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ETATS-UNIS D’AFRIQUE : Faut-il continuer à rêver ?

Publié le mardi 3 février 2009 à 01h58min

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que les chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique ne se sont pas bousculés au 12e sommet de l’Union africaine qui a ouvert ses travaux au siège de l’organisation à Addis-Abeba en Ethiopie. Seulement une vingtaine de chefs d’Etat africains sur les 53 membres que compte l’Union. Faut-il lier cette faible participation au sujet qui s’annonçait comme le plus délicat : la constitution d’un gouvernement de l’UA qui devrait conduire, à terme, aux Etats-Unis d’Afrique ?

On sait en tout cas que la construction des Etats-Unis d’Afrique n’est pas le souhait le mieux partagé des dirigeants du continent. Le refus de renoncer à la souveraineté des Etats qu’elles dirigent et l’incapacité morale à s’imaginer queue de lion plutôt que tête de rat, font de beaucoup de têtes couronnées du continent, de véritables obstacles au grand saut salvateur. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces absences, dont, sans doute, le peu d’intérêt pour l’idéal panafricaniste. Face aux nombreux défis qui l’assaillent et le poids des problèmes sous lequel croule le continent, quelques rares chefs d’Etat africains se sont fait entendre, appelant ouvertement à la création des Etats-Unis d’Afrique.

A côté de ceux-là, il y a les "gradualistes", qui montrent une attitude plus prudente, estimant qu’il faut y aller par étapes. Reste à savoir si cette prudence ne cache pas un souhait secret : ne jamais voir aboutir ce projet et, pire, se donner le temps nécessaire pour le torpiller. En tout état de cause, le rythme auquel le projet des Etats-Unis d’Afrique avance laisse peu de place à l’optimisme. A Addis-Abeba, les chefs d’Etat ont fini par renvoyer à bien plus tard, la constitution d’un gouvernement panafricain ainsi que la nomination des ministres représentant le continent. A gouvernement et ministres, les chefs d’Etat ont préféré respectivement les mots autorité et secrétaires. C’est que les premières appellations font… peur. Mais au-delà de ces considérations, les réalités sur le terrain témoignent chaque jour de l’énorme travail qui reste à accomplir sur les chantiers des Etats-Unis d’Afrique.

De fait, comment croire à ce gigantesque projet des Etats-Unis d’Afrique, quand la libre circulation des biens et des personnes reste encore une chimère, au regard notamment du droit jusque-là dénié aux peuples africains de circuler librement en dépit de structures intégrationnistes déjà existantes ? Comment ne pas se montrer pessimiste face à la quasi-impuissance de certains organismes communautaires telle la CEDEAO, qui donnent parfois l’impression de prêcher dans le désert, preuve que, jusque-là, elles ne sont pas arrivées à imprimer leur marque dans l’objectif d’intégration ? Quant à l’Union africaine, bon nombre d’Africains s’étaient mis à beaucoup espérer d’elle, assurés qu’elle parviendrait à réaliser des choses grandioses par le simple fait qu’on avait placé à la tête de sa commission, le grand panafricaniste devant l’Eternel, Alpha Omar Konaré.

L’histoire nous rappelle combien il était animé par le dépit, à son départ, tout navré de savoir à quel point la volonté politique des dirigeants africains manquait cruellement dans l’atteinte des nobles missions de l’organisation. Non versement des cotisations par les Etats membres, dysfonctionnements au sein de l’organisation auxquels il fallait ajouter les petites piques de dirigeants africains à son endroit. Tout cela avait fini par laisser transparaître le rôle subalterne dans lequel certains dirigeants du continent voulaient l’y consigner. Il y a tout lieu de croire que si jusque-là, la volonté politique manque dans l’atteinte des Etats-Unis d’Afrique, c’est en raison aussi des liens organiques que certains chefs d’Etat africains ont toujours tissés avec l’Occident. Dans leurs relations "gagnant gagnant" avec le Nord, ils savent toujours compter sur les soutiens extérieurs de l’Occident pour se pérenniser au pouvoir. Certes, on dira que l’Union européenne ne s’est pas construite en un jour.

Mais celle-ci n’aura pas mis une éternité à prendre corps, contrairement aux Etats-Unis d’Afrique dont l’idée, on le sait, ne date pas d’aujourd’hui. Kwame N’krumah et autres auront montré la voie. Toujours est-il que l’Afrique a raté une chance historique. Elle a dilapidé un immense héritage laissé par les colons, qui a pour noms AOF (Afrique Occidentale française) et AEF (Afrique équatoriale française (AEF) pour ne parler que de la zone francophone. Tout était pratiquement mis en place pour faire du continent, une Afrique forte. Bien que l’occasion ait été manquée, il n’est pas tard pour rebondir. D’autant que les organismes communautaires existent déjà. Il suffit que les égoïsmes nationaux soient mis de côté, que les dirigeants africains s’élèvent au dessus de leur ego, pour que l’UA évolue enfin vers les Etats-Unis d’Afrique.

En tout cas, l’avènement des Etats-Unis d’Afrique ne sera pas pour déplaire aux populations africaines dont l’aspiration à vivre ensemble date de plusieurs décennies. Ce projet des Etats-Unis d’Afrique ne fera que du bien au continent gorgé de ressources de toutes sortes, qui n’en sortira forcément que bien plus renforcé. Evidemment, une telle perspective n’enchante pas les chefs d’Etat partisans du statu quo, qui ont toujours beau jeu d’évoquer des questions de souveraineté. Mais de quelle souveraineté s’agit-il, en réalité, pour des pays pour la plupart toujours incapables de se débarrasser de la tutelle et de l’aide de l’Occident ?

"Le Pays"

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