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Fêtes nationales : Adieu les beaux jours de ferveur populaire

Publié le jeudi 8 juillet 2004 à 08h13min

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Les Burkinabè sont-ils sur le point de perdre toutes leurs
valeurs, si ce n’est déjà fait ? C’est la question inquiétante qu’on
est en droit de se poser face à la catastrophe historico-culturelle
qui se dessine de plus en plus au pays des hommes intègres.
En effet, il ne se passe un jour où des actes immoraux et
inciviques ne soient posés par des citoyens qui n’ont plus peur
de rien. Peut-il en être autrement si ceux-ci n’ont plus aucun
repère qui leur permette de se sentir fils et filles de leur patrie ?

Si la colonisation et le mimétisme de l’Occident ont fait
disparaître de larges pans de notre culture, ce sont les
dirigeants politiques africains eux-mêmes qui s’érigent
aujourd’hui en prédateurs du patriotisme. Peu de choses sont
faites pour sauvegarder ce qui reste de patrimoine culturel, le
ministère en charge de la Culture n’ayant pas suffisamment les
moyens de tout faire.

Les archives nationales, malgré les efforts qui sont faits
maintenant dans le domaine, n’ont pas pu préserver
grand-chose de notre histoire, l’essentiel se retrouvant dans les
musées et autres cinémathèques occidentaux. Tout porte à
croire que les Burkinabè eux-mêmes s’auto-détruisent et
effacent tout ce qui devrait les relier à leur histoire et à la
mémoire collective. Est-on face à un cas de sado-masochisme
d’un autre type ?

Dans le domaine économique, les unités industrielles
nationales qui faisaient le bonheur de certaines localités,
comme Koudougou avec Faso Fani ou Banfora avec les
Grands Moulins du Burkina, ont disparu. Sur le plan des
anniversaires de grandes dates comme la fête de
l’indépendance ou la fête nationale, une sobriété
presqu’humiliante s’est substituée aux fastueux défilés et
autres manifestations de ferveur populaire.

La joie des
populations lors des défilés des élèves, étudiants, enseignants
et des autres couches socioprofessionnelles a été mise au
placard, au profit de fades et quasi-insignifiantes cérémonies
de décorations ou de levée d’armes. De même, les défilés des
vaillantes forces armées et de leur matériel de guerre qui
émerveillaient et rassuraient aussi le peuple, ont été rangés aux
oubliettes.

Pourquoi ne plus fêter une indépendance chèrement acquise ?
Ou alors crédibilise-t-on la thèse qui fait des indépendances de
certains pays africains des cadeaux offerts à leurs dirigeants par
les anciennes puissances colonisatrices ? Le peuple algérien
par exemple ne se permettrait sans doute pas cette erreur
fatale, lui qui garde toujours les séquelles indélébiles de la
"guerre d’Algérie" en mémoire.

Du reste, des monuments et des
places historiques témoignent de ce passé douloureux et lourd
de symboles qui a forgé le présent de ce pays et déterminé son
destin. Le cas de l’Algérie, est loin d’être le seul, tant en Afrique
qu’ailleurs. En France, le 14 Juillet est commémoré avec grand
faste tandis qu’ aux Etats-Unis, l’"Independence Day" est fêté à
sa juste valeur.

Même dans certains pays voisins du nôtre, tel
que le Ghana, les dates importantes restent intouchables et les
fêtes nationales sont célébrées avec grande démonstration de
force.
Logiquement ce sont des dates qui constituent des signaux
forts qui rappellent à tout un chacun, son appartenance à une
nation, à une patrie, à un pays. Ce sont également des dates qui
réunissent tous les Burkinabè autour d’un sentiment commun
de cohésion et d’unité nationales. Ce sont aussi des dates de
consensus qui, fêtées ensemble et dans la ferveur, contribuent
énormément au recollage des fractures sociales et au
raffermissement de l’unité nationale.

Fait notoire et plus alarmant, cette négligence dans la
commémoration de la fête nationale a une répercussion non
moins négligeable sur les fêtes coutumières au village. Or, ce
sont de grands moments où tous les fils du village se
retrouvent autour des reliques des ancêtres pour leur rendre
grâce et appeler leur protection. Y -a-t-il meilleur retour aux
sources ?

Nul doute que l’argument de la conjoncture économique
austère sera évoqué par certains. Mais a-t-on besoin de réunir
d’énormes ressources pour "réveiller" les militaires et leurs
engins lourds pour qui c’est l’occasion de se "dérouiller " un
coup ? A-t-on besoin de fortes sommes d’argent pour faire
défiler des élèves ou des syndicalistes pour qui la marche n’a,
du reste, plus de secret ? Le chapelet d’interrogations peut être
égrené à satiété et on n’aboutira qu’à la nécessité de
l’organisation de ces fêtes nationales. D’ailleurs, elles ne
mobilisent pas autant de moyens que ces meetings de bien
des partis politiques ou ces événements devant servir le
prestige de certaines personnalités.

Il faut une réelle volonté politique pour remettre au goût du jour
la commémoration de notre fête nationale dans la liesse et la
dignité populaire. Ce sera dans cette voie qu’on contribuera
aussi à la construction d’une nation forte et unie autour du
sentiment d’appartenance à une même patrie. Lorsqu’il s’agit
de la vie de tout un pays, il faut miser sur les projections de
longue durée et non sur le court terme.

Le Pays

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