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Maison d’arrêt et de correction : Une école de la délinquance

Publié le vendredi 17 juillet 2009 à 13h53min

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Le jeudi 25 juin 2009, le Mouvement burkinabè pour l’émergence de la justice sociale (MBEJUS) a organisé comme chaque année, en collaboration avec la représentation des Etats-Unis d’Amérique au Burkina Faso, des hommes des médias et des représentants de la société civile, une visite à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou). Cette visite, conduite par Pagomziri Alexandre Ouédraogo, président du MBEJUS, avait pour objet d’une part, de s’imprégner des conditions de vie et du traitement des personnes incarcérées et, d’autre part, de dresser un rapport public destiné à attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique nationale et internationale sur l’état des droits de la personne humaine dans ce milieu spécifique.

Le MBEJUS, en tant que l’une des organisations de promotion et de défense des droits humains les plus présentes sur l’espace national burkinabè, est constamment soucieuse du bien-être des couches les plus défavorisées et des personnes victimes d’injustices diverses, qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. Il s’intéresse de manière particulière, aux conditions de vie des détenus dont les droits sont souvent et manifestement, violés dans bien des pays africains. De l’état général, ressortent les informations et constats ci-après :

1. De l’alimentation des détenus

La ration alimentaire journalière est de 600 kg pour les 1 400 adultes, soit moins d’un 112 kg pour les trois repas réglementaires. L’alimentation est constituée de céréales (mil et maïs). Le riz, prévu par l’Etat et qui devrait être livré par la SONAGESS depuis le mois de janvier 2009, accuse un retard dans le ravitaillement ; ce qui occasionne un risque permanent d’insécurité. Ainsi l’alimentation des détenus à la MACO est-elle insuffisante aussi bien qualitativement que quantitativement. Les conséquences directes de cette situation sont la multiplication des maladies, voire des décès liés à la malnutrition.

2. De l’état des lieux de détention

Il s’est agi de constater les conditions physiques de détention. A la MACO, les quartiers sont séparés selon le sexe et selon l’âge, conformément aux prescriptions des droits humains. Mais la qualité de l’environnement de vie varie d’un quartier à un autre.

Le quartier des adultes hommes

Il s’agit d’un bâtiment à 3 niveaux, en état de délabrement total ; il représente un danger certain pour les occupants et pour le personnel de l’établissement. Le système d’éclairage, les canaux d’évacuation des eaux usées, le système sanitaire sont déplorables et le manque d’entretien général du bâtiment central présente un danger sérieux pour les 1 436 locataires. Il faut noter que la population carcérale est relativement jeune (moyenne d’âge comprise entre 13 et 40 ans).
Ce bâtiment construit dans les années 60 pour abriter 400 détenus, logeait au jour de la visite, plus de 1 400 détenus, soit plus de 350% de surpopulation. Dans chaque cellule, d’une superficie de 12m2, on peut dénombrer 15 à 20 détenus. Le manque de place oblige l’occupation de tout le long des couloirs par certains détenus. Le manque de produits d’entretien et d’aération est à l’origine d’une grande insalubrité et de graves infections de la peau.

Le quartier des femmes

Les femmes détenues étaient au nombre de 23 en ce 25 juin 2009, pour une superficie relativement plus grande. Elles s’attellent quotidiennement à l’apprentissage et au tissage de sacs à main pour femmes, pour la revente aux éventuels visiteurs. Ce qui est à déplorer aux yeux des visiteurs, c’est la présence de petits enfants de moins de 3 ans, contraints de passer plusieurs mois de leur vie dans cet univers carcéral.

Le quartier d’amendement ou de fonctionnaires

Ce quartier est un autre lieu où sont confortablement logés 160 adultes d’origines différentes et de situations sociales similaires. A ce niveau, ces détenus bénéficient de conditions de détention plus douces et plus humaines. Ces conditions semblent peu adaptées, au regard des infractions commises (crimes économiques, escroquerie, abus de confiance, crime de sang, etc.).

Le quartier des mineurs

Au jour de la visite, les détenus mineurs étaient au nombre de 76, tous âgés entre 13 et 17 ans. Plus de 90% d’entre eux sont en détention préventive et attendent que le juge se prononce sur le sort qui leur est réservé. En attendant, la promiscuité aidant, les mauvaises pratiques sont les mieux partagées.

3. La prise en charge de la santé des détenus

A ce niveau, nous avons déploré le manque de personnel qualifié au service de santé de l’établissement pénitentiaire En tout, deux infirmiers brevetés et un agent itinérant de santé sont chargés de veiller à la santé de près de 1 500 personnes La moyenne de la consultation journalière est estimée entre 80 et 100 consultations. Il faut noter que le dispensaire est ouvert de 10 heures à 16 heures. On remarque :
. le manque de personnel de santé qualifié ;
. l’absence d’une permanence, la nuit ;
. la quasi inexistence de matériel médical (une table, un tensiomètre) ;
. l’absence de produits pour les premiers soins ;
. l’inexistence de la prise en charge des frais d’inhumation des détenus en cas de décès. Cette activité devrait être financée par l’autorité communale.
Les conditions de détention augmentent les risques d’épidémie. Au mois d’avril 2009, une épidémie de rougeole a occasionné plus de douze évacuations, dont un (01) mort.
Les maladies récurrentes dans ce milieu sont le paludisme, les dermatoses, la toux, les parasitoses, la malnutrition et bien d’autres maladies liées au manque d’hygiène. Les visiteurs du jour ont constaté que la situation des droits des détenus n’a pas connu une avancée notable à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Les mêmes maux persistent et se caractérisent par des conditions de détention austères, la discrimination (l’écart dans le traitement entre les deux quartiers adultes), l’absence d’une alimentation décente, l’accès limité aux soins de santé etc.

4. Suggestions et recommandations

Les membres de la délégation ont pu s’entretenir avec les services chargés du greffe et de l’économat de la MACO. Mais en somme, les analyses faites permettent de faire les suggestions suivantes :

. Le MBEJUS encourage et soutient la décision de l’autorité judiciaire d’organiser des jugements à la MACO ; il souhaite que l’initiative soit étendue à toutes les juridictions du pays. Cette décision contribuera énormément à désengorger les cellules et participera au renforcement des droits de la personne humaine en milieu pénitentiaire.

. Le MBEJUS souhaite que le gouvernement consente les moyens nécessaires à la séparation des cellules. En effet, la cohabitation entre les prévenus et les condamnés, les malades et les bien portants, les délinquants primaires et les grands délinquants, etc. favorise l’apprentissage parfait de la grande délinquance et la montée en puissance de la criminalité dans notre pays. La contagion ou la corruption morale est la raison pour laquelle les prisons burkinabè sont qualifiées d’"écoles de la délinquance".

. Le MBEJUS recommande aux autorités judiciaires de veiller à la mise en œuvre effective de la loi sur le Travail d’intérêt général (TIG) qui est une peine alternative à l’emprisonnement. Cette peine, adoptée depuis 2006, n’est pas appliquée par les juges ; or, elle présente des avantages certains pour le citoyen en conflit avec la loi, pour l’administration et pour la population toute entière.
Dans la même lancée, le MBEJUS recommande que soit mis en œuvre le décret 2001-593 du 06 novembre 2001, portant organisation de l’assistance judiciaire au Burkina Faso. En effet, il est très peu appliqué ou ne l’est que lorsque le juge a à se prononcer sur des questions de portée nationale (questions très prononcées de sécurité, de défense nationale, de crime économique ou de sang).

Le MBEJUS constate que la sécurité des pensionnaires et du personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire est inquiétante au regard du nombre d’agents en charge de la sécurité de la MACO (environ 30 détenus pour 1 GSP alors que les normes sécuritaires requièrent 3 pour 1 GSP). Le recrutement et la formation d’agents pénitentiaires devraient être envisagés avec sérieux.

Il est aussi impérieux de doter le service de santé de la MACO de produits de santé de première nécessité, de matériels médicaux, et de personnels permanents, qualifiés et motivés. Cela est nécessaire pour un contrôle périodique et régulier de la santé des détenus.

Le MBEJUS recommande l’élargissement de la commission d’application des peines aux membres des organisations de la société civile, notamment ceux relevant de la communauté de défense des droits de l’homme oeuvrant dans le milieu carcéral.

Le MBEJUS propose l’institution d’une journée nationale du détenu au Burkina Faso ;

Le MBEJUS lance un appel pressant aux autorités burkinabè à trouver une solution intermédiaire pour abriter les détenus de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, en attendant la construction d’une prison plus adaptée au respect des droits humains.

Enfin, le MBEJUS félicite tous les acteurs de l’administration pénitentiaire, notamment les agents de la GSP qui se dévouent, dans les conditions de travail les plus austères, à faire ce qu’ils peuvent pour être aux côtés des détenus. Il les exhorte à tout mettre en œuvre pour bannir à jamais de leurs pratiques, les violences et autres atteintes à l’intégrité des détenus.

Pour la Délégation, Le Président du MBEJUS : Pagomziri Alexandre OUEDRAOGO

Sidwaya

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