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Lamoussa Hébié, directeur du ranch du Nazinga : “Le braconnage est un problème préoccupant sur le site”

Publié le mardi 21 juillet 2009 à 02h04min

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Lamoussa Hébié

Les membres du Résau d’initiative des journalistes (RIJ) ont effectué une visite de production, samedi 18 juillet 2009, au ranch du Nazinga dans la province du Nahouri. Le directeur de cette réserve, Lamoussa Hébié a consenti une interview à cette occasion. De la création du ranch au problème de braconnage en passant par la cohabitation entre les populations riveraines et le ranch, les questions abordées laissent entrevoir les richesses qu’abrite cette réserve créée en 1979.

S. : Quelle est la genèse du ranch de Nazinga ?

Lamoussa Hébié (L.H.) : Le ranch du Nazinga est né du constat de la capacité de la faune à survivre face à un certain nombre d’aléas climatiques. Avec les années de sécheresse, on s’est rendu compte que la faune était plus résistante que le bétail domestique. Des gens ont alors souhaité la mise en place d’un dispositif qui puisse permettre de gérer cette ressource afin de contribuer non seulement à la préservation de la diversité biologique mais également à l’amélioration des conditions de vie des populations riveraines. Le ranch a été bâti à partir d’une forêt classée appelée forêt classée du Nazinga instituée à l’époque coloniale en 1953. Cette forêt avait une superficie de 38 200 hectares.

Avec l’ambition de créer un espace pour la gestion de la faune, les initiateurs du ranch, un groupe de canadiens et l’Etat burkinabè ont engagé des négociations avec les populations riveraines de la forêt pour augmenter sa superficie. Celle-ci est alors passée à 91 300 hectares et a donné le ranch de gibier de Nazinga. Il est rattaché à l’Office national des aires protégées du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie qui a le statut d’établissement public de l’Etat. Son directeur est nommé par arrêté ministériel sur proposition du directeur de l’Office.

S. : Faut-il comprendre que l’Etat ne s’intéressait pas au développement du tourisme avant l’arrivée des Canadiens ?

L.H. : Les Canadiens n’ont pas créé le ranch seuls. Ils ont soumis le projet à l’Etat burkinabè qui y a adhéré et a fait du ranch une préoccupation. Il a été instauré une cogestion entre lui et la coopération canadienne jusqu’à un certain temps. En 1979, le ranch a pris corps avec à sa tête un Burkinabè. La partie canadienne y apportait l’expertise et les financements. Le souci au départ était de faire du ranch un modèle, pour utiliser non seulement la faune (tourisme, chasse, préservation des espèces en voie d’extinction, etc ;) mais également en faire un laboratoire de recherche et dupliquer cette expérience sur d’autres sites.

S. : Quelles sont les espèces animales et végétales présentes ?

L.H. : Il y a une large variété d’antilopes et de mammifères (hippotragues bubales...), des singes, des buffles. L’espèce phare et la plus importante en diversité est l’éléphant. Nous avons la plus forte densité de la sous- région, estimée à 2,6 individus au km2. Dans le ranch, il y a les espèces végétales de la savane, de la forêt galerie. Très peu d’études ont été menées sur la diversité floristique.
Un travail de fond reste donc à parfaire à ce niveau.

S. : La forte densité des éléphants ne constitue t-elle pas une menace pour la préservation de l’environnement ?

L.H. : Si et cette forte densité constitue une préoccupation. Deux doctorants sont sur le terrain pour étudier l’impact de la population d’éléphants sur la végétation ligneuse parce qu’on constate la disparition d’un certain nombre d’espèces.
On pense que cela est peut-être lié à la présence des éléphants. Une étude est en train d’être menée pour voir si parallèlement aux dégâts causés par ces mammifères, il y a une régénération pour compenser les pertes. Par ailleurs, le ranch appartient à un écosystème. Le parc Tambi Kaboré et un autre ranch au Ghana. Si on arrive à établir le corridor entre les différents éléments de cet écosystème, on pourrait alors décongestionner un peu le ranch. Mais c’est un travail immense.

S. : Les Burkinabè s’intéressent-ils au ranch ?

L. H. : Les visiteurs burkinabè sont très peu nombreux. Sur les 5 000 à 6 000 visiteurs reçus annuellement, il y a entre 700 et 800 Burkinabè. Vous connaissiez la poche des Burkinabè. La visite du ranch n’est peut-être pas une priorité pour eux. Les visiteurs viennent essentiellemnt d’Europe, surtout de la France et de la Belgique.

S. : Qu’est-ce qui est fait pour corriger cette situation ?

L. H. : En déhors de la publicité de bouche à oreille, il n’y a pas eu de promotion véritable dans se sens. Le ministère en charge du Tourisme s’était à un moment donné, intéressé à la question.

S. : Y a-t-il des dispositions qui permettent de préserver les espèces animales ?

L. H. : Le braconnage est une grosse préoccupation. Plus, il y a le potentiel, plus, la pression est forte. La préoccupation est double d’autant plus que le ranch est frontalier au Ghana. Une fois que les braconniers traversent la frontière, on ne peut plus rien faire car il n’y a pas de protocole antibraconnage pour les appréhender.
Mais nous avons mis en place une section antibraconnage pour lutter contre le braconnage. Elle est sur le terrain 24h/24 pour dissuader ces malfrats.

S. : Comment se passe la journée du directeur du ranch ?

L. H. : La préoccupation majeure, c’est de s’assurer que toutes les activités de gestion du ranch se déroulent bien. Celles-ci ont été subdivisées en plusieurs sections. La section valorisation par exemple est chargée de veiller à ce que les activités d’exploitation (pêche, chasse, tourisme de vision) se passent bien et que les aménagements des pistes (700 km) permettent d’accéder aux zones sensibles pour les besoins de braconnage. Il y a la section suivi écologique et recherche appliquée ainsi que la section chargée du développement local qui permet de faire participer les populations riveraines au développement du ranch et vice versa. Le responsable du ranch a un rôle de suivi-évaluation par rapport à un programme qui est élaboré au début de chaque année.

S. : D’aucuns estiment que Nazinga est le premier ranch de l’Afrique de l’Ouest ; confirmez-vous cela ?

L. H. : Nazinga est le premier ranch de l’Afrique de l’Ouest. Et le niveau qu’il a atteint permet aux gens de venir s’inspirer de notre expérience. Le trimestre dernier, nous avons reçu plusieurs missions de l’extérieur (Sénégal, USA, Allemagne, Mali, etc.) venues dans le cadre d’études de recherche.

S. : Que gagne le Burkina à travers ce ranch ?

L.H. : Il y a la notoriété du pays. Le budget du ranch qui est de 125 millions chaque année permet de réaliser des investissements importants (travaux d’aménagement, achats dans les villages riverains, emplois). L’Etat engrange également les recettes de permis de chasse et autres taxes.

S. : La cohabitation population-animaux est-elle aisée ?

L.H. : Certaines populations entretiennent de bons rapports avec leur environnement. Mais le problème du braconnage se pose souvent. Des incidents malheureux (avec mort d’homme) ont détérioré les rapports avec certaines populations. Mais nous procédons par la sensibilisation et l’appui pour minimiser les conflits. Par ailleurs, beaucoup de dégâts sont causés par les éléphants. On a créé des zones villageoises en périphérie du ranch pour servir de tampon entre ranch et villages. Dans l’état actuel des choses, en cas de dégâts, nous ne faisons que le constat. Nous montrons cependant aux populations les techniques de refoulement pour éloigner les animaux lorsqu’ils sentent leur arrivée. Mis à part cela, il n’y a pas de système de dédommagement.

S. : Qu’est-ce qui est fait pour améliorer l’accessibilité du ranch ?

L.H. : Il y a eu des efforts d’aménagement de la route mais cela reste très léger. Chaque année on est obligé de faire du colmatage à l’entame de la saison touristique qui commence le 1er décembre avec des remblais. Mais la route se détériore avec l’hivernage. Elle a besoin d’un investissement plus consistant pour la rendre praticable de façon durable. Il faut à cet effet monter un dossier spécifique et nous allons nous y atteler.

S. : Y a-t-il les infrastructures d’hébergement et d’accueil nécessaires pour les activités de safari ou de tourisme ?

H.L. : On a deux campements, un spécifique au tourisme avec 16 bungalows et deux appartements et un deuxième campement de chasse qui comprend 10 bungalows. Ceci pour ne pas mettre ensemble touristes et chasseurs et éviter ainsi des conflits. Le campement pour chasseurs est géré par un privé.

S. : Quel est le coût d’un séjour touristique ou un safari ?

L.H. : Concernant le tourisme de vision, avec 25 000 F CFA, on peut avoir une chambre, un repas et avoir accès au site. C’est le privé qui fixe les prix de ses prestations pour la chasse. Mais le permis de grande chasse est de 190 000 F CFA. Les taxes d’abattage sont fonction des animaux. Il faut ajouter à cela les frais d’amodiation. Pour le buffle par exemple, ils s’élèvent à 570 000 F CFA pour six jours, 855 000 F CFA pour neuf jours, 1 140 000 F CFA pour douze jours. Ces prix s’appliquent aux expatriés résidents et aux nationaux. Les non résidents paient 760 000 F CFA pour six jours, 1 045 000 F CFA pour neuf jours, 1 330 000 F CFA pour douze jours.

Séraphine SOME et Fatoumata Sophie OUATTARA

Sidwaya

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