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Diplomatie du développement : Blaise Compaoré au pays de Mandela

Publié le lundi 12 juillet 2004 à 08h18min

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Une délégation du Burkina, avec à sa tête le président du Faso, séjourne les 13 et 14 juillet 2004 en Afrique du Sud. Cette visite officielle sera le lit d’un partenariat politique, économique et culturel, désormais actif, entre Ouagadougou et Pretoria.

Puissance africaine, ce pays dans lequel se rend la délégation présidentielle burkinabè est en train de se sortir des chaînes du développement séparé : l’apartheid...

La nouvelle est tombée ce week-end dans les rédactions de la presse burkinabè, par l’intermédiaire de la direction de la communication de la présidence du Faso.

Celle, les 13 et 14 juillet 2004, en Afrique du Sud. Cette donne sera marquée, selon la presse présidentielle, par des entretiens que le chef de l’Etat aura avec son homologue sud-africain, M. Thabo M’béki. Compaoré et M’béki vont à ces occasions, certainement parler de la nouvelle dynamique qu’ils entendent donner au partenariat entre le Burkina Faso et l’Afrique du Sud : renforcer la coopération économique, "doper" et vivifier la complicité politique, voire culturelle, entre Ouagadougou et Pretoria.

D’autant plus que, dotée d’énormes potentialités et libérée de l’apartheid depuis 1994, l’Afrique du Sud apparaît comme la première puissance économique du continent. Mieux, depuis plusieurs années, d’importantes sociétés sud-africaines opèrent dans le domaine de la prospection minière au Burkina. Face à cette dynamique, la présence du président du Faso en Afrique du Sud, devrait permettre d’explorer d’autres terrains de coopération dans le domaine économique.

Le renforcement des liens économiques ainsi en vue est, selon certaines analyses, le prolongement des bonnes relations que l’Afrique du Sud et le Burkina entretiennent au plan politique. Le 27 avril dernier, le président Blaise Compaoré a d’ailleurs assisté, aux côtés de plusieurs autres chefs d’Etat, aux cérémonies d’investiture de M. Thabo M’béki, et du 10e anniversaire de l’avènement de la démocratie dans le pays de Nelson Mandela.

Un héritier détesté par Winnie Mandela...

Nommé vice-président en 1994, lors de l’élection de Mandela, Thabo M’béki veillait alors aux destinées du pays, tandis que le chef de l’Etat, de son propre aveu, préparait son départ de la scène politique. A son poste, M’béki a consolidé sa réputation de gestionnaire efficace, travailleur zélé, qui ne souffre pas la compagnie des imbéciles. Certains voient en lui un manipulateur empreint de cynisme. Ses amis, au contraire, évoquent un homme "à l’écoute des autres". Lui ne se livre guère, comme si sa personnalité se résumait à son action politique. "Quand j’étais étudiant en Angleterre, confiait-il récemment, je cherchais parfois à flirter avec les filles. Elles me répondaient toujours : "Mais, Thab, on ne te connaît même pas !" Comme vous le voyez, ce problème, pour moi, ne date pas d’aujourd’hui".

Fils d’un militant de l’ANC emprisonné avec Mandela, il a 19 ans lorsqu’il s’enfuit à l’étranger, sur les ordres de l’organisation, afin de rejoindre le président en exil d’alors, Olivier Tambo. Tandis que Mandela lit des manuels de droit à Robben Island, la colonie pénitentiaire au large du Cap, M’béki dévore des ouvrages d’économie à l’université du Sussex (Angleterre). Au cours des années qui suivent, Mandela deviendra le plus ancien prisonnier politique du monde ; M’béki, pendant ce temps-là, fréquente assidûment les cercles diplomatiques à l’étranger, où il défend la cause de l’ANC. En 1990, après la légalisation du mouvement, il retourne dans son pays, mettant un terme à vingt-six années d’exil.

Certains camarades lui reprochent d’être devenu un étranger, coupé des réalités sud-africaines. Aujourd’hui seulement, il semble enfin accepté par les siens. A quelques exceptions près : "Winnie Mandela le déteste", remarque Bill Johson, de la fondation Helen Suzman. Militante de terrain et populiste en diable, comment se reconnaîtrait-elle dans cet adepte du profil bas qui l’a chassée du gouvernement ? Au sein de l’ANC, pourtant, les uns et les autres affichent une union sans faille, malgré différences et différends, quand ils sont face à l’essentiel pour tout parti politique : la conquête et/ou la préservation des pouvoirs politiques.

Tout change... et rien du tout

Terre d’histoire et de souvenirs, l’Afrique du Sud à laquelle Blaise Compaoré et sa délégation rendent visite a conservé les stigmates de son douloureux passé. 70 ans d’apartheid et un embargo de l’ONU auront, à la fois, tout changé... et rien du tout.

Dans ce pays les premières élections mu !tiraciales d’avril 1994, auxquelles l’Inkatha accepta finalement de participer, assurèrent la victoire de l’ANC, avec 60 % des suffrages. Le parti national de Frederik De Klerk s’affirmait comme la deuxième force du pays (20 %), ralliant non seulement la majorité des Blancs mais aussi celle des Indiens, des Métis et l’Inkatha, et gardait le contrôle du Natal, pays zoulou Le 9 mai, les 400 députés du nouveau Parlement portèrent Nelson Mandela à la présidence de la République, Thabo Mbeki et Frederik De Klerk devenant vice-présidents parti national et Inkatha entrèrent dans un gouvernement de coalition. À l’issue des élections générales organisées en juin 1999, le Congrés national africain (ANC) recueillit plus de 66"10 des suffrages exprimés, soit 266 des 400 sièges à l’Assemblée nationale, et le successeur désigné de Nelson Mandela, Thlbo Mbeki, fut élu à !a téte de l’État par le Parlement nouvellement constituéfe.

La Constitution intérimaire, valable pour cinq ans, adoptée le 17 novembre 1993 et qui a fait de l’Afrique du Sud une république multiraciale et fédérale, a été officiellement remplacée le 9 mai 1996 par une Constitution définitive, votée à l’unanimité moins deux voix et l’abstention du Freedom Front (extrémiste afrikaner) et de l1nkatha. Le texte de cette nouvelle Constitution, en vigueur à partir de 1999, combine une relative autonomie des règions et un gouvernement central

suffisamment puissanL il donne au pouvoir central des pouvoirs importants d’expropriation, permettant une réforme agraire. Sitôt après le vote, le Parti national quittait le gouvernement pour constituer une « opposition constructive », républicaine.

Les enjeux

Les enjeux majeurs dans la nouvelle Afrique du Sud sont géographiques, sociaux et économiques. La situation des circonscriptions est capitale dans un pays où l’apartheid avait associé race et appartenance territoriale. Si la division du pays en neuf provinces au lieu de quatre n’a pas posé de problème majeur, il n’en va pas de même pour le découpage au niveau municipal, puisqu’il s’agit d’associer des espaces riches et pauvres, encore fortement marqués racialement et ce faisant d’amorcer une redistribution des richesses. Fautes d’accord sur les découpages, les élections locales ont dû être retardés dans le Cap occidental et le Natal. Il s’agit d’autre part d’atténuer les contrastes sociaux, ferment d’oppositions raciales, sans briser l’appareil de production ni effrayer les investissements par une politique économique libérale, n’a qu’une étroite marge de manœuvre et peur craindre les réactions d’une population noire qui espère une évolution rapide de son sort.

L’Afrique du Sud jouera-t-elle sur le continent le rôle majeur que suggère sa relative puissance économique ? Si elle s’efforce d’accroître ses parts de marché économique dans les pays proches, elle se montre trop réticente pour assumer quelque leadership que ce soit, tout en s’inquiétant de voir une immigration africaine comme malgré elle, elle est plus attirée, somme toute, par le développement de ses relations avec les industrialisés d’Asie (notamment la Chine) et avec e pays du "Nord"...

A l’heure où l’Afrique du Sud semble ainsi, ne pas savoir "où mettre de la tête", la délégation burkinabè va offrir au "géant" Sud Africain, les saveurs de la philosophie du développement solidaire : solidarité nécessaire entre les différentes couches sociales de la société sud-africaine et solidarité envers les"frères africains".

Les huis-clos entre Blaise Compaoré et l’héritier "indépendant" de Nelson Mandela, seront donc d’une part, l’occasion pour M’béki de garantir au Burkina son soutien politique et diplomatique, son partenariat culturel, économique et social. D’autre part, entre en "gens de gauche", dans une économie mondiale à dominance libérale, le président Compaoré devrait apporter au président sud-africain "la solution du développement solidaire", tant sur le plan national que sur le plan africain...

Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com )


L’Afrique du Sud "en lettres en chiffres"

Nom complet : République d’Afrique du Sud

Superficie : 1 233 404 km2

Population : 37,8 millions d’habitants

Capitale : Pretoria (1 010 000 habitants)

Répartition : 75% de noirs, 13% de blancs, 8% de métisses et 3% d’origine indienne.

Langues : Afrikaans, anglais, sesotho, isixhosa, isizulu, idindebele, salebowa, siswati, xitsonga, setswana, tshivenda.

religion : Chrétienne, musulmane, hindoue, juive et les religions traditionnelles.

Monnaie : le rand (1 rand (R) fait près de 100 F CFA).

I. S.
Sidwaya

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