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Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

Publié le mardi 24 mars 2009 à 23h59min

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Depuis dimanche, au Sénégal les supputations vont bon train, et déjà du côté du pouvoir, on fait grise mine. C’est vrai qu’on n’en est qu’au stade des tendances, mais si celles-ci se confirment, la coalition au pouvoir va vers l’un des revers électoraux les plus cuisants de l’histoire politique de ce pays. D’ores et déjà dans le camp présidentiel, on pense aux conséquences de ce probable échec, qui pourrait prendre les allures d’une véritable déroute électorale.

Presque partout, dit-on, au pays de la Téranga, l’opposition a fait une percée spectaculaire, battant la coalition au pouvoir dans des fiefs électoraux comme Saint-Louis, Matam, Podor, Kaolack, Fatick, Dakar, la grande métropole sénégalaise. Contrairement aux premières tendances, qui donnaient une courte avance à la coalition au pouvoir, plus on s’avance dans le décompte des voix, plus le cauchemar prend forme pour le parti d’Abdoulaye Wade.

En effet, même au Point E, qui est considéré comme le fief dakarois de la famille Wade, Karim, le fils, ayant fait acte de candidature dans la capitale, y a été sévèrement battu par 42 voix contre 90 pour son adversaire. Doudou Wade, le neveu du grand chauve de Dakar et président du groupe parlementaire PDS a aussi perdu dans sa circonscription. Par ailleurs, Cheick Hadjibou Soumaré, l’actuel locataire de la primature, a été, lui aussi, battu à plate couture dans son bureau de vote de Thiès, n’obtenant que 36 voix, loin derrière Idrissa Seck, son devancier à la tête du gouvernement, qui en a obtenu 122.

La maigre consolation du pape du Sopi et de la génération du concret que dirige son fils, Karim, viendra d’Abdoulaye Baldé, le secrétaire général de la Présidence et grand ami de Wade –fils qui a mis fin au règne d’un quart de siècle de Robert Sagna à la tête de la mairie de Ziguinchor. Ce Sagna n’est qu’un vieux maire qui n’a guère fait mieux que les élus libéraux, et qui, en dépit de sa longévité ministérielle sous Diouf, devra se contenter de terminer ainsi, de façon piteuse, sa carrière politique, entamée dans les années 70.

Si du côté de l’opposition on jubile, au sein du PDS on reste encore dans l’expectative, espérant quelques nouvelles rassurantes. C’est dans cette attente prolongée que le pouvoir, par la voix de Me Amadou Sall, le porte-parole de la Présidence de la République, a, du bout des lèvres, reconnu « la perte de plusieurs grandes villes ».

A entendre un observateur bien au fait de la politique sénégalaise, même si, par extraordinaire, quelques éclaircies se dessinaient à l’horizon pour les libéraux, la déroute du parti au pouvoir, elle, semble inéluctable. Ainsi désavoué par l’électorat, le tribun Wade, qui était si sûr de sa popularité et ne ratait aucune occasion de railler à tout va l’opposition, devra se résoudre à composer avec la réalité en ayant désormais un peu plus les pieds sur terre après avoir décodé tous ces signaux. Dernier test avant la présidentielle de 2012, ce scrutin pourrait accélérer la recomposition du paysage politique, car cette défaite reste aussi la sienne, tant son implication dans ces consultations électorales qui se voulaient locales a été importante.

En effet, sous le couvert de « visites économiques », l’implication personnelle du président sénégalais dans cette campagne a contribué à lui donner un caractère référendaire. Aussi, cette déroute électorale doit être perçue comme la sanction d’une gestion erratique du Sopi ou, si vous voulez, comme le signe évident d’une césure entre ce héros éphémère de l’alternance de mars 2000 et le peuple, déçu par des promesses non tenues. Assurément, cette campagne restera celle de trop pour Wade. Et comme l’a si bien souligné un confrère sénégalais, « on a fait entrer Wade dans l’histoire, mais il s’est complu dans de petites histoires ».

En effet, depuis sa prise du pouvoir grâce à un élan salvateur de toute l’opposition, unie telle un seul homme, Wade, au lieu de capitaliser cette forte poussée populaire, s’est mis à tailler sans coup férir les branches sur lesquelles il était agrippé. C’est ainsi que en seulement neuf ans de pouvoir, il en est déjà, sauf erreur ou omission, à son cinquième chef de gouvernement, soit moins de deux ans en moyenne pour chaque Premier ministre. Véritablement, quel bon programme peut-on concevoir et mettre en œuvre en si peu de temps ?

Non content de ne pas laisser à ces chefs de gouvernement assez de temps pour mettre en œuvre leur politique et travailler dans une certaine sérénité, la séparation entre lui et eux reste bien souvent une grande foire d’empoigne, fussent-ils des hommes qui ont grandi sous son ombre et qui appartiennent au dernier carré de ses fidèles. Ainsi en est-il d’Idrissa Seck et de Macky Sall, qui tous deux ont fait leurs armes en politique sous les ailles protectrices du Pape du Sopi.

Ces jeunes cadres compétents, issus du moule du parti de Wade, après avoir été chassés de la tête du gouvernement, ont tous été traînés en justice et humiliés pour des prétendus détournements de fonds. Le premier, Idrissa Seck, lui, passera même sept longs mois dans un cachot malfamé. Moustapha Niasse, son tout premier chef de gouvernement, qui reste par ailleurs un homme politique de premier plan au Sénégal, n’aura pas été plus heureux avec Wade, car c’est presque en ennemis jurés qu’ils se sont quittés après seulement une année de collaboration.

Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls mécontents de la scabreuse gestion du pays par Wade et son clan. Et ce sont tous ces blasés de la politique libérale du président sénégalais, tous ces sacrifiés sur l’autel du projet successoral « du fils biologique », qui se sont retrouvés pour former la coalition d’opposition Benno Siggil Senegaal (s’unir pour un Sénégal debout en ouolof), qui donnent présentement du fil à retordre à Me Wade. Ainsi, les résultats du scrutin du dimanche dernier viennent rappeler aux épiciers politiques l’imminence d’un effondrement de la galaxie Sopi, érodée par une économie au creux de la vague et une politique inutilement tapageuse.

Ces résultats qui pronostiquent une victoire sans appel de l’opposition, laissent entrevoir une toute nouvelle configuration du champ politique au Sénégal, où certains hommes du pouvoir, en dépit de ce naufrage électoral qui pointe à l’horizon, auront pu tirer leur épingle du jeu, se tapant au passage une légitimité difficilement contestable au sein de leur formation politique. Ce sont des résultats qui ramènent Karim à la dure réalité de sa représentativité dans la balance politique au pays de la Téranga : un poids de duvet.

Ainsi échaudé, Karim comprendra une fois pour toutes qu’en bonne démocratie, l’accession au pouvoir d’Etat ne se lègue pas. Elle se mérite. Une belle leçon à la sénégalaise.

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 25 mars 2009 à 10:26, par Herman En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    Belle analyse Diallo !
    J’espère que Wade tirera toutes les leçons de cette déroute électorale. Aujourd’hui, ses plus grands adversaires sont Idrissa Seck et Malick Sall qu’il a lui même formés mais qu’il a honni par la suite.

    Félicitations au peuple sénégalais qui vient de confirmer à la jeunesse africaine qu’il ne sert à rien de boire du thé et dire qu’on ne fait pas la politique tout en se se plaignant chaque jour des dirigeants. On peut faire des votes-sanctions pour montrer aux dirigeants notre désaccord sur leur gouvernance. Là est le défi : s’inscrire sur les listes électorales et aller voter effectivement. Ce n’est que par cette voie que la jeunesse africaine s’assumera !

    Cordialement à tous !

  • Le 25 mars 2009 à 11:00, par damis En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    Si le fils a perdu, que le petit frère sache aussi que être président ça se mérite. Nous ne sommes pas en monarchie. suivez mon regard.

  • Le 25 mars 2009 à 15:22 En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    c’est un article completement nul !
    Karim wade a droit comme tout Sénégalais de postuler pour etre maire et president !
    l’essentiel que ca soit dune maniere démocratique !

    • Le 1er avril 2009 à 18:17 En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

      L’article serait- il nul sur ce seul point meme si c’etait sincere que Karim s’est rpesente de facon democratique ? Tu ne connais pas les realites senegalaises vraiment. Fais attention. ce jeune Karim, francais jusqu’a l’ oncle a commence maintenant a apprendre du wolof. On en peut profiter du pere ni du frere pour prendre le pouvoir. Meme si on reussisait par cette voie nepotiste, Ka na i neere ye.

  • Le 27 mars 2009 à 10:11, par tanko En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    merci DIALLO pour cette belle analyse vraiment tu montres bien que le Burkina a des hommes de medias de talent
    suiis totalement satisfait de ton analyse

  • Le 27 mars 2009 à 10:13, par yamyele En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    l’analyse vaut bien sonpesant d’or encore une fois de plus merci diallo pour ta grnadecapacite d’analyse .TU S UN GRAND C4EST PAS LE MALIN

  • Le 30 mars 2009 à 23:29 En réponse à : Elections locales au Sénégal : Leçons d’une déroute libérale

    Petite correction,mais très importante tout de même, c’est Macky SALL,et non Malick SALL.
    Autre précision,seul Idrissa Seck a été poursuivi et emprisonné. Macky a été interrogé par la Division des Investigations Criminelles au sujet d’une supposée affaire de blanchiment d’argent. Il n’a pas été jugé,ni donc condamné,encore moins emprisonné jusqu’à la date du 30 Mars 2009.
    L’accusation est tout simplement à tomber debout,ridicule.

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