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Exploitations minières : Des éclats à double tranchant

Publié le lundi 1er juin 2009 à 03h04min

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Le boom minier burkinabè suscite une euphorie de toutes parts. La production aurifère a atteint 5,38 tonnes en 2008. Elle est appelée à se multiplier par trois ou quatre, les années à venir. L’or se classe désormais à la troisième place des produits d’exportation du pays après le coton, les produits de l’élevage et occupe 200 000 personnes. Décideurs, investisseurs et populations ne cessent de brandir unilatéralement les richesses que l’exploitation de l’or, du zinc, du manganèse ou des phosphates peut procurer au pays.

Au lancement des travaux de construction et d’inauguration d’une mine, c’est un chapelet de retombées qui est dressé. Essakane, Kiéré, Youga, Mana-Fobiri ... forgent l’image d’un pays minier. A dire vrai, l’or constituant la principale ressource minière a toujours brillé au Burkina Faso. C’est seulement que son éclat s’est renforcé, ces dernières années.

Le nouveau cadre réglementaire pour l’activité minière de 2003 qui remplace celui de 1997, vise à "inciter la prospection et l’exploitation minières afin de renforcer l’apport du secteur minier aux objectifs du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP)". S’appuyant sur cette vision, le secteur minier burkinabè a intérêt à se consolider en tirant les leçons du passé. En 1999, la plus grande mine d’or du pays, celle de Poura dans les Balé, en rénovation depuis 1996, ferme ses portes brutalement pour la raison "officielle" du faible niveau du prix de l’or. Personne ne sait jusque-là, ce qui s’est réellement passé entre la canadienne "Sahelian Goldfields", exploitante de la mine à l’époque et l’Etat burkinabè. La vie s’est douloureusement "éteinte" à Poura et dans ses environs. Cette localité, qui a longtemps reflété les excès de l’or, témoigne aujourd’hui éloquemment de la trahison du métal jaune. De même, avec la Compagnie d’exploitation des mines d’or du Burkina (CEMOB), le scandale a été au bout de la rentabilité.

Là comme à Poura, mauvaise gestion et escroquerie ont emporté le gros pactole du sous-sol de tout un pays vers d’autres cieux. Ces deux exemples confortent la prudence selon laquelle le boom minier actuel mérite toutes les attentions garantissant véritablement sa profitablité à la nation. Bien que l’industrie minière nationale repose quasiment sur des investissements privés, sa manne subite commande le souci de bâtir un bien-être social dans une volonté de construire un développement durable. Eclat rime avec richesse et pauvreté, joie et tristesse, quiétude et scandale. Il ne faut pas perdre de vue ces deux faces de la brillance actuelle. D’un côté, l’exploitation minière engendre l’argent frais dans l’économie locale et nationale. Elle augmente le pouvoir d’achat des populations et le budget de l’Etat. Tout bassin minier se revèle être un véritable stimulant du développement collectif et individuel.

De l’autre, les sites miniers en général artisanaux ou semi-artisanaux (environ 100 000 orpailleurs s’activent sur 200 sites) sont les lieux privilégiés de tous les maux et les bassesses humaines : insécurité, drogue, prostitution, travail des enfants. A pareil moment, c’est une trentaine de personnes qui succombaient l’année dernière de la soif de l’or. D’un côté ou de l’autre, c’est l’héritage scandaleux de la misère qui perdure et se renforce quand un bassin minier (moderne, semi-artisanal ou artisanal) vient à s’éteindre. Yako et Poura en savent quelque chose car ces deux localités, jadis bastion de la prospérité due à l’or, assistent aujoud’hui impuissantes à la mort lente de leur jeunesse sous l’emprise de la drogue et de l’alcool frelaté. Une mine ayant une durée de vie limitée (10 ans au plus), il faut savoir concilier l’euphorie d’aujourd’hui avec le souci de pérenniser le bien-être dans l’avenir.

Les préjugés d’une malédiction liée à l’or sont jusque-là infondés. Ce métal a bien été à l’origine du progrès et de la prospérité de bien des pays et royaumes comme les Etats-Unis, le royaume Ashanti, le Royaume Uni ... C’est la finalité des richesses issues de l’or qui laisse croire que cette ressource minière est maudite. Car la lueur d’espoir qu’il a créée peut vite s’entacher de drames et de regrets. La ruée vers l’or se transforme quelques fois, sous l’action de l’homme lui-même, en un cauchemar soit par un manque d’encadrement de l’activité ou de la mauvaise repartition des retombées, soit par une absence totale de garanties de la survie des investissements et de leur pérennisation.

La souffrance endurée dans les labyrinthes ou les galeries, la dégradation de l’environnement invitent à une prise de mesures idoines pour épargner les richesses minières de tout gaspillage ou de tout détournement. La transparence doit être un maître-mot à toutes les étapes. Le scandale géologique guinéen, le pillage et le gaspillage miniers de la République démocratique du Congo (RDC), le manque de vision dans l’exploitation de l’uranium nigérien dans les années 1970 interpellent sur la nécessité de se donner les moyens d’appréhender les richesses naturelles sous la trilogie passé-présent-futur. Toute gourmandise renferme la prémonition d’une fatalité. La déclaration des retombées et leur utilisation s’apparentent donc à des exercices fondamentaux.

L’exploitation minière, tous azimuts, actuelle, pose le questionnement profond de la gestion des richesses du sous-sol. Elle a l’obligation d’être efficiente. La préservation de la part des générations futures est un impératif. A côté de l’arsenal juridique et securitaire tel que la Brigade nationale anti-fraude de l’or (BNAF), l’Initiative pour la transparence des industries extratives (ITIE), les textes communautaires (UEMOA, CEDEAO) et les multiples actions de la société civile pour préserver le commerce minier des affres de la libéralisation du marché et d’une déperdition certaine, il sied d’entourer les richesses du sous-sol d’un état de veille gouvernemental et citoyen pour éviter un revers annihilisant de la médaille.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 1er juin 2009 à 03:18, par Un ancien de Poura En réponse à : Exploitations minières : Des éclats à double tranchant

    L"exploitation de nos resources minieres ne profitera a nos populations que si l’etat met en place un systeme de gestion transparent des recettes minieres. Cependant les taxes et autres impots ne sont qu’une portion de la manne miniere ; l’activité minière devrait servir de noyau de developement industrielle et l’émergence de sous-traitants locaux qualifiés accroirait de manière significative les retombés directes et indirectes pour le pays. Le gouvernement devrait mettre en place sans attendre les structures necessaires au developpement d’une nouvelle classe d’entrepreneurs locaux.

    Quand au fiasco de la SOREMIB qui malgré les 9 a 10 milliars de subvention du SYSMIN, des comptes devraient etre demandes a la clique qui a dirigé la SOREMIB a cette epoque dont l’artisan principal a été ensuite promu ministre de mines ! La cours des comptes ou l’inspection d’etat aurait du revoir les conditions dans lesquelles l’argent du Sysmin a ete depensé

  • Le 1er juin 2009 à 14:57, par sidi l’impertinent En réponse à : Exploitations minières : Des éclats à double tranchant

    Tout a fait d’accord avec l’ancien de Poura. Sans transparence on avancera pas, et les retombees des exploitations minieres ne profiterons pas aux burkinabes. Il faut que le gouvernement nous explique et nous dise qui exploite notre sous-sol, a quel fin ? que ferons-nous des retombees des exploitations minieres ? En somme qu’il nous livre sa vision en matiere d’exploitation miniere. Ceci est un minimum dont le gouvernement doit s’acquitter car l’article 14 de la constitution dispose : "Les richesses et les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie." Et la il faut surtout que les deputes (en tant que representant du peuple), la societe civile, et les journalistes d’investigation jouent leur partition en interpellant tres souvent le gouvernement et en menant des enquetes afin de prevenir et d’eviter les derives possibles.

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