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Tronçon Boromo - Bobo-Dioulasso : RAZEL fait du colmatage

Publié le vendredi 14 novembre 2003 à 17h53min

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Tronçon Boromo - Bobo-Dioulasso : RAZEL fait du colmatage

La route nationale n°1 connaît des insuffisances criantes dans sa réhabilitation. Le cas du tronçon Boromo-Bobo-Dioulasso, long de 180 km présente un état piteux.

Sidwaya est allé à la rencontre des différents acteurs les 10 et 11 novembre afin de mieux comprendre ce qui se passe et ce qui se prépare. Ce travail laborieux au cours duquel certains acteurs se sont retractés nous plonge dans une introspection.

"Si vous empruntez la nationale n°1, notamment le tronçon Boromo - Bobo-Dioulasso, il est pratiquement impossible de faire deux jours sans voir des accidents souvent mortels sur la voie". Ce constat du haut-commissaire des Balé, Fatimata Lègma traduit le sentiment éprouvé par les populations riveraines de la nationale n°1.

Cette route qui lie les deux capitales du pays des Hommes intègres connaît de graves dommages, notamment des dégradations précoces très visibles sur une distance de 180 km (Boromo - Bobo-Dioulasso). Les travaux de reprofilage de la route commencés il y a à peine un an enregistre des dégradations prématurées. De nombreux observateurs ont vite fait des calculs légers, en relevant que cette situation de dégradation est arrivée avec l’accroissement du trafic, la surcharge permanente des véhicules poids lourds, la forte pluviométrie de cette année, etc. Quand on quitte Boromo en partance vers Bobo-Dioulasso, la chaussée, en certains endroits, présente des fissures énormes. Du petit Balé en passant par Wahabou, Boni, les nids de poule se succèdent en cascades. La plupart des usagers traversent Koumbia (située à plus de 100 km de Bobo) recouverts de poussière comme s’ils avaient roulé sur une voie non bitumée.

Le colmatage de la société RAZEL

L’inquiétude des riverains et des usagers sur la dégradation précoce de la nationale n°1 suscite des réactions diverses. Kouamé Marcel Yaro, un spécialiste des travaux publics résidant à Boromo a donné sa part de vérité. "On est certain que quand il y a nids de poule, c’est qu’il y a d’abord infiltration d’eau puis affaissement. Et s’il y a infiltration d’eau à travers toutes ces couches d’imprégnation de bitume et de gravillon de calibrages différents... c’est que la chaussée n’est pas étanche donc le travail est mal fait". Cette situation malheureusement crée un sentiment de gêne du côté du ministère chargé des Infrastructures, de la société RAZEL et du bureau d’études spécialisé dans le contrôle. L’Union européenne qui a financé les travaux à hauteur de 11 milliards de nos francs est montée au créneau pour expliquer l’attribution du marché à la société Razel. Razel serait une entreprise française ayant une longue expérience des travaux publics en Afrique. Elle est adjudicataire des travaux de réfection de la route Boromo - Bobo et Sakoinsé - Koudougou. Le bureau Diwi consult international est chargé de vérifier la manière dont l’entreprise respecte et met en œuvre les spécifications techniques du marché. Il mesure les quantités exactes de matériaux incorporés aux ouvrages.

Le maître d’œuvre des travaux, c’est-à-dire le ministère chargé des Infrastructures est conseillé par le bureau Diwi. Ce ministère a aussi un mécanisme de contrôle interne à travers la direction générale des routes tout comme l’entreprise Razel. Comment alors comprendre que ces conditions rigoureuses de suivi existent et que la route connaît une dégradation précoce ? Tout porte à croire que quelque part il y a eu une défaillance dans le système. Le simple profane constatera que les différents accotements sont mal faits si bien que les pneumatiques des camions poids lourds ne font que détériorer la chaussée. Pour sûr, il y a dans cette affaire au moins quelqu’un qui n’a pas fait son travail. Les villes de Boromo, Houndé ne disposent d’aucun espace de stationnement. Selon le commissaire de la police nationale de Boromo, Jean Yves Manly, une dizaine d’accidents ont été enregistrés dans la seule commune de Boromo de janvier à octobre. La plupart de ces accidents sont dus à l’excès de vitesse des usagers sur une route fortement délabrée. Les tentatives pour recueillir les statistiques des brigades de gendarmerie n’ont pas porté fruit à cause du droit de réserve. Nous avons été référé à la compagnie de Bobo pour obtenir les informations. A ce niveau il a été très difficile de mettre la main sur le patron du service, le seul habilité à parler.

La solution à court terme

Dans une interview accordée à notre confrère l’Opinion, le ministre Hippolyte Lingani a expliqué que des relevés systématiques ont été réalisés par une équipe d’experts comprenant des représentants de l’administration et de l’entreprise en vue de procéder à des essais contradictoires. Le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP) procède actuellement à des analyses des échantillons des matériaux.

D’autres sources révèlent que certains prélèvements sont en analyse en Allemagne. Partenaires techniques et financiers, administration et autres acteurs attendent les résultats de ces analyses pour situer les responsabilités.

En attendant, l’entreprise qui a réalisé les travaux procède à l’entretien de la route jusqu’à la date de la réception définitive prévue le 6 mai 2004. Le colmatage a déjà commencé à certains endroits du tronçon. Le 11 novembre dernier, les ouvriers s’attelaient à Koumbia à boucher certaines failles. Ces travaux consistent au renforcement du remblais qui malheureusement se fait en terre et aussi en goudron fin. Nous avons sur place voulu échanger avec des responsables de l’entreprise Razel. Cela n’a pas été possible. Nous nous sommes rendus à leur site de Yeguéresso situé à 20 km de Bobo-Dioulasso. Ce fut une surprise pour nous d’apprendre que tout le matériel de travail a été vendu à une autre entreprise. Seulement un responsable de Razel suit les travaux de terrain, mais il réside à Bobo-Dioulasso. Des va-et-vient incessants dans l’hôtel où réside le représentant de Razel, ne nous a pas permis de le rencontrer. C’est finalement au téléphone que nous l’avons eu. C’est un expatrié très en colère contre la presse d’une manière générale qui nous a exprimé sa haine. Pour lui, il n’a aucun intérêt à nous rencontrer. Certaines sources laissent entendre que la société Razel préparerait sa valise pour quitter le Burkina.

Pourquoi une route d’une durée de vie moyenne de 15 ans a-t-elle été bâclée à ce point. De l’avis du technicien, Kouamé Marcel Yaro le défaut de contrôle, de revêtement, de compactage et la finesse du goudron utilisé constituent les causes principales de ce problème. Pour lui, les matériaux de remblais au Burkina Faso sont pourtant en majorité de meilleure qualité comparativement aux pays côtiers où l’on trouve des graveleux argileux. Il est donc impensable qu’un graveleux latéritique parfois même quartzeux ne puisse pas tenir aux poids lourds.

La route Boromo - Bobo-Dioulasso mérite carrément une reprise dans les endroits où il y a manifestement des insuffisances de matériaux utilisés.

L’opinion publique attend les résultats des analyses commanditées afin que la responsabilité soit située. L’histoire des multinationales bénéficiant des marchés locaux suscitent beaucoup d’interrogations. Les usagers de la nationale attendent de revoir leur route refaite dans les conditions acceptables.

Emmanuel BOUDA
sidwaya

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