort de rapprochement entre nos deux pays va permettre à l’Afrique de s’unifier.

Peut-on parler de renouveau diplomatique burkinabè, ce d’autant plus que ce partenariat avec la RSA coïncide avec le réchauffement des relations avec les USA ?

• Ce n’est pas un renouveau, c’est un continum, c’est une façon de travailler, c’est la volonté du Burkina de jouer sur la scène internationale le rôle qui est le sien. C’est d’abord œuvrer à un partenariat bénéfique pour le Burkina, bénéfique pour la sous-région, pour l’Afrique et le monde. Notre diplomatie est fondée sur la recherche de la paix, de la sécurité, de la stabilité, et nous œuvrons aussi pour le renforcement de la démocratie, la protection des droits de l’Homme et nous avons travaillé à dissiper tous les nuages et à créer un climat de confiance avec les USA.

Vous vous apprêtez à aller à Abidjan pour la réunion de la Commission mixte Burkina - Côte d’Ivoire. Concrètement que peuvent faire les autorités ivoiriennes comme geste de bonne volonté pour donner une certaine confiance aux autorités burkinabè ?

• Sur la crise ivoirienne, tout a été dit, mais on peut toujours le redire. La Côte d’Ivoire a des difficultés certaines et traverse une crise politique très sérieuse et c’est la raison pour laquelle les pays voisins doivent l’aider et c’est ce que fait le Burkina. Fort heureusement, nous avons maintenant un bon schémas pour cette sortie de crise et l’Accord de Linas-Marcoussis en est un instrument fort.

Dans le processus de négociation, il a été décidé au Sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine à Addis Abeba qu’il y ait un processus d’activation des efforts faits pour rétablir la confiance et faire en sorte que la Côte d’Ivoire puisse appliquer l’Accord de Linas- Marcoussis. Entre autres, les chefs d’Etat du Burkina, du Mali et de la Côte d’Ivoire doivent se rencontrer, les commissions mixtes doivent être réactivée entre la Côte d’Ivoire et le Burkina d’une part, entre la Côte d’Ivoire et le Mali de l’autre.

Des indications ont été données pour que le chef d’Etat ivoirien fasse en sorte que les textes de lois puissent être promulgués avant le 29 juillet 2004, ou alors qu’il convoque une session extraordinaire, tout cela pour permettre d’avoir un sommet spécial à Accra le 29 juillet. C’est pour cela que nous avons décidé de tenir la Commission mixte Burkina-Côte d’Ivoire à Abidjan les 15 et 16 juillet et nous allons travailler pour une compréhension mutuelle sur bien des sujets de l’heure. Nous allons donner les conseils d’un pays voisin et frère.

Boureima Diallo Ouagadougou - Pretoria - Ouagadougou
L’Observateur Paalga

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