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A bâtons rompus avec Mme Marlène Zébango, vice-présidente de l’UNDD

Publié le lundi 22 juin 2009 à 11h46min

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Marlène Zébango, vice Présidente de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), qui n’est plus à présenter, a bien voulu accorder à San Finna une interview qui ne manque ni de piment, ni de profondeur. Lisez.

Comment va Marlène Zébango ?

Marlène Zébango va bien. Merci.

Toujours à l’UNDD ?

Oui, toujours à l’UNDD. Où voulez-vous que je sois ?
Vous pourriez aller là où il y a plus de possibilités et d’agrément, au CDP ou dans la mouvance comme d’autres l’ont fait ? Je suis bien là où je suis, et lorsque je vois ce que sont devenus nombre de ceux qui ont fui là-bas, espérant trouver la sécurité et le bien-être, je ne regrette pas.

Les pressions n’ont pas manqué en ce sens, n’est-ce pas ?

Non, les pressions n’ont pas manqué mais je sais que nombre de mes camarades comme Dabo Amadou, Salif Ouédraogo, Deval Millogo et d’autres, subissent ou ont subi les mêmes pressions. Mais nous sommes toujours là.

D’où vient cette fidélité ?

Oh, certainement d’un ensemble de considérations subjectives et objectives.
En ce qui me concerne, c’est d’abord une question d’éducation. Ni mon père Kiello Guédé, ni ma mère Hadja Gani Diao, ne m’ont éduquée pour que je sois une girouette, femme politique ou pas. Même si l’argent est important, il existe des valeurs morales qui transcendent l’argent, et cela, ils l’ont toujours appris à leurs enfants. Ensuite, il s’agit d’une question de conviction. Les principes que nous avons toujours défendus aux côtés du président de l’UNDD me semblent les plus aptes à construire une société plus équitable et plus solidaire.

Lesquels ?

Quand dans notre pays, on parle de décentralisation, d’intégration régionale, de transparence électorale avec à la clef, des instruments électoraux comme la CENI, le Conseil supérieur de la communication et un Conseil constitutionnel assurant une saisine la plus large possible ; quand on parle de politique de gestion des flux migratoires, d’alternance démocratique ; quand on parle de Haut conseil de l’Aide pour en suivre la traçabilité, d’ordre public international et bien d’autres questions liées à l’éducation, à la santé, à la jeunesse, aux femmes, on ne peut pas méconnaître ou sous-estimer le rôle moteur et précurseur de notre parti.

Il y a beaucoup de bruit aujourd’hui autour du changement, de l’alternance. Qu’en pensez-vous ?

Quand je suis arrivée à l’ADF, j’ai constaté que l’alternance y était une aspiration très forte qu’on analysait sous toutes les coutures et qu’on défendait bec et ongle. Il y a eu des meetings, des marches, des déclarations, des études pour populariser le concept. Nous avons vécu toutes les difficultés pour tenter de rendre effective l’alternance. C’est pour cela que l’idée de la démocratie consensuelle a germé en nous, que nous nous sommes investis dans l’amnistie à travers une pétition qui a réuni plus de 50.000 signatures.

Les réformes politiques et institutionnelles dans lesquelles nous avons été le fer de lance participaient de cette idée qu’il fallait préparer les conditions pour arriver à l’alternance. On a même contribué à la tenue d’un grand forum, premier du genre, sur l’équilibre des médias à Kaya avec Alternance 2005 dans la perspective de favoriser le changement.

Je pourrais vous citer jusqu’aux termes tirés de nos langues nationales comme Tekré, Yelemani, Wattitingol…
Seulement, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Que pensez-vous du départ de Salif Diallo ?

Vous savez, on voyait venir la chose. Beaucoup ont dû crier un « ouf » de soulagement mais d’autres ressentent un vide depuis son départ. Je trouve pour ma part qu’il a été courageux, comme on n’en voit pas beaucoup dans notre monde politique pour reconnaître tout ce qu’il a fait à l’Opposition et notamment à notre parti.

Pensez-vous possible, à l’UNDD, de travailler avec un Salif Diallo ou avec les refondateurs démissionnaires du CDP ?

Vous savez, nous sommes contre les exclusions lorsqu’il s’agit d’œuvrer dans l’intérêt national. Peut-être que certains d’entre eux pourraient avoir des points communs à partager avec notre président surtout s’agissant des questions d’intérêt national.

Etes-vous satisfaite au sujet des dernières réformes survenues à l’Assemblée nationale ?

Pas totalement. Je pourrais même dire que je suis un peu déçue.

C’est vrai que sur la transhumance, dont nous avons été trop longtemps victimes (et que nous avons combattue au point de lutter pour un projet de loi en ce sens), la loi est devenue réalité ; c’est vrai par ailleurs que le vote des Burkinabé de l’étranger (dont nous avons été aussi les premiers défenseurs) est un fait maintenant acquis mais je regrette d’une part que cela ait pris tant de temps et que cela ne se soit pas fait dans un cadre beaucoup plus élargi et donc plus légitime ; je regrette d’autre part que ces lois soient trop générales et ne prennent pas en compte certains détails qui montreront la complexité de leur mise en œuvre.

J’avais aussi espéré que sur le quota, outre l’aspect électif, ceux nominatifs et de positionnement seraient pris en compte. Je déplore actuellement la récupération de cette loi par le parti au pouvoir alors qu’elle est de portée nationale et a impliqué un bon nombre d’acteurs pour qu’elle voie le jour ; je le déplore particulièrement parce que le parti majoritaire n’est pas le pionnier en matière de défense des droits des femmes au Burkina Faso, sinon on ne serait pas là après plus de vingt ans de leur pouvoir, à chercher des quotas.

Omar Bongo Ondimba est décédé. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

De la compassion pour sa famille mais une certaine inquiétude pour le pays. Pour le moment, la voie institutionnelle est respectée avec l’intérim assuré par Mme la Présidente du Sénat. J’espère que la sagesse prévaudra afin d’éviter aux Gabonais et à tous les Africains, les dérives scandaleuses que nous avons vues dans certains pays du continent. En pensant « dérives », je ne peux, même si le cas de figure n’est pas le même, m’empêcher de penser à mon pays où plus le temps passe, plus on a le sentiment de marcher vers une inconnue remplie de dangers. Il n’y a pas de dialogue démocratique, il n’y a qu’un mécontentement latent, plus ou moins silencieux, qui grandit progressivement devant la multitude des phénomènes d’injustice.

Tertius Zongo vient de boucler deux ans au pouvoir, avec des crises (université, Fonction publique…). Qu’en dites-vous ?

C’est vrai que c’est un « parent » de notre Président, qui l’a toujours encouragé dans ses réformes ; moi, je dis personnellement que ces réformes sont en train de s’essouffler, peut-être par manque de volonté, de soutien politique au plus haut niveau, par manque d’adhésion plus large. Je ne sais pas.
Mais il faut dire qu’en plus de nos problèmes qui ont doublé au plan national, il y a des problèmes internationaux qui exigent des réformes autrement plus déterminantes que celles qui sont en cours.

Je regrette que Tertius Zongo ne se soit pas personnellement investi dans le règlement des problèmes que les syndicats des enseignants chercheurs et des agents de la Fonction publique, posent. A défaut du président du Faso (qui aurait dû s’impliquer, compte tenu des conséquences dramatiques pour les étudiants, leurs parents et pour le pays), le premier Ministre pouvait en faire son dossier pour montrer toute l’importance qu’au plus haut niveau de l’Exécutif, on accordait aux sollicitations syndicales. Nous savons tous que des solutions ne peuvent pas être trouvées à toutes les revendications mais un déblocage pouvait s’obtenir sur la base d’un dialogue franc et d’un engagement au plus haut niveau. Je ne sous-estime pas les compétences des ministres qui sont chargés de ces dossiers mais avouons que les problèmes posés sont de fond et risquent de toucher l’ensemble de l’Administration avec notre système d’assiette commune. Un dialogue conduit par les plus hauts responsables de l’Exécutif, à mon avis, est nécessaire.

Comment voyez-vous le jeu politique dans de telles conditions ?

Ce que nous voyons à l’UNDD, c’est que le temps n’est pas au jeu politique. Il impose aux femmes et aux hommes politiques, une espèce de paix des braves pour conclure un Pacte de salut public. Le temps des jeux viendra mais en ce moment, on devrait plutôt voir comment parer au plus urgent c’est-à-dire lutter contre la vie chère, comment bien gérer nos excédents céréaliers et nous préparer pour les mauvaises récoltes annoncées pour cause de mauvaise pluviométrie cette année, comment lutter contre la pauvreté, les problèmes dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’environnement. Je crois qu’il faut qu’ensemble, sans exclusion aucune, nous recherchions et réinventions un mode de gestion du peu qu’on a pour continuer d’exister dans une paix relative et il nous faut une culture du sursaut qui bannira tous les excès nuisibles au pays. Le pays est coupé en deux : entre ceux qui possèdent trop et ceux qui n’ont rien. Cela ne peut pas durer.

Vous parlez souvent de l’Armée à l’UNDD ; n’est-ce pas provocateur ?

Non, pas du tout. L’Armée est une institution de la République. En Afrique, on ne peut pas s’en désintéresser. Notre Armée a toujours été un intervenant dans le jeu politique : parfois de façon directe et parfois, de façon discrète. Il faut ajouter qu’en plus de son attirance pour la gestion du Pouvoir, elle est traversée par de tels déséquilibres, de telles revendications insatisfaites, qu’il serait tout à fait imprudent de penser à régler toutes les questions de changement au plan national en l’ignorant totalement. Parler de refondation, de réformes, d’alternance, en omettant royalement l’Armée, c’est construire la démocratie sur du sable. C’est ce que n’arrête pas de prévenir notre Président et qui le fait passer par moments, à tort bien évidemment, pour quelqu’un qui pense à la courte échelle.

Pour vous, il faut la refondation ?

Pas pour moi seule. Il faut la refondation que nous poursuivons depuis 1996 au Burkina Faso, à l’époque du Collectif de Kombissiri, mais aussi en Afrique et dans le monde. Comme je vous le disais tantôt, nous sommes entrés dans une crise structurelle de dimension mondiale qui pose en définitive la question même de l’invention d’une nouvelle façon de gouverner nos pays et le monde, moins suicidaire. Aujourd’hui, la réflexion utile des intellectuels mais aussi des politiques doit tendre plutôt qu’aux « djandjobas » électoraux, à cette recherche car le temps nous est compté.

Lamine Koné

San Fina

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Vos commentaires

  • Le 22 juin 2009 à 15:14, par Gnank En réponse à : A bâtons rompus avec Mme Marlène Zébango, vice-présidente de l’UNDD

    Oh, quelle brave damme !!!!!
    Courage ma soeur.

    • Le 23 juin 2009 à 11:13, par LOLA En réponse à : A bâtons rompus avec Mme Marlène Zébango, vice-présidente de l’UNDD

      Vraiment des thématiques très importantes dites avec une certaine sincérité du coeur. Mais il faudra un supplément national d’âme pour voir l’opérationnalisation de tout ça, surtout l’invention d’une nouvelle façon de gouverner et ce sera la contribution du Burkina Faso comme on sait bien le faire (règlement consensuel des conflits surtout)pour l’Afrique et le monde.

  • Le 23 juin 2009 à 20:48, par Mechtilde Guirma En réponse à : A bâtons rompus avec Mme Marlène Zébango, vice-présidente de l’UNDD

    Bravo Marlène, en effet on ne devient pas politique du jour au lendemain. On nait d’abord dans un milieu culturel donné où on apprend à écouter, à observer, à entendre, puis à apprécier. Des personnes issue de ce moule, ne choisissent jamais la voie de la facilité dussent-elles mourir de faim. Petite soeur, Dieu suit tes pas

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