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Rencontre sur l’alternance : Discours d’ouvrture du président du forum des citoyens de l’alternance, Zéphirin Diabré

Publié le lundi 4 mai 2009 à 00h02min

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Voici in extenso, le discours d’ouvrture du président du forum des citoyens de l’alternance, Zéphirin Diabré. Messieurs les anciens chefs d’Etat ; Mesdames et Messieurs les représentants des missions diplomatiques ; Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales et interafricaines ;

Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiques, des organisations syndicales et des organisations de la société civile ; Autorités civiles, coutumières et religieuses ; Mesdames et Messieurs les membres du Forum des citoyens de l’alternance ; Mesdames et Messieurs.

Mesdames et messieurs,

Je joins ma parole à celle du président du Comité d’organisation pour vous souhaiter à tous une chaleureuse bienvenue à ce forum des citoyens de l’alternance. L’éclat de cette cérémonie d’ouverture est rehaussée par la présence parmi nous de différentes catégories de citoyens, personnalités éminentes, hommes d’Etat, hommes et femmes politiques, responsables syndicaux, défenseurs des droits humains et animateurs de la société civile, représentants d’organisations internationales, représentants de missions diplomatique, autorités de la coutume et de la religion, toutes choses qui témoignent d’abord de la considération qu’ils nous portent, mais aussi grandement de l’intérêt que suscite dans notre pays, la question de l’alternance démocratique.

Les organisateurs de ce forum et moi-même sommes particulièrement touchés par la participation à nos travaux, des partis politiques, acteurs émérites de notre vie publique. Ils sont les premiers acteurs de l’alternance, et je tiens à saluer chacun de leurs représentants ici présents, et à leur témoigner estime et respect. Des organisations syndicales ont aussi accepté notre invitation de prendre part à nos travaux, et de nous donner leur lecture de la question de l’alternance. Je tiens d’abord à leur souhaiter une très bonne fête du travail, à les remercier, à les encourager, et à leur réaffirmer notre soutien dans le combat quotidien qu’elles mènent pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs.

Enfin la société civile, témoin vigilant de l’évolution de notre pays, prend part à nos travaux à travers certaines associations. Sa contribution est très utile pour nous et je lui souhaite une participation fructueuse à nos débats. Nous avons souhaité faire de nos invités représentants des partis politiques, des syndicats ou des organisations de la société civile les témoins privilégiés de nos échanges, leur offrir un espace d’expression s’ils le désirent, mais en aucun moment il n’a été dans nos intentions de les instrumentaliser et encore moins de les compromettre.

C’est en vertu de cela que notre règlement intérieur dispose très clairement que ces invités ne viennent qu’aux séances plénières et ne sont nullement engagés par nos conclusions. Notre souhait est qu’au sortir de ce forum, ils se soient enrichis à notre contact, aient puisé de nos échanges de quoi se donner une chance supplémentaire dans leur démarche, et éprouvent une certaine satisfaction d’avoir fait passer leur message militant.

Les observateurs conviés à ce forum représentent des partenaires de notre pays, qui l’accompagnent depuis toujours sur le chemin du développement. Je leur souhaite la bienvenue et me réjouis de l’intérêt qu’ils portent à nos travaux. Je leur souhaite d’apprendre beaucoup sur notre pays, au contact des citoyens de l’alternance. Enfin ce forum réunit ses propres membres, venus nombreux de la Tapoa au Zoundwéogo, et du Séno au Poni.

Réunis dans le même questionnement citoyen et militant sur la question de l’alternance. La diversité qui caractérise les membres du forum est déjà une source incomparable de richesse qui nous réjouit. Ici des professeurs émérites de notre université côtoient en effet des paysans, des instituteurs, des aides-soignants, des commerçants et des chômeurs.

A tous ces membres du forum ici présents, je souhaite une chaleureuse bienvenue et je redis combien les organisateurs se réjouissent de leur présence, et combien nous attendons d’eux une participation effective et riche à nos échanges. En raison de la modicité de nos moyens, nous avons limité la taille de l’évènement et décidé de vivre ces trois jours de manière austère.

Beaucoup d’entre vous sont venus de provinces lointaines, à leurs frais, pour participer à ce forum, sachant qu’il n’y aura ni perdiem ni prise en charge. Je mesure et salue l’importance de votre sacrifice en ces temps de vie chère. Mais cela est aussi une forme d’alternance qui mérite d’ailleurs de se répandre. Nous devons rompre définitivement avec cette pratique malsaine dans notre pays, que l’on voit à l’occasion de beaucoup de réunions officielles, qui consiste à payer des citoyens pour qu’ils acceptent de se déplacer et de participer au façonnement de leur propre avenir.

Je suis persuadé que notre présence ici n’est qu’une étape vers une autre présence plus massive, plus déterminée, et plus active sur le chantier de l’alternance. Il est important pour nous de recueillir vos avis, vos opinions, vos suggestions sur la question de l’alternance dans notre pays, et d’enrichir ainsi les réflexions préliminaires qui sont soumises à votre examen.

S’instruire sur la question de l’alternance

Mais le plus important pour nous, c’est que ce forum soit l’occasion pour chacun d’entre vous, de s’instruire davantage sur la question de l’alternance, de raffermir ses convictions, de se motiver encore plus, et se convaincre qu’il peut et doit s’engager dans le combat démocratique pour réaliser l’alternance dans notre pays.

Il m’est difficile de terminer mes remerciements, sans faire une mention toute spéciale pour l’ensemble de notre presse nationale, qui a couvert avec grand intérêt, talent, mais surtout hauteur de vue et objectivité, toutes les activités liées à la préparation de ce forum et toutes les discussions qu’elles ont comportées. Elle a su dépasser avec brio, le caractère sensible de la question, pour faire son travail d’information et d’éveil des consciences.

Mesdames et Messieurs,

Ce forum procède d’une démarche un peu particulière. Il se veut d’abord et avant tout une rencontre citoyenne et militante, fondée sur un comportement de profonde humilité, et organisée dans l’esprit de gens qui veulent apprendre en commun pour mieux agir. Il est le fait de femmes et d’hommes, qui se sont liés par aucun lien associatif, qui n’appartiennent pas à un même parti politique, dont certains sont engagés en politique, d’autres dans la société civile, venant d’horizons socioprofessionnels divers, qui ne partagent donc pas forcément la même philosophie, et qui se sont retrouvés autour de la question de l’alternance. C’est donc un mouvement informel de masse. Il n’est pas une rencontre d’organisations politiques ou de la société civile pour débattre de la démocratie au Burkina Faso. Il est d’abord et avant tout une école pour ses membres.

Les membres de ce mouvement sont habités par la conviction très profonde, que toute démocratie reste inachevée tant qu’elle n’a pas produit une alternance. Notre démocratie appartient à cette catégorie. Observateurs attentifs de l’évolution de leurs pays, les membres de ce mouvement de masse sont interpellés par des signaux persistants d’un malaise profond, qui, selon eux, traduit une soif d’alternance dans notre pays. Cette soif se nourrit d’abord des insuffisances et des échecs de notre politique de développement, dont la caractéristique principale est son incapacité notoire à éliminer la pauvreté.

Mais cette soif se nourrit aussi et surtout d’un grand sentiment d’injustice qui risque de mettre à mal notre fragile équilibre social. Ceux qui travaillent à la sueur de leur front et à la force de leurs poignets sont révoltés de voir que d’autres, nullement plus méritants, mais simplement assis à la bonne place, ou titulaire des bonnes relations et des bonnes protections, prennent comme un ascenseur spécial à grande vitesse vers l’enrichissement.

Ils sont choqués de voir combien l’Etat, notre bien commun à tous, est devenu un instrument d’enrichissement aux mains de gens promus uniquement sur la base de relations de concussion, et dont l’énergie se dépense plus dans les surfacturations de marchés que dans la conduite laborieuse de nos chantiers de développement. Enfin, cette soif d’alternance se nourrit de ce que, en démocratie, lorsqu’un peuple est dirigé par les mêmes personnes pendant un certain temps, et que cela dure et perdure, forcément il commence à se poser un certain nombre de questions.

Il se les pose davantage quand, confronté à des difficultés de la vie quotidienne, il se dit que peut-être d’autres personnes, mettant en œuvre une autre politique, peuvent améliorer son sort. Il se les pose avec insistance lorsque, par la circulation des informations, il voit que dans d’autres pays des camps politiques différents se succèdent au pouvoir, suite à des élections qui ressemblent à ce qui se passe chez lui, et ce sans que la paix sociale ni la stabilité des institutions ne soient remises en cause. Il se les pose par amour pour son pays, et par le souci de l’avenir que devront affronter ses enfants.

Les membres de ce forum en sont eux aussi là. S’ils se posent ces questions, c’est d’abord par amour pour leur pays, et par conviction en la démocratie. Mais ces questions, ils se les posent à la fois à l’endroit de ceux qui sont au pouvoir, mais aussi à l’endroit de l’oppostion dont c’est la mission historique de réaliser l’alternance.

En démocratie, réaliser l’alternance, c’est retirer sa confiance à ceux qui gouvernent, mais c’est aussi accepter de la donner à ceux y qui aspirent. C’est donc en fait une double équation à résoudre dont les variables, on l’imagine, sont multiples. C’est pour cela qu’on dit à juste titre que l’alternance ne se décrète pas et ne s’octroie pas. Elle se conquiert et se mérite.

C’est pour s’instruire sur les complexités multiples de la question que les membres du forum ont décidé, comme beaucoup d’autres avant eux, de poser publiquement la question de l’alternance démocratique dans notre pays. En la posant, en la discutant, ils veulent se forger une conviction, avoir la même compréhension, et pour beaucoup d’entre eux, envisager le même avenir. Mais conscients de leurs limites, les membres du forum ont souhaité apprendre au contact des autres, notamment des organisations civiles et surtout des partis politiques, dont certains sont des acteurs de longue date du combat pour l’alternance.

Une approche citoyenne

Un mouvement de masse n’est pas un parti politique. Il peut discuter de l’alternance dans une approche citoyenne. Il peut contribuer par son action citoyenne à créer les conditions de sa réalisation. Mais il n’a pas vocation à la diriger. Cette tâche incombe aux partis politiques, en principe porteurs de valeurs ou d’une idéologie, défenseur d’un programme ou d’un projet de société, et participants aux compétitions électorales. Notre rôle, en tant que membres de ce forum, dans le format d’aujourd’hui, a donc des limites objectives que nous connaissons, que nous avons voulues et dans le cadres desquelles nous nous sommes organisés pour conduire ce forum. C’est en pleine conscience de ces limites que les rapports introductifs à nos débats ont été rédigés. Ils ont pour rôle de susciter le débat. Ils n’ont pas pour vocation de proposer une alternative.

De notre point de vue, les 3 rapports introductifs soumis à votre appréciation, et que nous souhaitons vous voir enrichir, campent l’ensemble des questions que nous posons, et parfois des hypothèses de réponse que nous formulons. Le premier rapport pose des questions politiques liées à la question de l’alternance. Le second rapport pose quelques questions liées à notre processus de développement. Et le troisième rapport examine la crise de notre société. C’est à vous tous participants, membres et invités, de nous dire si les questions que nous posons sont les bonnes, et surtout si les débuts de réponse que nous proposons nous donnent raison ou tort.

A vous tous les participants de ce forum, je vous invite à des échanges sereins, riches, engagés mais dépassionnés. Ayez à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un colloque d’intellectuels, mais d’un forum militant, et que certains de nos camarades vivent cet instant comme une formation militante.

Tout au long des débats qui se déroulent en français, n’oubliez jamais que les membres du forum n’ont pas le même niveau de compréhension. Soyez donc pédagogues. Surtout, n’oubliez pas de réfléchir aussi dans nos longues nationales, en référence à la sociologie de nos terroirs et aux enseignements de notre culture. La courtoisie, qui vaut d’ailleurs à notre capitale le nom qu’elle porte, doit rester présente tout au long de nos travaux. Elle n’empêche pas la fermeté des opinions, et elle n’implique nullement une censure des convictions.

Comme nous le savons tous, le Burkinabè n’a pas besoin de gesticuler, de crier, ou d’insulter pour dire et bien dire ce qu’il pense. Je suis persuadé que ces trois jours d’échanges qui nous rassemblent permettront aux membres du forum de faire un bond qualitatif dans leur compréhension de la question de l’alternance, et à nos invités de trouver un réel intérêt à l’exercice. A tous, je souhaite un bon forum. Sur ce, je déclare ouvert le Forum des citoyens de l’alternance. Je vous remercie.

L’Observateur Palga

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