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« Une femme pas comme les autres » de Abdoulaye Dao : Une autre vision de la vie conjugale

Publié le mercredi 13 mai 2009 à 03h06min

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Abdoulaye Dao

Avec un mélange d’humour et de drame, « une femme pas comme les autres » est un hymne à la femme dite moderne. La fiction de 100 minutes aborde un pan des relations conjugales peu courant mais qui existe dans certaines sociétés africaines. Le film jette un regard sur la polygamie vue par les femmes et vécue par les hommes.

Jusque-là, personne ne s’était encore attachée à réaliser une fiction dans laquelle une femme a deux époux légaux sous le même toit. C’est chose faite avec le long métrage du réalisateur burkinabè, Abdoulaye Dao. Mariés depuis longtemps, mina et Dominique vivent ensemble dans la parfaite harmonie d’un foyer exemplaire. Tout allait bien, jusqu’au jour où Mina constate que son époux la trompe avec la femme du voisin, Pierre. Ne sachant que faire, elle décide de prendre un second époux, dans l’espoir que son premier revienne sur sa mauvaise conduite. Dès l’arrivée du second époux, commence une série de querelles dans la famille polyandre où chaque époux veut épater la maîtresse de la maison afin d’être le préféré et bénéficier de ses faveurs.

Obligé de partager son épouse avec un autre sous le même toit, menacé de mort par Pierre, battu par son « coépoux », chômeur, Dominique ne sait plus à quelle « épouse » se vouer.
Ce type de scénario n’est pas nouveau dans le cinéma africain. Au FESPACO 2007, le réalisateur béninois Sylvestre Amoussou « projectait » une fiction de la même strophe. Son film « Africa Paradis » comme son nom l’indique, présentait l’Afrique comme un el Dorado. Un monde à l’envers où les rôles sont aussi inversés. Les occidentaux viennent chercher du boulot en Afrique, terre paisible, développée et prospère. Sans papiers, ils sont pourchassés, jetés en prison pour immigration clandestine en Afrique. Le dénominateur commun entre ces deux fictions est le dispositif scénaristique.

La mise en scène repose sur l’ironie et l’humour qui découlent de cette situation inversée. « tagafe fangan » de Adama Drabo s’inscrit dans la même dynamique. Sauf que cette fiction du réalisateur malien est un conte. Ce qui s’explique par l’utilisation récurrente de l’expression « il était une fois ».
L’antagonisme dans l’œuvre de Sylvestre et de celle de Abdoulaye est à rechercher au niveau du talent des comédiens. Dans la fiction du réalisateur burkinabè, l’excellent jeu des acteurs insuffle une crédibilité et une sincérité à leurs personnages. Ce qui n’est pas tout à fait le cas chez Sylvestre Amoussou. En inversant les rôles sans jamais tomber dans le superflu, « une femme pas comme les autres » s’impose comme un film attachant et amusant. La fable qui aurait pu être moraliste sans être moralisatrice, se confond enfin à un fait divers quelque peu insipide. Le second époux se trouve être le cousin de Mina qui a accepté de jouer le jeu. Les « cousines sont faites pour les cousins » dira Sékou le cousin dans la dernière séquence ; qui depuis son jeune âge désirait Mina comme épouse.

L’honneur de la femme, sa dignité et surtout son orgueil sont autant de facettes qui sont souvent bafouées par l’homme. Le mérite du réalisateur est incontestable dans cette fiction et est salué à travers trois prix remportés à la 21e édition du FESPACO qui s’est tenue du 28 février au 7 mars 2009. Il s’agit du prix du meilleur film TV/vidéo, prix spécial UEMOA et du prix TV5 monde.

Dans une société hautement phallocrate, porter un cas de polyandrie à l’écran est un acte de courage artistique. Toutefois, le commun des mortels risque de traiter le réalisateur de vouloir être apôtre de l’immoralité dans une société ou la morale est en train d’agonisée. Les plus sceptiques disent qu’elle est déjà au cimetière. Le cinéaste peut être aussi traité de vouloir amoindrir l’importance de la chasteté et d’encourager le « magnêd tum » ( En langue nationale moré signifie à peu près La débauche). Et pourtant la polyandrie a existé et continue belle et bien d’exister dans certaines sociétés africaines. D’après Strabon, on trouvait chez les Arabes des traces de la polyandrie. Aux îles, Marquises où les femmes sont en petit nombre, elles sont presque toutes polyandres.

Dans plusieurs sociétés antiques, la polyandrie a été une vertu. Chez les Shinar (Tiar), les riches ont chacun une femme tandis que les pauvres se contentent d’une seule femme commune à tous. Et c’était aussi la coutume de prêter temporairement sa femme à un ami ou à un étranger. La polyandrie est vécue chez les Todas qui pratiquent l’infanticide des filles aussi bien que chez les esquimaux. Chez les Tibétains cette pratique est encore présente. Une même femme, quand elle épouse un homme, se trouve en temps être la femme de tous ses frères.

En Afrique, ce type de mariage bizarre existe encore. Il est présent chez les Yoruba, les Ibo, les Bavenda, les Dinka. Dans certaines tribus au Bénin, il existe un curieux mariage de ce type mais un plus incliné à la polygynie. Une femme qui n’a pas d’enfant se marie légalement avec une autre et paie à son père le prix de la dote ; les enfants qui naissent alors appartiennent non au mari de la femme stérile, mais « au mari femelle », soit une polygame. L’alliance matrimoniale chez les Abisi (Nigéria), est caractérisée par une sorte de mariage secondaire qui emmène une femme à prendre plus d’un époux dans des groupes exogames différents sans avoir divorcé. Au Mali, en Mauritanie et même au Burkina Faso des sources relèvent des traces de polyandries. A Kyon, localité située à une quinzaine de Kilomètres de Réo dans la province du Sanguié, plus précisément dans le centre ouest du Burkina Faso, une femme aurait hébergé ses « trois époux » sous le même toit. Elle a été frappée d’ostracisme et vit actuellement avec deux époux.

Dans la société actuelle, c’est un fait erroné de considérer la polyandrie comme l’égale de la polygamie et de ne pas les distinguer l’une de l’autre. La nature de la femme étant différente de celle de l’homme, elle attache plus d’importance à l’aspect sentimental de la vie conjugale. Elle ne peut donc avoir deux maris sous le même toit. Chez la femme, la chose la plus importante est le cœur de l’homme et ses sentiments. Si elle les perd, elle perd tout. La réaction de Mina dans « une femme pas comme les autres » est donc compréhensible et aucune fatwa ne devra être lancée contre l’interprète (Georgette Paré) ou le réalisateur (Abdoulaye Dao). De toutes les façons, c’est une fiction qui fait une place à la femme dans un monde dominé par les hommes.

C’est aussi un conseil à l’endroit des hommes en leur disant tout simplement « goûter pour voir ». Si c’est bon continuez. A contrario, abandonnez vos mauvaises pratiques. Arrêtez de faire faire souffrir la femme par vos infidélités chroniques.
Néanmoins, sur le principe de l’égalité des droits de l’Homme, une femme peut avoir plusieurs époux si elle a les moyens de les entretenir. N’est-ce pas là une idée que Abdoulaye Dao donne aux femmes pour officialiser leurs relations avec « les petits pompiers » qui est un phénomène de mode aujourd’hui ? wait and see.

Abraham N. Bayili

Lefaso.net

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