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Henri Bruno Bessin, contrôleur général d’Etat : « Aucun dossier ne dormira dans nos tiroirs »

Publié le vendredi 5 juin 2009 à 02h04min

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Henri Bruno Bessin

S’il y a un rapport qui fait présentement des vagues au Burkina, c’est bien celui de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE). Dans ce rapport qui a été remis au chef de l’Etat le 28 mai 2009, des structures et des personnes sont épinglées pour mauvaise gestion. Pour en savoir davantage, nous avons approché Henri Bruno Bessin, le contrôleur général d’Etat. Dans cet entretien qu’il nous accordé le 3 juin 2009 en fin de matinée au siège de son institution à Ouagadougou, il affirme que rien ne sera comme avant et qu’aucun dossier ne dormira dans les tiroirs.

L’Inspection générale d’Etat (IGE) est l’ancêtre de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE). Qu’est-ce qui a changé fondamentalement d’une structure à l’autre ?

• Je pense qu’on a changé pour rechercher une synergie d’actions entre les différentes structures de contrôle d’Etat. L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat est née de la fusion de l’ancienne Inspection générale d’Etat, de la Haute autorité de lutte contre la corruption et en partie de la Commission nationale de lutte contre la fraude. Il y avait une sorte de dispersion entre ces trois structures et parfois les compétences n’étaient pas très bien délimitées si bien qu’on pouvait se marcher parfois sur les pieds alors qu’en regroupant toutes ces compétences au niveau d’une seule et même structure, il y a une sorte de renforcement des capacités de la structure et une meilleure opérationnalité.

Si l’on vous comprend bien, la Haute autorité de lutte contre la corruption et en partie la Commission nationale de lutte contre la fraude n’existent plus ?

• En ce qui concerne la Haute autorité et l’Inspection générale d’Etat, elles n’existent pas. Pour ce qui est de la commission de lutte contre la fraude, elle existe toujours, mais est redéfinie dans des missions bien précises. L’ASCE prend en compte toutes les compétences qui étaient dévolues à la HALC et l’IGE et en partie ce que faisait la commission de lutte contre la fraude notamment tout ce qui est fraude au niveau des administrations, fraude aux concours, aux examens, des faux papiers, on est compétent pour tout ça.

Quelle est la périodicité de votre rapport et à qui est-il destiné ?

• Nous avons au fait deux types de rapports. Il y a les rapports d’inspection c’est-à-dire les rapports de contrôle. Chaque fois que nous sortons pour un contrôle, celui-ci est forcément sanctionné par un rapport de contrôle où nous relevons les faits constatés sur le terrain et nous faisons des recommandations.

A partir de là, nous renvoyons ce rapport au ministre contrôlée ou à la structure contrôlée pour lui dire : « voilà ce que nous avons constaté, vous avez un mois pour nous confirmer ou infirmer nos observations ». A partir de cet instant, le rapport devient définitif. Mais les structures peuvent rejeter nos conclusions et on essaie de les recontrôler, seulement, à un moment donné, il faut assumer ses responsabilités, car on ne peut pas toujours jouer au ping- pong.

La 2e catégorie, c’est le rapport général annuel que nous produisons et qui reprend toutes les activités que nous avons menées au cours de l’année. Ces activités sont multiples à savoir le contrôle, la formation, la sensibilisation et le suivi de mise en œuvre des recommandations et des actions en justice. Ce rapport, nous le transmettons au chef de l’Etat, avec copie au Premier ministre et au président de l’Assemblée nationale, et ensuite, il est rendu public.

Dans le rapport que vous avez remis le 28 mai 2009 au président du Faso, trois des quatre structures épinglées pour malversations relèvent du même ministère, celui des Transports. Certains y voient une manigance politique dirigée contre l’ADF/RDA et son président Me Gilbert Ouédraogo.

• (Rires) Les gens ont l’esprit fertile ! Les activités que nous menons se font vraiment sans arrière pensée et sans calcul. Nous contrôlons les structures selon un certain nombre de critères. Beaucoup de contrôles ont été déclenchées par des notes d’information ou par des exploitations d’autres informations. Par exemple, pour ces cas précis, relevant du ministère des Transports, c’est au cours de l’assemblée générale des sociétés d’Etat où le rapport du commissaire aux comptes a relevé certaines anomalies au niveau du CCVA et à partir de là, nous avons investigué.

C’est ce qui s’est passé également au niveau de la SOPAFER-B. Nous ne faisons que poursuivre un lièvre qui a été levé par le commissaire aux comptes. Quand nous partons faire un contrôle, nous ne cherchons pas à savoir qui est derrière ou qui est devant. Ce sont des éléments que nous ne prenons pas en compte parce qu’on peut dire également que toutes ces structures relèvent du ministère des Finances

Mais les faits ont-ils été commis avant ou après que Gilbert soit arrivé à la tête de ce ministère ?

• Je ne sais pas quand est-ce que le ministre Gilbert Ouédraogo a été nommé à ce département, mais ce que je peux dire c’est que les contrôles sont antérieurs à 2008.

Concrètement, qu’est-ce qui est reproché au responsable du CCVA-Bobo ?

• Il y a essentiellement deux choses qui lui sont reprochés. Premièrement, il a expertisé un avion. Il a assuré l’expertise financière d’un avion MD 87 alors qu’il a n’en avait pas les compétences. Il s’agit d’un avion de Air Burkina. Deuxièmement, il a expertisé l’aéronef comme étant une mission entrant dans le cadre du service, mais le chèque a été libellé en son nom propre. Il a pris l’argent et il n’a pas reversé la totalité de cet argent dans la caisse CCVA. Il s’agit d’environ 3 millions de francs dont il a reversé 390 000 F CFA c’est-à-dire à peu près le dixième.

Et celui de Ouaga alors ?

• Là, c’est également au cours de l’assemblée générale des sociétés d’Etat où dans le rapport du commissaire aux comptes il s’est révélé qu’il y avait une situation particulière à ce niveau et qu’il fallait voir de près. Grosso modo le directeur général du CCVA, pour protéger le logo du centre, a voulu le faire enregistrer à l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle) et il est passé par son propre cabinet pour le faire.

La question qui se pose c’est qu’en droit des affaires, il y a des contrats spéciaux où il faut l’accord a priori du conseil d’administration. Ce sont des dispositions prises par le législateur pour éviter les conflits d’intérêts. Nous avons été vérifier et effectivement le cabinet dirigé par le directeur général du CCVA a procédé à l’enregistrement du logo CCVA et en émettant deux bons de commande différents pour le même objet et pour le même jour. Là on peut parler de fractionnement de marché public.

Il semble tout de même que c’est le seul cabinet au Burkina dans ce domaine ?

• En effet, il semble que c’est le seul cabinet, mais je pense que dans ce genre de cas on devrait saisir à l’avance le conseil d’administration avant d’entreprendre quelque chose comme le dit la loi. Peut-être, le conseil d’administration aurait dit de regarder ailleurs dans la zone UEMOA s’il n’y a pas d’autres cabinets habilités.

Pouvez-vous revenir sur la notion de fractionnement ?

• On parle de fractionnement parce qu’en matière de marché public, selon les anciens textes, tout montant de marché public qui est supérieur à plus d’un million doit faire l’objet d’un marché public et non d’un bon de commande. Vous avez la possibilité, si le marché est supérieur à plus d’un million, de faire deux bons de commande inférieur au montant visé par la loi. On vous interdit de payer plus de un million, mais si le marché est supérieur à ce montant, vous pouvez le fractionner en faisant par exemple deux bons de 500 000 ou même deux bons de 950 000 F.

Il est également question d’un haut-commissaire du Koulpelogo qui a été épinglé. Quels sont les faits qui lui sont reprochés ?

• Ce haut-commissaire n’est plus en poste au koulpelogo. C’est une affaire qui remonte à 2002. Il s’était organisé avec son contrôleur financier et son percepteur pour faire du faux : ils émettaient des bons de commande fictifs, factures fictives, mais le paiement était effectif et au moment de toucher l’argent, c’est certaines personnes munies de fausses pièces d’identité qui le faisaient. Il y avait donc une sorte d’entente des trois pour abuser des biens de l’Etat et la somme détournée est de 19 millions de F CFA.

57 millions détournés et des pièces justificatives manquantes… Pour une bonne partie de l’opinion, on s’est intéressé, comme d’habitude, aux alevins et au menu fretin, pendant que ceux qui détournent des milliards continuent de rouler carrosse…

• Là, pour les 4 structures, c’est le tout réuni qui fait les 57 301 016 millions F CFA pour les pièces non justifiées et l’absence de pièces justificatives. Il s’agit du DAF Transports, CCVA-Bobo, SOPAFER-B, Haut-commissariat Koulpelogo. Mais ce que je vais préciser c’est que ce n’est pas seulement les 57 millions tout court parce qu’ils ne représentent qu’une catégorie de malversations ; à cela il faut ajouter les 19 millions que nous considérons comme des détournements et des manquants de caisse et une 3e catégorie que nous avons appelée « autres types de malversations ». C’est par exemple les régies de recettes de fait qui s’élèvent à 15 millions de francs.

Dans tous les cas, le total fait 92 029 669 francs CFA. Pour moi, 1 franc public, c’est de l’argent public. Il est d’autant plus lourd qu’il s’agit de l’argent du contribuable. Si c’est de l’argent public, je ne cherche pas à savoir s’il s’agit d’un million ou d’un milliard. Donc dire qu’on s’est intéressé seulement qu’au menu fretin, c’est caricaturer les choses, c’est comme dire de laisser celui qui a volé l’œuf et prendre celui qui a pris le bœuf. Je pense que si celui qui s’est emparé de l’œuf avait la possibilité de prendre un bœuf, il l’aurait certainement fait. Je ne vais pas rentrer dans ces considérations.

Qu’est-ce que vous pensez du délit d’apparence ?

• A mon avis, le délit d’apparence fait partie des éléments qui peuvent contribuer à mieux juguler une certaine délinquance économique et peut aider à lutter contre une certaine délinquance économique et financière.

Les sceptiques pensent que ce rapport va connaître le même sort que les autres du genre qui l’ont précédé, c’est-à-dire aller dormir dans le fond d’un tiroir. Concrètement, quelle suite sera donnée à celui-ci ?

• Ils ont tort de penser cela, car ils n’ont peut-être pas suffisamment connaissance des textes qui nous régissent. L’ASCE constitue vraiment une grande avancée par rapport aux autres structures de contrôle classique… C’est la seule fois qu’une structure de contrôle de l’ordre administratif peut faire son contrôle et suivre la mise en œuvre de ses recommandations. Je suis par ailleurs membre du forum des inspections générales d’Etat, cela, pour dire que j’ai cette chance de pouvoir voir ce qui se passe en Afrique et dans le monde.

Nous sommes classée parmi les structures de contrôle qui ont un pouvoir pour contribuer à la lutte contre la délinquance économique et financière et la lutte pour la bonne gouvernance. La loi qui nous institue dit que nous avons le droit de suivre la mise en œuvre des recommandations et d’envoyer les dossiers en justice. C’est-à-dire que nous pouvons demander à la structure contrôlée où elle en est avec telle recommandation qui lui a été faite et demander également aux structures judiciaires la suite donnée aux dossiers transmis sans entrer dans le fonctionnement de la justice.

Je pense que les sceptiques feraient mieux de prendre connaissance des textes qui régissent l’ASCE et d’éviter ainsi de porter des jugements hâtifs et non fondés. Aucun dossier ne restera dans les tiroirs. Une précision aussi à donner est que tous les dossiers ne font pas l’objet de poursuites judiciaires, il y en a qui aboutissent sur de simples dysfonctionnements de services et pour régler ces choses, on n’a pas besoin d’envoyer le dossier à la justice.

Chaque jour, il y a des mesures qui sont prises pour corriger des dysfonctionnements qui ont été constatés au cours de missions de contrôle. Par exemple, nous avons constaté que la plupart de nos recommandations ont été mises en œuvre ou sont en cours de l’être. Un contrôle, ce n’est pas seulement saisir quelqu’un par le collet et l’envoyer en prison. L’un dans l’autre, les choses sont totalement différentes d’une structure de contrôle classique.

Certes, quand il y a des dysfonctionnements de service, on n’a pas toujours besoin de recourir à la justice ; mais lorsqu’il y a des faits avérés comme ceux dont vous parliez tantôt, est-ce que vous avez l’obligation de porter chaque cas devant la justice ?

• Je crois que normalement chaque cas avéré doit faire l’objet d’une transmission en justice puisque la loi qui nous crée stipule que s’il y a des manquements graves à la législation, le dossier doit être transmis à la justice.

Pour revenir dans le cas présent des quatre dossiers, pensez-vous qu’il y en a qui peuvent aller en justice ?

• Pourquoi pas, parce que nous poursuivons toujours l’exploitation des dossiers pour ce qui est des questions de pièces manquantes ou autres, je pense que rien n’est exclu.

Est-ce que vous avez espoir de recouvrer les 90 millions ?

• Oui, parce qu’il y a des ordres de recettes qui ont été émis pour certaines malversations et les intéressées sont en train de payer. Rien ne sera plus comme avant et les délinquants seront châtiés et rembourseront leurs forfaits.

Quand vous découvrez une malversation, que faites-vous pour que l’Etat recouvre ses fonds : remboursement à l’amiable ou procédure judiciaire ?

• Ça ne s’exclut pas parce que remboursement ne veut pas dire que vous êtes blanchi et exempté de poursuites judiciaires.

Votre rapport ne couvre que les trois derniers mois de 2008. Si ce n’est pas un secret, sur quels dossiers ont porté vos activités du premier semestre 2009 ?

• C’est dû au fait que j’ai été installé le 9 juin 2008 seulement, ensuite, la nomination des contrôleurs d’Etat a suivi dans le mois de juillet. On a essayé d’installer administrativement la structure par la recherche de locaux, le recrutement du personnel d’appui, les différentes procédures administratives, la formation des nouveaux contrôleurs. Vraiment, c’est au cours du dernier trimestre que nous avons eu à mener ces activités de contrôle et de sensibilisation à la lutte contre la corruption.

Maintenant, pour 2009, nous avons établi un programme annuel d’activités où nous avons les différentes activités que nous allons mener au cours de l’année. Nous avons déjà eu à former des contrôleurs d’Etat de même que des inspecteurs techniques au niveau des ministères. Nous mettons l’accent sur la formation parce qu’elle est capitale pour une structure de contrôle comme la nôtre parce que les délinquants sont en avance, et si on ne fait rien pour tenir le niveau, on ne fera pas un bon travail.

Nous respectons les standards internationaux pour éviter tout subjectivisme ; donc ce sont des séminaires qui sont organisés avec des experts internationaux en respectant les normes. Nous faisons de la sensibilisation à la lutte contre la corruption et à la recherche de la bonne citoyenneté. Nous suivons les recommandations que nous avons eu à faire de même que les dossiers envoyés à la justice, nous allons suivre leur évolution. Actuellement, nous avons effectué déjà un bon nombre de contrôle au Burkina, au niveau central, au niveau de certaines mairies, d’ONG, et au niveau d’administrations centrales et d’établissements publics et de sociétés d’Etat.

Si vous permettez, comme les enquêtes et les investigations sont en cours et comme nous devons travailler dans la discrétion, je ne peux pas citer de noms. Sinon nous avons un programme et nous savons déjà ce que nous allons faire au cours de l’année. Dans le cadre de la lutte contre la corruption, nous sommes en train, entre autres, de finaliser une cartographie des risques, des zones à risques, ce qui peut faciliter le travail de contrôle.

Jusque-là, les contrôleurs d’Etat étaient nommés. Ils seront dorénavant recrutés sur concours. A quoi cela répond-il et qu’est-ce que ça va changer fondamentalement ?

• Les contrôleurs d’Etat arrivent à l’ASCE par 2 voies. Il y a ce qu’on appelle le tour extérieur des anciens fonctionnaires ayant au moins 15 ans d’expérience, que ce soient des officiers supérieurs, des magistrats ou des fonctionnaires de catégorie A, qui peuvent être nommés comme Contrôleurs d’Etat en fonction de leur compétence et également suite à un contrôle de moralité par les services de police et de gendarmerie. Il y a une deuxième catégorie qui sera recrutée par voie de concours, eux, on leur demande 10 ans d’expérience professionnelle et ils subissent des épreuves. Une fois qu’ils sont reçus techniquement, une enquête de moralité est faite et après ils sont nommés. Dans tous les cas, c’est le conseil de ministres qui nomme ces contrôleurs d’Etat. Une fois qu’ils sont nommés, ils ont un statut particulier dans lequel ils évoluent.

Et c’est pour combien de temps ?

• Une fois nommés, ils évoluent dans une grille particulière comme les autres fonctionnaires. C’est pour leur permettre d’être indépendants et de pouvoir travailler librement et dans la sérénité, sans pression. Dans le temps, c’étaient des fonctionnaires qu’on mettait à la disposition de la structure pour 5 ans. 5 ans, c’est vite passé et vous devez retourner dans votre administration d’origine, alors, vous pouvez vous dire si vous ne ménagez pas vos arrières, vous aurez des difficultés. Maintenant, tout cela est fini et je pense que cela est une avancée à noter par rapport aux anciennes structures qui existaient.

Cour des comptes, ASCE, est-ce que vous ne vous marchez pas sur les pieds…

• Point du tout ! Je pense que ce sont des structures complémentaires qui travaillent en bonne intelligence et il n’y a pas lieu de se marcher sur les pieds. Je l’ai dit tantôt, nous travaillons à partir de normes internationales et partant, il n’y a donc pas lieu de se marcher sur les pieds. Il arrive parfois qu’on se retrouve sur le même terrain ; ça peut arriver que vous partiez pour faire le contrôle sur la même structure, mais celui qui est le moins avancé cède la place à l’autre.

Ça ne sert à rien de se marcher dessus d’autant plus que le champ est très vaste et il ne sert à rien de se battre pour labourer une parcelle, il faut plutôt se donner la main. Ce n’est pas du tout exactement la même chose et cela est compris par les contrôleurs. De plus, la cour des comptes est une structure de contrôle de l’ordre judiciaire et elle peut même juger les personnes qui ont commis des malversations alors que nous, relevons du contrôle administratif ; quand nous révélons des malversations, nous transmettons les dossiers à la justice. Elle, relève du pouvoir judiciaire ; nous, relevons de l’exécutif mais nous travaillons tous sur des normes internationales.

Les deux structures ont une très bonne collaboration. Il y a aussi un cadre de concertation pour toutes les structures de coordination de contrôle d’Etat où on voit ce qui a marché et ce qui ne l’a pas été, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui ne l’est pas pour mener à bien notre mission puisque, comme le dit la loi, toutes les structures de contrôle d’Etat doivent nous déposer une copie de leur rapport que nous exploitons. C’est ainsi qu’au cours de l’année 2008, nous avons reçu 162 rapports des autres structures qui, à l’heure où je vous parle, sont presque tous exploités.

Dites-nous, vous avez le pouvoir d’aller fouiller dans toutes les institutions et structures de l’Etat. Pour donner l’exemple, pourquoi ne pas commencer par la présidence du Faso, l’Assemblée nationale et le Premier ministère avant de vous intéresser aux structures moins emblématiques ou bien ces institutions seraient-elles irréprochables ?

• Je pense qu’on a effectivement ce pouvoir, mais comme je l’ai dit, la plupart des contrôles que nous avons eu à faire ont été sur la base des dénonciations (ce sont des gens qui nous ont signalés qu’il y avait des malversations), des renseignements de police, gendarmerie et l’exploitation de rapports. Il se trouve que le premier ministère ou la présidence n’ont pas été dans ce lot.

Dans tous les cas, la loi nous dit que nous avons compétence de contrôler les différentes structures de l’Etat et les structures privées aussi, pour peu qu’elles reçoivent un seul franc de l’Etat, ça peut être des subventions ou des exonérations de droits de douanes ou impôts. C’est ainsi que nous contrôlons actuellement une ONG parce qu’elle bénéficie d’exonérations. Nous pouvons contrôler l’armée dans l’aspect gestion, pas celui militaire et comme également le ministère de la Justice, l’aspect administration pas celui de fonctionnement des tribunaux. Nous avons d’ailleurs eu à contrôler la DAF du ministère de la Justice.

Que lui est-il reproché justement ?

• C’est là également une dénonciation que nous avons reçue qui parlait de marchés publics qui n’étaient pas très bien respectés, et des livraisons de vivres qui n’étaient pas réelles ; on a été voir et on a fait des recommandations pour corriger la situation. Nous avons eu un feed-back d’ailleurs, la plupart des recommandations sont achevées dans le cadre de leur mise en œuvre.

Vous avez, dites-vous, le droit de mettre votre nez dans la gestion de structures privées. Dans quelle condition et avec quelle motivation cela peut-il se faire ?

• Si une activité a des retentissements sur le cadre général du fonctionnement de l’Etat. Nous avons été par exemple à Diamond Cement parce qu’il nous était revenu qu’il y avait des problèmes d’approvisionnement du ciment sur les remorques. On a été voir et on leur a fait des recommandations qu’ils ont eu à mettre en œuvre. Du coup, il y a eu la fluidité au niveau des chargements de camions et ils ont eu à informatiser ce service. Il y avait également un problème au niveau des commerçants agréés ; là aussi, ils ont accepté nos recommandations, c’est mis en œuvre, donc ils connaissent tous leurs commerçants agréés de même que les banques.

Voilà ce que nous réalisons pour que les choses aillent mieux dans le pays et pour qu’il y ait la bonne gouvernance… Les gens ne comprennent pas toujours que vous effectuez une mission de service public. Quand vous allez dans une structure, on vous dit pourquoi ici et pourquoi pas là-bas, alors on leur explique, mais ce n’est pas toujours facile. Partout où il y a une activité humaine, il faut un contrôle pour réguler les choses et pour éviter les dérapages.

Vous avez beaucoup parlé de dénonciations. Est-ce que vous pouvez comme ça d’autorité sans dénonciations aller contrôler une structure ?

• Si j’ai parlé beaucoup de dénonciations, c’est parce que c’était le dernier trimestre et nous n’avions pas de programme d’activités annuel. Sinon nous intervenons sur trois modalités : la première, c’est sur programme, en début d’année, nous faisons un programme d’activité pour toute l’année et dans le domaine du contrôle et dans la formation, c’est-à-dire ce que nous savons, ce que nous allons faire, qui nous allons contrôler (actuellement je sais qui nous allons contrôler, ce que nous allons faire d’ici décembre).

Ensuite, ce programme peut être modifié en fonction des commandes ou missions commandées que peuvent faire le président ou le premier ministre qui peuvent nous demander d’aller effectuer des missions. Nous pensons que le peuple a son mot à dire dans notre fonctionnement, à travers sa saisine directe de nous-même soit par des audiences, soit par le téléphone vert gratuit que nous mettons à leur disposition, soit par écrit , ou la presse peut nous dire qu’il y a telle chose qui ne marche pas bien dans tel service, on part voir.

C’est ce que nous appelons les dénonciations mais on fait la part des choses entre la personne qui veut juste nous amener sur un chemin sans issue. Pour résumer, nous pouvons aller contrôler parce que nous l’avions décidé, ou parce que le chef de l’Etat ou le premier ministre nous l’a demandé ou nous pouvons le faire sur la base d’appels ou de dires de gens qui sont venus, preuves à l’appui, nous dire des choses que nous allons vérifier si c’est exact. Pour nous, la délation est amorale et souvent faite par des gens jaloux qui racontent des bobards sur X ou Y.

Par contre, la dénonciation est faite par des braves types qui travaillent dans des services qui voient des choses qui ne sont pas correctes mais qui ne peuvent pas agir parce qu’ils n’ont pas voix au chapitre, alors ils essaient de recourir à la structure qui peut les y aider en le faisant. La dénonciation est un comportement citoyen parce que si tout le monde se tait, l’ASCE ne pourra rien faire et rien ne changera. Pour beaucoup de choses, les gens se taisent parce qu’ils ont peur, or quand ça ne va pas il faut le dire.

Vous avez eu à transmettre votre rapport au Président du Faso et au Premier ministre, est-ce qu’ils ont eu à vous dire leur sentiment là-dessus ?

• Ils ont apprécié positivement le travail que nous avons fait en si peu de temps parce qu’il faut reconnaître que ce n’était pas évident. Ils nous ont prodigués des conseils pour mieux faire, encouragés et rappelé toute leur disponibilité et rassurés de leur soutien au plus haut niveau pour le travail que nous faisons.

Interview réalisé par San Evariste Barro & Hyacinthe Sanou (stagiaire)

L’Observateur Paalga

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