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ADF/RDA : L’opposition éclairée, ruse ou réalisme politique ?

Publié le samedi 11 juillet 2009 à 14h03min

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Gilbert Ouédraogo

Depuis qu’il a mis pied dans le gouvernement, les avis sont partagés sur la place que doit occuper l’ADF/RDA dans le sérail politique national. Déchu d’office de son titre de chef de file de l’opposition par certains sans pour cela être un parti de la mouvance présidentielle, cette formation pose un questionnement nouveau à de nombreux politiques burkinabè habitués à ne concevoir la lutte qu’en terme de pouvoir et opposition.

En faisant voler ce schéma en éclats, l’ADF/RDA tronque le jeu politique et introduit de ce fait une variante qui déroute un monde où tout était préfabriqué et rangé pour de bon. Cette appellation d’opposition, il faut le reconnaître d’ailleurs, n’est propre qu’à certains pays et le titre de chef de file de l’opposition n’est pas très courant. Ailleurs, on parle de Démocrates et de Républicains, de Travaillistes opposés à des Conservateurs, de Droite, de Gauche dont l’action est grignotée par une Extrême-Droite ou des Verts etc. En effet, les partis politiques ont tous cette caractéristique qu’ils sont confinés dans un espace géographique définissant un Etat et qu’ils ont comme intension ultime de s’emparer du pouvoir d’Etat pour déployer un programme qui, de leur avis, convient le mieux pour le bonheur et la prospérité de leur pays. A ce titre et en sa qualité de personne morale disposant d’un électorat statistiquement significatif, ils sont amenés à s’opposer à l’action du pouvoir en place dès lors que celui-ci dérive de manière discutable. Mais l’opposition ne saurait être un état permanent ni une fonction définitive pour ceux qui ne sont pas associés la gestion des affaires publiques. En effet, on ne peut être opposant qu’à proportion de certains points de désaccord.

Ceux qui sont aux affaires peuvent pencher pour des options erronées. Il appartient à l’opposition de contrer de telles actions, en mobilisant ses militants autour de la question. Mais l’action de ceux qui sont aux affaires ne saurait être en permanence fausse d’où la nécessité de ne pas faire de l’opposition un rôle définitif dévolu à certains. Il faut s’activer à amener à soi de nouveaux électeurs même si pour cela il faut exploiter les erreurs et les choix impopulaires de ceux qui sont aux commandes. Cependant, si on considère que pouvoir et opposition sont unis par le destin d’appartenir à un même pays, alors tous les programmes doivent concourir à un seul but, bâtir le pays de la meilleure manière possible.

Pour cela, le meilleur poste d’observation et la meilleure manière d’être utile consistent à s’installer au cœur du pouvoir où l’on peut faire valoir ses idées dans les fiefs qu’on tient et où on acquiert une expérience qui met les postes à l’abri des maladresses des autres. Les exemples sont nombreux qui montrent qu’au-delà d’un certain immobilisme dû à une interprétation sclérosée de la notion d’opposition, l’intérêt suprême de la Nation doit prévaloir sur les querelles partisanes et les programmes toujours peu disant lorsqu’ils sont confrontés à la réalité impitoyable de leur expérimentation en grandeur nature. Aux Etats-Unis, des Républicains qui ne sont pas du même bord politique que le président Barack Obama sont membres de son gouvernement. En France, le ministre des Affaires étrangères n’est pas du même parti que le président etc.

En Afrique, certains opposants ne se sentent opposants que lorsqu’ils insultent, diffament et médisent le pouvoir en place. Ce bellicisme, plutôt que de signaler de futurs dirigeants capables de conduire un peuple, montre surtout en filigrane des politiques insuffisamment mûrs et peu dignes d’assurer de hautes fonctions. En ce sens, l’ADF/RDA fait preuve d’une clairvoyance peut courante en Afrique et surtout, se démarque d’une forme d’opposition où prédominent les militants cupides et querelleurs. Si l’ADF/RDA est au gouvernement par ruse, nul doute qu’il atteindra infailliblement ses objectifs car c’est de l’intérieur, un intérieur qu’il connaît bien, qu’il se déploiera.

Si l’ADF/RDA est au gouvernement parce qu’il est d’une opposition éclairée, rien d’étonnant à cela car son mentor est l’un des hommes politiques qui connaît le mieux l’âme burkinabè et qui est capable de deviner à quel moment un changement de cap devient inévitable. Si l’ADF/RDA est au gouvernement par réalisme politique, des exemples actuels lui donnent raison car il vient toujours un moment où les stéréotypes les plus répandus se diluent dans l’évidence et la nécessité. Il n’y a pas que dans le parti majoritaire où on trouve des citoyens altruistes, capables et utiles à la Nation.

La démocratie n’est pas un bastion qui délivre justice et vérité partout où elle est assise. Des Français ont marché contre Jean-Marie Le Pen pour lequel pourtant d’autres Français ont donné leurs voix sous prétexte qu’il est raciste et xénophobe. C’est pourtant au nom de la démocratie que son parti dit d’Extrême- Droite est allé à la conquête des voix et a obtenu un score plus que remarquable. Les vérités des hommes ne sont jamais figées et restent malléables à l’envie. Alors cette histoire de dictature de la majorité ! Basta ! L’ADF/RDA en tout cas inaugure une voie qui peut unir les forces là où elles se combattent inutilement et cela, pour le bien de la Nation.

Luc NANA
L’Hebdomadaire du Burkina

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