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SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

Publié le mercredi 1er avril 2009 à 04h16min

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Jacques Ilboudo est le président de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina. Son organisation est partie prenante des enquêtes de l’Observatoire des pratiques anormales sur les corridors. Il se prononce ici sur la mise en œuvre du contrôle à l’essieu pour lutter contre les surcharges. S’il et d’accord dans le principe avec ce règlement communautaire, il en appelle à plus de souplesse dans l’application.

"Le Pays" : A Makolondi, à la frontière du Niger, plus d’une centaine de camions sont bloqués au poste de contrôle à l’essieu. Certains refusent de se soumettre au contrôle. En avez-vous des échos ?

Jacques Ilboudo : Effectivement, nous avons vent du fait que des chauffeurs sont bloqués à la frontière, coincés entre l’administration et leurs patrons. Je pense que les chauffeurs ont raison de se plaindre parce que certains y ont passé près d’un mois. Certains ont abandonné leurs camions parce qu’il n’y avait pas de solution. Il fallait passer sur le pont et payer la contravention s’il y a lieu. Et les patrons ne voulaient pas payer. Le Niger a décidé souverainement d’appliquer le règlement de l’UEMOA et apparemment, ça coince.

Mais vous en tant que chauffeur, êtes-vous en phase avec ce règlement de l’UEMOA ?

Au niveau des chauffeurs routiers, nous sommes à 100% d’accord avec le contrôle à l’essieu. En plus du goudron qui est endommagé et des camions qui se détériorent, n’oublions pas que la vie humaine est en jeu. En cas d’accident dû à la surcharge, les dégâts ne sont pas uniquement matériels, ils sont aussi humains. La surcharge fatigue non seulement les camions, mais aussi les chauffeurs. Vous savez que nos pays n’ont pas encore réglementé le temps de conduite des chauffeurs et la fatigue aussi tue.

Et si le Burkina venait à appliquer cette réglementation ?

Moi, dans le cas du Burkina, j’ai des appréhensions. Parce que le Burkina est un pays de traversée. Les Maliens et les Nigériens passent par chez nous. Et nous sommes un pays sans littoral. Si on l’applique on risque d’avoir les mêmes problèmes qu’au Niger. L’Etat avait rencontré les acteurs des transports avant l’application de la mesure. Après les échanges, il a dû la différer. Aujourd’hui, la mesure est effective, mais les conséquences se ressentent sur le terrain. Avant, pour charger du Ghana vers le Niger, le tonne kilométrique était de 32 mille F CFA. Aujourd’hui, ce prix a doublé et personne ne veut charger vers le Niger. Du fret pour le Niger dort à Tema et personne ne veut s’y aventurer à cause de cette mesure. Le risque ici, c’est de voir les consommateurs payer le prix fort. Parce que les chargeurs vont répercuter les frais.

Malgré tout, est-ce une bonne décision qui va faciliter le transport des marchandises ?

Je pense qu’il faut bien réfléchir avant d’appliquer cette mesure au Burkina. Comme je l’ai dit, le Burkina est un pays de traversée. Je crois qu’une étude qui sera restituée les 22 et 23 avril ici à Ouagadougou traite des conséquences de l’application de ce règlement communautaire.

A quoi est due l’augmentation du prix du tonne kilométrique ?

Ce sont les conséquences de la vie chère. Le prix du carburant est monté, celui des pièces détachées également. Au Burkina, depuis 1992, le prix du tonne kilométrique est resté stable. Aujourd’hui, les transporteurs ne tiennent plus. La surcharge est une façon de contourner cette difficulté pour amortir les frais. Sinon les transporteurs savent très bien que les surcharges amortissent plus rapidement leurs camions et tuent quelquefois leurs chauffeurs, mais ils n’ont pas encore d’autres alternatives.

Quel est le prix du tonne kilométrique au Burkina ?

Cela, c’est un autre problème. Parce qu’avec le libéralisme on voit des prix différents selon les transporteurs. Avant, Tema-Ouaga, c’était 32 mille. Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi.

Pourquoi cela ?

Parce que beaucoup de commerçants ou d’opérateurs économiques sont devenus également des transporteurs. Chacun veut avoir son parc pour aller chercher ses marchandises. Il n’y a plus de prix fixe en tant que tel surtout depuis que les transporteurs ghanéens sont entrés dans la danse avec des camions qui peuvent charger trois conteneurs de 40 pieds. C’est une nouvelle concurrence avec une flotte plus performante que la nôtre qui est vieillissante.

Le dernier rapport trimestriel de l’année 2008 de l’Observatoire des pratiques anormales(OPA) sur les corridors constate que les tracasseries persistent ainsi que les perceptions illégales. Vous confirmez ?

Oui, tout à fait. Nous avons collaboré à l’enquête qui a abouti au rapport. Au Burkina, sur les 145 km qui séparent Ouaga et Pô, on a quatre postes de douane. C’est trop pour 145 km. Les autorités vont dire que c’est nécessaire pour des raisons économiques et de lutte contre la fraude. On reconnaît qu’il faut y veiller, mais pas au préjudice de la fluidité. Voyez, les communes traversées ont même institué des taxes tout à fait illégales parce qu’elles veulent s’autofinancer. C’est en contradiction avec la loi. L’arrêté du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation n’a pas changé beaucoup de choses à cette pratique. Ce que nous constatons aussi, c’est qu’un camion peut faire 48 heures, voire 72 heures à un poste frontalier.

Parce qu’il n’est pas en règle ?

Pas vraiment. Ce sont quelquefois des problèmes d’ordre administratif. Si à un poste, il a manqué de personnel, de matériel, cela joue sur la célérité des actes. A Dakola, l’administration travaille avec le système SYDONIA. C’est plus rapide pour le transit. Ce qui n’est pas le cas à Nadiagou, à la frontière avec le Bénin ; les agents sont obligés de travailleurs 24h/24 et ce sont les transporteurs qui paient leurs heures supplémentaires. Ce sont des coûts supplémentaires.

Qu’est-ce qui vous handicape le plus : le racket ou la perte de temps sur les corridors ?

Tous les deux. Le racket a un impact financier certes, mais il ne faut pas oublier l’impact psychologique. Quand un chauffeur descend pour un contrôle à un poste, si ça ne se passe pas bien (somme plus élevée que d’habitude, dispute), il repart énervé et ce n’est pas bon pour la conduite, parce que le chauffeur ne possède plus toutes ses facultés pour conduire. En plus des longues attentes qui peuvent retarder la mise sur le marché des produits dont certains peuvent se détériorer, c’est l’oisiveté et le vagabondage sexuel aux postes frontaliers. Ces postes sont devenus des nids de prostituées parce que justement les chauffeurs et leurs apprentis y perdent beaucoup de temps. Les chauffeurs sont ainsi exposés au SIDA.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 1er avril 2009 à 07:10, par Alain En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

    « les transporteurs savent très bien que les surcharges amortissent plus rapidement leurs camions et tuent quelquefois leurs chauffeurs, mais ils n’ont pas encore d’autres alternatives. »

    Il faut vraiment arreter de dire n’importe quoi. Si je suis conscient que je vais tuer des gens par mon activité et que je le fais, je suis un meurtrier.

  • Le 1er avril 2009 à 11:25, par ARGUS En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

    Très belle interview comme on n’en lit rarement dans la presse locale. Félicitations au journaliste TAO !

  • Le 1er avril 2009 à 13:58, par BAZIE JEAN BOSCO En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

    Force doit rester à la loi et l’Etat doit sévir car aucune raison ne peut être avancer pour justifier la surcharge. Elle ne tue pas que quelque fois et pas seulement les chauffeur. Les surcharges tuent tous les jours sur nos route des chauffeurs et leur apprentis mais aussi d’honnêtes usagers de la route. Ces surcharges amortissent vite les routes et c’est la sueur du contribuable qui paye pour les refaire. Pire, c’est quand ces bombes de la mort circulent en pleine ville, à des heures de pointe. Trop c’est trop, il faut arrêter ça !
    JBB

  • Le 1er avril 2009 à 15:14, par FGH En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

    On vous comprend, Alain ; mais ce Monsieur qui est interviewé est un chauffeur, pas un propriétaire de camion. Il dit ce qui est vrai mais il n’a pas les leviers pour agir. Ce que vous dites s’adresse sans doute aux propriétaires de camion, mais il ne vous liront même pas.
    C’est aux pouvoirs publics de repenser le problème sur toute la chaîne et pas seulement par morceaux.
    Bien à vous

    • Le 1er avril 2009 à 16:50, par Le Pionnier En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

      Bien dit FGH ; les proprietaires de camion sont conscients de la situation mais tant qu’ils beneficient de la lethargie des pouvoirs publics, ils ne se priveront pas pour se faire plus de sous. La vie des autres est secondaire pour les businessmans vereux surtout en Afrique ou on se dit que tout est de la volonte de Dieu alors que de nombreux drames auraient pu etre evites avec plus d’intransigeance. Mais nos autorites qui, tres souvent sont complices de ces abus, laissent toujours faire tant que la situation ne devient pas insoutenable. C’est l’Afrique, c’est comme cela.

  • Le 1er avril 2009 à 19:54, par bèeb laada En réponse à : SURCHARGE DE CAMIONS AU BURKINA : "Les transporteurs n’ont pas d’autre alternative"

    Au mois cette interview a le merite de preciser la position des acteurs du transport mais au vu des questions posées on se rend compte d’un certain pilotage à vu de la chose publique. Un de vos confrères nous rafraichissait la memoire sur le bitume reliant Ouaga à po. A peu pres dix ans. Le nouveau bitume va nous couter combien.? Savez-vous qui payent ? Les autre burkinabés aussi qui n’empruntent pas ces corridors et qui loin de ces zones ne demandent qu’une bonne repartition de la richesse nationale.Les routes coutent chers et il faut une politique volontaire de nos jours.Les transporteurs ne sont meme pas 100.000 personnes au burkina sur 15.000.000. Si les Mali et aiutres nigeriens ne veulent pas payer et possedent d’autres solutions pour acheminer leurs marchandises qu’ils le fassent. Mais sachez la route est aussi celle des paysans cotonculteurs, des transformateurs de fruits et legumes et autres vendeurs de poulets bicyclettes.
    Ce qu’il faut c’est mettre la doigt sur le vrai probleme en priofessionalisant ce secteur de l’economie. Autant les charges autorisées doivent etre respectées, autant les routes doivent etre bonnes pour tous les usagers , autant les chauffeurs doivent savoir que tout conducteur de poids lourd doit au maximum pendant 24 heure conduire 9 heures maximum à raison de maximum 4h30mn deux fois et entre les deux temps un repos de 45 mn necessaire. Cela a pour avantage de donner plus de boulots aux jeunes avec permis qui sommes, car ils devrait alors y avoir dans chaque vehicule deux conducteurs et non un conducteur et un apprenti.Celka ferait diminuer les accidents effectivement dus a la fatigue et les autre problemes y relatif.

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