En écartant la thèse de l’assassinat, très vite, il a en effet désamorcé une bombe dont la déflagration aurait pu emporter tout le pays. Certains opposants, par réflexe, voient systématiquement la main de Robert Mugabe dans tous les événements douloureux qui leur arrivent. Ils avaient vite fait donc de mettre à l’index le président zimbabwéen. Ce dernier ne remerciera certainement pas assez Dieu d’avoir épargné la vie de Tsvangirai. Les opposants du vieux leader, sans doute sous le coup du choc, ont oublié que Mugabe a plusieurs fois eu l’occasion de faire disparaître Tsvangirai. Mais il ne l’a jamais fait. Ailleurs, sur le continent, des opposants nettement moins teigneux, n’ont cependant pas eu la vie assez longue pour continuer à jouer les trouble-fêtes. La méthode radicale a souvent été l’arme favorite de bien des régimes allergiques à toute forme de contestation.

Du reste, que gagnerait Mugabe dans un scénario aussi catastrophique que celui de la mort accidentel de son Premier ministre ? D’ailleurs, pour couper court à toutes les rumeurs malveillantes, on a assisté à cet acte de compassion et de solidarité du couple présidentiel, qui s’est rendu au chevet du malade. Les deux chefs de l’Exécutif ont ainsi fait preuve de grandeur et de sens de responsabilité. Ils ont résisté à la tentation d’instrumentaliser un malheur à des fins politiques. Cet accident aurait pu diviser le Zimbabwe ; il le réconcilie un peu plus, en définitive. L’épreuve qui frappe le Premier ministre, en ce qu’elle provoque une catharsis nationale, met sous le boisseau, le temps du deuil, les clivages politiques exacerbés qui ont tant fait de mal au pays. En tout cas, jusqu’à ce que l’enquête en cours vienne démontrer le contraire, le Zimbabwe est soudé dans la douleur.

Même les milliers de morts du choléra n’avaient pas suscité une telle émotion et cette union sacrée. Reste à souhaiter que ces marques de compassion ne soient pas de façade ou de circonstance. Elles doivent s’inscrire dans la durée parce que le Zimbabwe lui-même est une douleur permanente. Les dirigeants ne doivent pas attendre d’être touchés directement par une épreuve quelconque, pour manifester leur tristesse. Tout Zimbabwéen qui meurt, faute de soins, à la suite de sévices, d’inanition ou pour toute autre faute de gouvernance, doit bénéficier des mêmes égards. C’est cette attention non sélective qui fera prendre conscience aux élites de leurs responsabilités dans le bien-être des populations. Si l’accident de Tsvangirai peut amener à plus d’humanité au sein de la classe politique, ce serait à son mérite. A l’heure actuelle en tout cas, le plus dur a été réalisé par le Zimbabwe, en ne tombant pas dans la bêtise des accusations réciproques. Dans un pays où les moeurs politiques étaient récemment encore bâties autour de la haine, les gestes d’apaisement des uns et des autres font briller une lueur d’espoir.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays