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Barry Souleymane : un peintre prometteur

Publié le vendredi 23 janvier 2009 à 23h58min

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Barry Souleymane est un jeune Burkinabè très doué pour les arts. Il manie les pinceaux comme pas deux. Actuellement, il réalise une série de toiles qui révèlent un peintre plein de potentialités. En plus, il est guitariste et chanteur.

A voir ses doigts courir sur le manche de sa guitare électrique, une Fender Bleue, et libérer des riffs rageurs tout en fredonnant ses propres compositions, on a la certitude qu’il a la graine du musicien de talent. Comme ses tableaux révèlent un grand peintre ! Peintre ou musicien ? L’un et l’autre ? L’un ou l’autre ? Difficile à trancher ! Lui pense que l’un n’exclut pas l’autre, car Jean-Clarence Lambert définissait la peinture comme « une musique visuelle, et que l’œil doit écouter ».

Pourtant, sa peinture n’est pas connue du grand public. Parce que rarement il participe à des expositions, ce qui en fait un artiste de l’underground. Seuls quelques happy few connaissent son travail de peintre ; un travail fait avec une grande exigence artistique. Nous avons eu la chance de suivre ce travail depuis quelques années et nous avons vu sa peinture évoluer, son regard sur les choses s’aiguiser, prendre de la profondeur et sa palette s’enrichir.

Il y a deux ans, il exposait au CCF, aux côtés de jeunes peintres comme Sylvio Zoungrana, des peintures figuratives. Après être passé par une période réaliste et même académique à travers des natures mortes d’un grand réalisme, il est entré actuellement dans une période impressionniste parce que là, l’incline son inspiration du moment.

Il faut dire que Barry Souleymane fait partie des rares peintres burkinabè qui, contrairement à l’usage veut que la peinture soit un don des dieux, se sont dotés d’une solide culture picturale. La perspective, les différents mouvements et écoles de peinture du dernier siècle ne lui sont pas inconnus. Ni les orientations de la peinture contemporaine.

Aussi a-t-il plus de liberté à s’affranchir des normes parce que, pour s’écarter d’un chemin, il faut savoir où celui-ci mène. Et ses dernières créations s’inscrivent dans un nouveau cheminement. A son domicile à Wemtenga, dans le jardin, sur la terrasse et jusque dans le salon s’alignent une multitude de toiles, grandes et moyennes, qui montrent des troupeaux de bœufs dans des paysages où de subtiles variations de lumière colorent les ciels d’une débauche de couleurs.

Usant du « dégradé », il passe du noir ardoise au gris pâle, du rouge sanguin à l’ocre, et par une série des transitions qui traduisent une grande maîtrise de lois chromatiques, il décline une nuance de couleurs. Barry Souleymane utilise beaucoup de pigments. Cette démarche fait penser aux « trente-six vues du Mont Fuji » de Katsushi Hokusai par les variations sur le même sujet.

Des zébus sur les tableaux…

Dans ces tableaux, les bœufs, aux cornes immenses, sont esquissés d’un trait de pinceau comme une griffe et ont diverses postures. Sur une toile, on y devine le troupeau émergeant des brumes laiteuses. Comme un paysage de montagnes ou un séjour dans les limbes. Parfois les bœufs sont statiques, on les voit paissant dans des verts pâturages sous un ciel d’un bleu serein, mais quelque fois, on y voit le troupeau lancé dans une course folle et le fond du tableau en feu comme si le monde s’embrasait. Apocalypse ?

Paix et guerre ? Peut-être. Le peintre explique que la naissance de ses toiles procède plus d’une recherche sur les couleurs que de l’élaboration d’un discours dostoïevskien sur le monde.

N’empêche que nous y décelons les inquiétudes et les espoirs d’un fils de pasteurs s’interrogeant sur le devenir des cultures pastorales et nomades dans un monde qui leur est de plus en plus hostile. Hostile, parce que se sédentarisant et les pâturages se raréfiant. On peut y voir aussi la mise en regard d’un questionnement sur l’existence de la Vie dans un monde qui se dégrade.

Le bœuf n’étant ici que la métonymie du vivant. D’ailleurs, dans la plupart des mythes de la création chez les peuples nomades, il se raconte que Dieu ou Guaino a créé la vache avant de créer l’homme. Parce qu’elle est la première venue à la vie, il est alors juste que la vache symbolise la vie sur Terre.

Ces peintures de Barry Souleymane parlent donc de l’universelle condition humaine. De nous. On reconnaît le vrai artiste à ce que son art, sans même qu’il le lui assigne, exprime sa singularité culturelle et son appartenance à l’universel. On peut donc affirmer que Barry Souleymane est un grand artiste ! Vivement qu’il s’expose plus souvent pour mieux diffuser ses créations.

Barry Saidou Alceny

L’Observateur Paalga

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