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Elevage dans le Sahel : "Christine" ou le symbole de l’hydraulique pastorale

Publié le lundi 25 mai 2009 à 07h02min

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Le ministre des Ressources animales, Sékou Bâ, a effectué une visite de terrain les 22 et 23 mai 2009 dans le Sahel, la 1re région d’élevage du Burkina Faso. Sékou Bâ a pu galvaniser ses agents et apprécier la gestion des infrastructures d’élevage.

"Christine" dans le département de Déou, dans le Sahel burkinabé à environ 85 km de Gorom-Gorom , n’est pas le prénom d’une personne. Il s’agit plutôt d’un forage. Lequel forage a reçu la visite du ministre des Ressources animales Sékou Bâ dans la matinée du samedi 23 mai 2009. Le commun des Burkinabé se demandera ce que ce forage a de si particulier pour amener le ministre Sékou Bâ à parcourir plus de 400 km depuis Ouagadougou, et surtout à défier le sable de cette partie du Burkina Faso pour le découvrir. Parce que sur la route du retour par exemple, le véhicule 4x4 du ministre s’est embourbé au moins trois fois. Juste pour se faire une idée de l’ampleur de ce périple. Mais pour aller voir le forage "Christine", le périple en valait la peine.

En tout cas, c’est le sentiment général du ministre et celui des autres membres de la délégation qui découvraient ce joyau architectural et utilitaire pour la première fois. En effet, "Christine" est un forage d’un débit de 5 000m3 par heure selon les techniciens, couvrant une superficie totale de 30 000 ha. Avec ses quatre bassins d’abreuvement situés chacun à deux kilomètres dans les directions Nord, Sud, Est et Ouest du forage, "Christine" permet à plusieurs centaines d’animaux d’avoir accès au liquide précieux, assez rare dans le Sahel en période non pluvieuse. Selon le directeur régional des Ressources animales du Sahel, Gustave Kalkoumdo, les bassins de Christine reçoivent aussi des animaux venant de pays voisins comme le Niger, voire le Mali.

Outre les bêtes, le forage doté d’un château d’eau d’une capacité de stockage de 50m3 constitue du pain béni pour les populations riveraines. Celles-ci peuvent se procurer l’eau potable à travers deux robinets et une pompe. Même si, nous l’avons constaté sur le terrain, certaines personnes préfèrent se ravitailler en eau ( certainement moins potable) dans les bassins d’abreuvement. Avec entre autres ces potentialités qu’il offre, le forage "Christine" apparaît aux yeux du ministre comme une "bénédiction" pour les éleveurs du Sahel, comme une infrastructure hydraulique pastorale de 1er rang au Burkina Faso. En clair, le problème d’eau ne devrait plus se poser dans la zone de couverture de "Christine".
Mais hélas, le forage souffre actuellement d’une inorganisation. On pourrait dire le signe indien du joyau depuis sa création en 1971 sous la direction d’un ingénieur français, coopérant à l’époque à la direction de l’hydraulique et de l’équipement rural de la Haute Volta.

Le paradoxe de la gestion

Selon les témoignages, c’est d’ailleurs ce Français qui a donné le prénom de son épouse Christine au forage. A l’ouverture officielle de l’infrastructure au public en avril 1972, ce sont plus de 12500 têtes de bovins et environ 1540 personnes qui s’y sont abreuvés en 18 jours. Depuis cette période, le forage a connu des fortunes diverses allant des pannes techniques aux problèmes de gestion, entraînant parfois son inopérationalité. Aujourd’hui encore, "Christine" peine à retrouver ses galons : des problèmes pour assurer régulièrement le carburant du groupe électrogène qui alimente le système de pompage d’eau, l’incapacité parfois de changer les pièces défectueuses du système...

Sékou Bâ et sa suite ont pu être témoin d’une fuite considérable d’eau en quelques endroits dudit système par manque de boulon. Combien coûte cette pièce ? S’est empressé de demander le ministre. Après hésitation, le directeur provincial des Ressources animales (DPRA ) de l’Oudalan, Souleymane Pendé, l’évalue à 50 000FCFA. Sékou Bâ de rétorquer qu’il est inadmissible d’assister à une si importante perte d’eau pour cette somme. Surtout qu’en principe, les éleveurs qui viennent abreuver leurs animaux devraient contribuer (en carburant ou en espèces) au fonctionnement du forage. Où vont ces contributions ?, a par ailleurs demandé le ministre. Le comité de gestion affirme que "c’est le gardien des lieux qui reçoit l’argent et le carburant...".

Il est donc évident qu’il y a un réel problème de gestion de "Christine". A écouter le DPRA de l’Oudalan, ces difficultés de gestion sont liées à l’absence d’un statut et d’une tutelle clairs pour le forage. En d’autres termes, il s’agit de savoir de quel ministère relève le forage ? Le ministère en charge de l’Hydraulique ou celui des Ressources animales ? Pour Sékou Bâ, il n’ y a pas d’antagonisme. "Je pense que nous devons réaliser les puits, les forages, les boullis, les barrages en concertation. Nous savons que le ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques a une politique très avancée en matière d’hydraulique tout court.

Au niveau du ministère des Ressources animales, il faut aller également vers l’hydraulique pastorale qui est le parent pauvre de cette politique hydraulique au niveau du pays. Donc il faudra que nous réunissons nos efforts pour aller vers une politique hydraulique qui puisse satisfaire toutes les composantes des activités économiques de notre pays.", a expliqué le ministre.
Pour lui, il appartient aux bénéficiaires de prendre grandement soin de leur infrastructure. Il n’a pas manqué de leur signifier en face ses regrets quant aux dysfonctionnements dans la gestion de "Christine".

Il a invité ses services déconcentrés à appuyer davantage les populations pour une meilleure fonctionnalité du forage. Séance tenante, Sékou Bâ a sollicité l’accompagnement des projets et programmes intervenant dans le Sahel en matière d’élevage, en vue d’un réaménagement (agrandissement et adaptation) des infrastructures annexes du forage, notamment les bassins d’abreuvement. Le ministre se dit convaincu qu’une bonne gestion et un aménagement du forage "Christine" peuvent permettre d’alimenter en eau tout le cheptel du Sahel.

Le défi de l’aliment pour bétail

Au-delà de l’enjeu de l’hydraulique pastorale qu’une "meilleure Christine" pourra aider à combler, l’élevage dans le Sahel burkinabé devra aussi relever le défi de l’aliment pour bétail.
Avant d’aller à la rencontre de "Christine", Sékou Bâ a dû apprécier l’ampleur de cette autre préoccupation avec les éleveurs de la région qu’il a rencontrés la veille à Dori. Même en saison pluvieuse, les zones de pâturage se font rares à cause de la pression foncière et de la dégradation des parcours pastoraux. En saison sèche, les éleveurs n’ont autre choix que de se rabattre sur les tourteaux.

Là encore, les prix ne sont pas à la portée de l’éleveur moyen du fait de l’éloignement de la zone de production de ces tourteaux (SN-CITEC à Bobo Dioulasso à environ 630 km du Sahel). En dépit de nombreux progrès, la santé animale n’est pas encore un acquis dans le Sahel. En effet, les producteurs déplorent des ruptures par moment de vaccins pour leurs animaux. Tout en reconnaissant des cas de rupture, le ministre Sékou Bâ a émis l’idée de la création d’un central d’achat de médicaments vétérinaires.
Toute chose qui pourra donner lieu à un meilleur approvisionnement en produits, à des coûts réduits. En matière de santé animale toujours, les éleveurs ont souhaité voir un accroissement des effectifs du personnel d’appui et d’encadrement.

Dans la 1ère région d’élevage du Burkina Faso, seulement 56 agents publics (dont 2 ingénieurs d’élevage et pas de docteur vétérinaire) sont déployés à travers quatre directions provinciales, 13 postes vétérinaires, 13 zones d’appui technique en élevage et une zone pastorale. L’insuffisance (qualitativement et quantitativement) en personnel rend plus ou moins difficiles les activités de formation à l’intention des producteurs ainsi que celles de l’amélioration génétique dans l’optique d’une augmentation du rendement des bêtes (en lait et en viande).

Cette préoccupation des éleveurs a été largement partagée par les agents de la direction régionale des Ressources animales du Sahel et ses partenaires de terrain (projets et programmes, ONG et associations) que le ministre a aussi tenu à rencontrer. Dans ce face-à-face avec leur premier responsable, les agents ont dressé un répertoire des freins à l’épanouissement de l’élevage au Sahel,avant de faire des propositions à même de les lever. Tout en prenant "bonne note" des divers apports, Sékou Bâ a exhorté ses agents et collaborateurs à plus d’ardeur au travail.

Le ministre des Ressources animales a mis à profit son séjour dans le Sahel pour visiter le marché à bétail et l’abattoir frigorifique de Dori. L’abattoir attend des réalisations complémentaire telles que un réseau aérien de manutention (rails), des chariots , du matériel frigorifique et autres équipements de la chambre froide avant d’entrer en activité.

Koumia Alassane KARAMA

Sidwaya

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