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Rood Woko : Il était une fois un mardi noir

Publié le lundi 13 avril 2009 à 23h48min

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Le marché Rood Woko sortira de son coma consécutif à l’incendie du 27 mai 2003, qui l’avait partiellement endommagé. En effet, c’est le 16 avril 2009 qu’il sera rouvert aux commerçants. A 48 heures de ce jour tant attendu, flash-back sur ce mardi noir et quelques étapes du processus de la réhabilitation de l’ouvrage.

« Incendie de Rood-Woko ; Et la catastrophe survint ! ». Ainsi avions-nous intitulé notre reportage sur le feu qui a détruit, le 27 mai 2003, une partie du plus grand centre commercial du Burkina, situé au cœur de la capitale (cf. L’Obs. n° 5902 du 28 mai 2003). En d’autres termes, pour avoir, auparavant, maintes fois exprimé dans ses colonnes l’imminence d’un pareil drame, le journal, par ce titre, rappelle à ceux qui ne l’avaient pas cru avant qu’il ne fût pas de mauvais augure. Car toutes les conditions étaient réunies en son temps, pour qui savait observer, pour que Rood Woko connaisse une telle tragédie.

A commencer par la promiscuité qui y régnait, puisque le marché, initialement érigé pour abriter 2 666 locataires, comptait, selon un recensement effectué en 1998, 5 300 occupants. Environ le double de sa capacité. Beaucoup de commerçants avaient procédé à l’extension de leurs boutiques, sous le regard indifférent voire complice des autorités en charge de la gestion de l’ouvrage, pour y loger d’autres personnes.

Puis, au fil du temps, ce sont les rampes d’accès qui ont été illégalement occupées par les commerçants, sans compter les marchands ambulants à l’intérieur du marché. D’où l’appellation « installés anarchiques ». C’est dans ces conditions que s’est établi le désordre, au point qu’à un moment donné, l’on n’avait pas besoin de consulter les oracles pour prédire l’inéluctabilité du danger en ces lieux.

En tout cas, les sociétés d’assurances, après avoir sonné l’alerte, ont préféré décliner l’offre. Par la suite, les autorités communales ont tenté vainement de remédier à la situation. Par défaut de puissance ou par laxisme, dans tous les cas, le désastre est finalement survenu le 27 mai 2003.

Un mardi noir, au figuré comme au propre, car la capitale s’est réveillée ce jour-là, aux environs de 8 heures, avec des volutes de fumée noire au-dessus de son plus grand centre d’affaires. La tâche n’a pas été facile pour les soldats du feu, appuyés à l’occasion par l’ASECNA et la SONABHY, pour venir à bout des flammes. A cause non seulement des difficultés d’accès aux bouches d’incendie, du fait des installations anarchiques, mais aussi du manque d’eau.

Le drame étant survenu au moment où l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) avait instauré le rationnement sur toute l’étendue de la ville. Et que dire des policiers, gendarmes et militaires, mobilisés pour la circonstance, qui avaient du mal à contenir la foule, composée en majorité de commerçants qui n’entendaient pas regarder le feu consumer leurs biens ?

On n’oubliera pas non plus cette pluie bienfaisante qui est venue atténuer la galère des sapeurs-pompiers. Mais que de dégâts, dont on ne connaît pas encore officiellement, le coût exact. Il en est de même des responsabilités tout comme des causes, qui n’ont pas été clairement situées.

Fermeture de Rood Woko jusqu’à nouvel ordre

Depuis la date du 27 mai 2003, « Rood Woko » (marché permanent en langue moré par opposition aux marchés à fréquentation cyclique de trois ou sept jours dans la majeure partie du pays) arrêtera de fonctionner. Car, dès le lendemain de l’incendie, le maire de la commune de Ouagadougou, Simon Compaoré, décrétait sa fermeture jusqu’à nouvel ordre. Sous l’égide du ministre des Carrières, des Mines et de l’Energie, Kader Cissé, représentant le gouvernement, cette décision, avec les mesures urgentes prises à cet effet, a été communiquée aux commerçants.

Une commission de réorganisation du marché a été aussitôt créée pour la mise en œuvre des instructions. Présidée par Jean Christophe Ilboudo, alors 2e adjoint au maire, elle avait pour tâches, entre autres, de veiller à l’enlèvement des marchandises par leurs propriétaires et la détermination d’un site pour reloger les sinistrés.

Les commerçants ont reconnu, ce jour, leur responsabilité dans l’incendie de Rood Woko. Leur président, el hadj Issaka Kafando, priera les responsables de la commune de prendre désormais des mesures énergiques pour éviter une telle catastrophe. Car, a-t-il dit, « on ne peut pas soigner la plaie de quelqu’un et craidre de lui faire mal ».

Bref, cette situation a défrayé la chronique pendant un bon moment avec les conférences de presse et des déclarations voire des pamphlets : ainsi des déclarations de compassion à l’égard des commerçants mais aussi de condamnation des gouvernants ont eu lieu durant plusieurs semaines.

Le parti au pouvoir, le CDP, a appelé « le gouvernement, les autorités communales et les structures de gestion du marché à accorder une attention particulière au sort des victimes et à prendre les mesures diligentes, en collaboration étroite avec les concernés… ».

Il a assuré les sinistrés de ne ménager aucun effort pour manifester sa solidarité aux victimes et soutenir toutes les initiatives pour la reprise rapide de leurs activités. Pour l’UNIR/MS de Me Sankara, le drame a été le résultat « du clientélisme, du favoritisme et du népotisme qui ont trop tôt transformé le joyau en un capharnaüm indescriptible, faisant ainsi fi des mesures de sécurité nécessaires… ».

Elle s’est indignée qu’on qualifie les commerçants d’indisciplinés et d’occupants anarchiques des espaces alors que des taxes étaient régulièrement recouvrées auprès de ces derniers. Le parti a trouvé difficile à comprendre que le pouvoir organise des fêtes à coups de milliards pendant que les sapeurs-pompiers souffrent d’un manque criard de matériel pour combattre un feu.

Mais, comme il fallait s’y attendre, la réplique du bourgmestre de Ouagadougou ne s’est pas fait attendre. En effet, Simon Compaoré a organisé une conférence de presse pour, a-t-il dit, réagir « aux version farfelues entretenues à dessein par une certaine opinion avec pour seul objectif de jeter le discrédit sur les autorités communales ».

Il n’a pas hésité à pointer du doigt le Collectif de Halidou Ouédraogo qui a, selon lui, « au nom d’une certaine lutte contre l’impunité, instauré à dessein au Burkina la culture de l’incivisme », de sorte que toute décision ou proposition étaient systématiquement rejetées.

Le terrain de l’ASECNA comme site d’accueil des commerçants

A la date du 16 juin 2003, les commerçants qui étaient régulièrement établis à Rood Woko ont commencé à déménager à Songnaaba au secteur 16, sur le terrain de l’ASECNA. Ce, pour une période de trois mois en attendant l’aménagement d’un autre emplacement, notamment l’hippodrome d’Hamdalye à Nonsin au secteur 19. Il avait été convenu que ce site devait être la dernière étape du nomadisme, avant de regagner Rood Woko, réhabilité.

D’importants investissements ont été en effet faits à cet endroit (deux voies d’accès à l’emplacement bitumées, le terrain nivelé). Ces travaux terminés, la commune a procédé à l’édification de deux échoppes témoins. Au regard des matériaux durables qui ont servi à sa construction, les commerçants ont estimé que la commune avait l’intention de les y installer définitivement.

Aussi se sont-ils rétractés au moment de leur présenter les boutiques modèles. Ce fut donc des efforts vains, puisque ces investissements, estimés à près d’un milliard, n’ont servi à rien, en tout cas jusque-là. Du moins pas à ce à quoi ils étaient destinés, mais les jeunes du secteur 19, qui manquaient de terrain de football, eux, ne s’en plaignent pas.

Signalons que dans le même temps, un nombre important de commerçants ont trouvé refuge dans les marchés périphériques, comme Nabi-yaar, Sankariaré, Baskuy-yaar, le marché du secteur 10…D’autres, par contre, ont préféré négocier les concessions riveraines du grand marché pour s’y établir.

Le processus de réhabilitation

La réinstallation des sinistrés terminée, il a été entamé le processus de réhabilitation de Rood Woko. La commune, qui a, au début, donné 9 mois pour achever cette phase, s’est, par la suite, rendu compte que la mise en œuvre n’était pas aussi facile qu’elle le pensait. Car le nerf de la guerre faisait défaut. Il a fallu attendre quelque trois années pour voir la situation se dénouer.

En effet, outre le gouvernement, qui s’était engagé à hauteur de 500 millions de FCFA pour la démolition des parties endommagées, la commune a obtenu de l’Agence française de développement un prêt d’un montant 1 311 912 000 FCFA et ainsi qu’une subvention de 2 066 261 400F CFA pour la reconstruction du grand marché, et, pour éviter le surpeuplement de Rood Woko (l’une des causes de l’incendie), l’aménagement de 5 marchés secondaires de la capitale : il s’agit de Zabré daaga, Baskuy yaar, Sankare yaar, Nabi yaar et Waogodg naab yaar.

Grâce donc à l’AFD, la commune a pu procéder au lancement des travaux de reconstruction en août 2007 pour un délai de 18 mois. Il s’en suivra la mise en place d’une commission d’une vingtaine de membres pour la réinstallation, appuyée d’un cabinet d’études chargé du traitement et de la mise à jour du fichier et du registre des commerçants de Rood Woko.

Fini donc les supputations sur la réhabilitation du grand marché. Le 16 avril 2009, les commerçants réintégreront leur Rood Woko, relooké à environ deux milliards et demi avec une réorientation des zones. A cela il faut ajouter l’aménagement des alentours du marché, notamment le pavage des voies, sur fonds propres de la commune.

Mais plus rien ne sera comme avant, la commune a soumis aux locataires de nouvelles conditions d’occupation de Rood Woko. Toutes sont inscrites dans un document portant grille tarifaire applicable aux emplacements, cahier de charges fixant les modalités d’attribution et d’occupation des boutiques et mise en place du bureau des commerçants du marché.

Il faut cependant noter que certaines organisations associatives et syndicales des commerçants, que nous avons rencontrées, n’approuvent pas totalement certaines mesures édictées par les autorités municipales. Nous vous proposons, dans nos prochaines éditions, leurs observations y relatives.

Hamidou Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 14 avril 2009 à 18:19, par bouba En réponse à : Rood Woko : Il était une fois un mardi noir

    Comment pouvez-vous comprendre que 6 ans après ce drame on ne connaisse (pas officiellement en tout cas) ni le coût exact des dégats ni les causes encore moins situer les responsabilités ? Ces milliards qu’on emprunte à tours de bras seront payés pendant longtemps par les futures générations dont l’avenir est d’ores et déjà hypothéqué par des adultes irresponsables, inconscients et cupides.

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