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LUTTE CONTRE L’IMPUNITE EN AFRIQUE : La nouvelle croisade de Kofi Annan

Publié le lundi 13 juillet 2009 à 03h37min

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Lorsqu’un enfant est en train de s’étouffer avec une boule d’akassa (1) qu’il a volée, on la lui enlève d’abord, avant de lui administrer une fessée punitive. Kofi Annan semble avoir adopté cette démarche au Kenya. En effet, appelé à la rescousse pour mettre fin aux atrocités des manifestations post-électorales de décembre 2007, il a pu mettre les deux protagonistes sur la même longueur d’onde en 2008. L’accord de partage du pouvoir signé et la paix revenue, le Ghanéen a ensuite demandé de mettre en place un tribunal pour juger les coupables du carnage de 1 500 personnes et du déplacement de 300 000 autres.

Mwai Kibaki et Raila Odinga, respectivement président et Premier ministre du Kenya, ont acquiescé avec empressement et force hochements de tête. Mais jusqu’à ce jour, aucun tribunal n’a pointé ne serait-ce que le bout du nez. Il était facile de comprendre le fait que les dirigeants kényans traînent les pieds pour asseoir la machine légale de la vendetta sociale, car ceux qui ont torturé et envoyé ad patres plus d’un millier de personnes figurent au nombre des membres de l’actuel gouvernement ou du parlement. Certaines organisations de la société civile auraient même accusé Mwai Kibaki et Raila Odinga et demandé qu’ils aient les places d’honneur au banc des accusés du futur tribunal. Alors, a-t-on déjà vu un forgeron forger une hache pour trancher son propre cou ? Mais c’était sans compter avec la persévérance du septième secrétaire général de l’ONU. Devant cette lenteur des dirigeants kényans qui frise la mauvaise foi, Kofi Annan a remis le jeudi 9 juillet à la CPI (Cour pénale internationale), sous pli scellé, la liste des dix présumés coupables des atrocités post-électorales kényanes de 2007.

Dix noms sur la table du redoutable procureur Luis Moreno Ocampo, qui a déjà démontré qu’il n’avait peur de rien lorsqu’il s’agissait d’accuser et de juger les auteurs d’actes inhumains. En témoigne le missile juridique qu’il a lancé récemment contre Omar El Béchir pour ses présumées exactions au Darfour. Missile qui s’est, de façon incompréhensible, heurté contre le mur blindé et solidaire du syndicat des chefs d’État de l’Union africaine (UA). Incompréhensible ? Qui se défendent se ressemblent et lorsque la politique se mêle à la justice, le résultat ne peut être qu’infect. Les dirigeants africains (trente) avaient ratifié avec empressement la convention qui instituait la CPI, croyant qu’elle serait un machin qui ne les inquiéterait pas. Mais là, ce n’est plus un machin mais un marteau vivant qui n’éprouverait aucun scrupule pour tomber à bras raccourcis sur les doigts des présidents sanguinaires. Dans sa tribune du 1er juillet 2009, Kofi Annan a souligné que les raisons que l’UA avance pour s’opposer à l’action de la CPI, notamment que l’instance judiciaire était contre les dirigeants africains et qu’elle ne s’attaquait qu’à eux, étaient sans fondement. Sans appel, il a déclaré que leur attitude "représente un pas en arrière dans la lutte contre l’impunité".

Kofi Annan a toujours montré qu’il est attaché au respect des droits humains et par cette nouvelle croisade contre l’impunité, il entend faire comprendre à qui de droit que faire tuer, tuer et torturer à volonté sans être inquiété, ne sera plus toleré. Au Kenya, par exemple, on croyait que la paix et la réconciliation sociales étant ressoudées, personne ne se hasarderait à risquer de les dessouder avec une quelconque enquête judiciaire. Erreur. Kofi Annan ne semble pas vouloir jouer les médiateurs complaisants qui préfèrent recouvrir, avec la chape d’une fausse réconciliation nationale, les fosses remplies des linges salis par le sang des victimes que de les vider pour les laver à l’eau de la justice. Le seul ex-membre du personnel onusien qui ne raccroche pas, aura, lui, fait son travail. Un travail dont la vertu dissuasive ferait réfléchir par deux fois les potentiels tortionnaires et génocidaires africains, et même ceux du monde entier, avant d’ordonner tout massacre en cascade. Quoique jusqu’à présent, ces actions n’aient pas débouché sur des sanctions, les titres comme "génocidaire sanguinaire", "criminel de guerre", "criminel anti-homo sapiens", qu’endosse présentement Omar El Béchir, ne sont vraiment pas des éloges.

"Le Pays"

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