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RAPPORT SUR LA GUERRE AU LIBERIA : Attention au retour des vieux démons !

Publié le vendredi 10 juillet 2009 à 03h00min

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La déclaration des anciens chefs de guerre libériens suite à la publication du rapport de la TRC (The Truth and reconciliation commission - La Commission vérité et réconciliation) donne froid dans le dos. Le ton est ferme et les propos des plus menaçants. L’inquiétude que l’on ressent est d’autant plus légitime que ces hommes qui prêchaient, chacun pour sa chapelle, à l’époque de la guerre, se sont aujourd’hui trouvé des accointances nouvelles et des solides raisons d’alliances, fussent-elles de circonstance.

Ils refusent catégoriquement toutes formes de poursuites judiciaires à leur encontre. Et ils le signifient sans ambages. Il y a bien de quoi frémir, surtout lorsqu’on se rend compte que cette coalition d’ex-rebelles renferme en son sein outre Prince Johnson, George Dweh du LURD, Yahya Nimely, Roland Duo, Jackson Doe (le frère de l’autre) et Joe Gbalah. Rien que du beau monde !

Tous des enfants terribles et d’anciennes terreurs de la guerre au Libéria qui a duré 14 longues années, qui a fait plus de 250 000 morts et quelque 850 000 déplacés et réfugiés. Un bilan terrible dont le pays peine à se relever. Ce sont ces anciens rebelles (auxquels s’ajoute l’ancien président Charles Taylor) que la commission épingle aujourd’hui et dont elle demande qu’ils soient jugés pour "crimes contre l’humanité", par un tribunal spécial au Libéria. Johnson et ses "amis" étant tout sauf des esbrouffeurs, la prudence recommande sans doute qu’on y songe par deux fois avant de s’engager dans ce qui pourrait plus tard s’apparenter à quelque malheureuse initiave et qui pourrait en un rien de temps plonger à nouveau ce pays dans les affres d’une guerre alors qu’il n’a toujours pas fini de panser les plaies causées par celle dont il vient à peine de sortir. Car, l’exacte application des recommandations du rapport de la TRC au Libéria peut soulever plus de poblèmes qu’il n’apporte de solutions. Et, à vrai dire, de nombreux Libériens sont impliqués dans ce qui fut une véritable sale guerre, et qui, fort curieusement, s’acheva brutalement.

On peut à présent s’interroger sur d’éventuels accords secrets passés alors entre les divers protagonistes, sur les promesses et engagements divers pris par les uns et les autres et qui ont peu ou prou oeuvré pour que la survenue de cette paix soit rendue possible. Farfouiller dans cette redoutable boîte de pandore peut causer plus de mal que de bien. Qui plus est, outre les anciens chefs de guerre, de nombreuses personnalités politiques du pays sont concernées par les recommandations du TRC qui demande de les écarter du pouvoir pendant 30 ans, pour accointances avec les belligérants de la guerre civile. Au premier rang de ces personnes mises à l’index, la présidente Ellen Johnson Sirleaf herself ! On comprend le désir de justice des uns et des autres. Le sincère pardon ne peut provenir qu’après avoir su ce qui s’est réellement passé, et à la suite d’une contrition sincère confessée par les auteurs de crimes et méfaits infligés.

L’un des pays, sur le continent africain, à l’avoir réussi avec brio, demeure sans conteste l’Afrique du Sud qui réussit l’apaisement d’avec elle-même en passant par la difficile mais salvatrice thérapeutique du tryptique Vérité-Justice-Réconciliation. Mais elle prit le temps qu’il fallait avant de le faire, et fut immensément aidée par la présence et l’engagement d’un dinausore humain hors pair : Nelson Mandela. Mais tout porte à croire que pour le cas du Libéria, cela est un peu trop précipité. A ce jour, le pays reste engagé dans une reconstruction difficile et demeure plus que fragile. On ne sort pas indemne de 14 années de tourments. A ce jour, il serait plus que hasardeux de chercher la condamnation hic et nunc, des auteurs et responsables qui auront infligé à ce pays les affres de son douloureux passé. Le dire ne signifie pas d’ailleurs que l’on accorde une absolution générale pour les crimes, dégâts et massacres commis.

Mais pour l’instant, il semble que la voie de la sagesse recommande d’aider à instaurer et à renforcer les principes de démocratie, de bonne gouvernance et des droits de l’homme dans un pays qui, de longues années, a vécu dans la douleur et a sans doute besoin, à présent, d’oublier un peu, ne serait-ce que pour retrouver toute sa lucidité. Le Conseil des églises et celui des chefs traditionnels, qui jouent le rôle de facilitateurs dans le processus de paix au Libéria, ne disent pas autre chose, d’ailleurs. Ils demandent à "tous les Libériens, à tous les étrangers résidents au Libéria ainsi qu’à nos partenaires, de s’abstenir de paroles et actes qui pourraient affecter le processus de paix". Il faut souhaiter que le Parlement libérien l’entende de la bonne oreille. Car, au final, c’est cette institution qui aura la lourde charge de l’adoption ou du rejet du rapport de la TRC. En tout état de cause, elle devra se souvenir d’une chose : lorsque le vieux Houphouët disait qu’à choisir, il préférait l’injustice à l’anarchie, quelque part, il avait sans doute raison.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 10 juillet 2009 à 14:22 En réponse à : RAPPORT SUR LA GUERRE AU LIBERIA : Attention au retour des vieux démons !

    Merci pour votre analyse et suggestions cher journaliste. Mais je suis d’un autre avis et je crois qu’il est temps que l’impunité cesse dans nos pays. On ne peut avoir une bonne gouvernance, une démocratie digne et le respect des droits de l’Homme dans nos pays, sans un minimum de justice. N’oublier pas que le pardon passe aussi par la justice et que pas de reconcilliation sans un minimum de justice. Je demande aux parlementaires libériens de voter pour le rapport et de passer les présumés en justice et qu’ils soient condamnés à la mesure de leurs forfaits. Quite à recevoir une grâce présidentielle après que la justice soit prononcée. Si non il serait difficile au pays d’exorciser les vieux démonds et les chefs de guerres se croiront intouchables à l’intérieur et pourons toujours menacer les régimes actuel et futur (surtout qu’ils ont commencé par réagir). Nous africains condamnons la justice internationale alors que nous même on ne fait rien pour donner le minimum de justice à ceux qui sont brimés dans leur chairs et dans leur âmes. Si Taylor est entrain de répondre de ses crimes devant le TPI, pourquoi les autres échaperont-ils à la justice ? Alors cessons d’accuser la justice internationale. Je conseille que le parlement vote pour le rapport et que Madame Jonhson transfer le dossier à la justice et que tout le monde (y compris elle même) réponde devant la justice. Au nom de la reconcilliation on peut après les gracier. Mes dires peuvent être des rêves mais je souhaite que ces rêve deviennent réalité un jour
    Merci et excuser de la longueur de mon commentaire.

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