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Côte d’Ivoire-Burkina : l’épouse de Mamadou Koulibaly à Ouagadougou

Publié le jeudi 13 novembre 2003 à 13h06min

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Côte d’Ivoire-Burkina : l’épouse de Mamadou Koulibaly à Ouagadougou

Son mari, Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, passe pour être l’un des faucons du Gbagboland, distillant à tire-larigot ses propos incendiaires tantôt sur la France et l’Accord de Marcoussis, tantôt sur les Forces nouvelles et Alassane Dramane Ouattara quand ce n’est pas contre le Burkina et les Burkinabè.

Burkinabè de par sa mère, Limata Koulibaly, notre nièce donc, nous a rendu visite hier dans la matinée. Pour parler notamment du Comité de médiation pour la restauration et la consolidation de la paix (COMED) qu’elle dirige.

Dans quel cadre êtes-vous au Burkina ?

• Je suis là dans un cadre purement familial. J’ai une proche qui a perdu une parente et je ne pouvais pas ne pas venir pour les funérailles, pour lui apporter mon soutien, parce qu’il s’agit d’une personne qu’elle aimait bien.

Qu’est-ce qui vous a conduite à l’Observateur ce matin ?

• En arrivant au Burkina Faso, je me suis dit qu’après les funérailles je pouvais rencontrer certains organes de presse pour me faire connaître et faire connaître ce que je fais en Côte d’Ivoire, parce que je pense que les médias ont un grand rôle à jouer dans le rapprochement des peuples.

Qu’est-ce que vous faites exactement alors en Côte d’Ivoire ?

• Je dirige un Comité de médiation pour la restauration et la consolidation de la paix (COMED). La Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 vit, on le sait, une situation de guerre. Dans cette situation, il y a eu beaucoup de choses.
Etant l’épouse d’une autorité et avec le ton qui montait entre mon pays d’origine et mon pays d’adoption, à un moment donné je vivais une situation difficile.
Il fallait que je me lève à ma façon pour voir ce que je pouvais apporter. Il fallait que je tente quelque chose pour briser le mur de méfiance qui était en train de s’ériger entre les deux populations.
Aujourd’hui, nous cherchons à apaiser la situation et briser ce mur de méfiance.
Concernant particulièrement le COMED, il n’y a pas eu d’échos au Burkina et c’est pourquoi je suis là dans ce cadre aussi.
Je voudrais également ajouter que les chefs traditionnels ivoiriens ont décidé de venir au Burkina pour rencontrer le Moro Naaba Baongho et toute la chefferie pour parler le langage de la paix.
C’est très important et je crois que l’initiative est très bonne.
La chefferie ivoirienne et les responsables des différentes communautés burkinabè résidant en Côte d’Ivoire attendent que le Moro Naaba soit prêt pour les recevoir.
En somme, on attend que toutes les conditions soient réunies pour pouvoir faire le déplacement.
Ils sont dans l’impatience de rencontrer leurs frères du Burkina et s’il plaît à Dieu, ça ira.
L’intérêt de ce comité est de montrer au monde la prise de conscience et de responsabilité du côté ivoirien comme burkinabè pour la recherche de solution pacifique à la crise qui mine leurs rapports.
Les enjeux, c’est de sauver les acquis historiques, sociaux en sauvegardant aussi les acquis économiques.

Il semble que vous êtes née Yaméogo. Pouvez-vous vous présenter plus amplement ?

• En fait, je ne suis pas née Yaméogo, je suis née Amoussa. C’est ma mère qui est née Yaméogo. Elle s’appelle Yaméogo Valentine, fille de Koudraogo Abel Yaméogo et de Yaméogo Noaga. Ma mère est née à Koudougou en Côte d’Ivoire, dans la région de la Marahoué (dans le département de Bouaflé), à une soixantaine de kilomètres de Yamoussoukro. Koudougou est entouré de Tenkodogo, Garango, Koupéla... (1).
C’est là qu’est arrivé mon grand-père vers 1932. Mon père est Béninois. Ma grand-mère, qui est centenaire, vit toujours à Koudougou en Côte d’Ivoire. Je vais la voir tout le temps. J’ai également mes oncles là-bas.

Venez-vous souvent à Koudougou côté Burkina ?

• Je viens souvent au Burkina parce que c’est mon pays d’origine. Je refuse d’oublier ce pays. Je refuse de rejeter l’origine de mes grands-parents, de ma mère. J’ai des parents, des amis ici que j’aime. Il m’arrive donc de venir au Burkina.
Quand ma mère vivait, chaque fois qu’on arrivait au Burkina, on faisait un tour à Koudougou. Mais depuis quelque temps c’est devenu un peu rare.

Votre époux, M. Mamadou Koulibaly, est aujourd’hui le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Comment l’avez-vous connu ?

• J’ai fait sa connaissance en Côte d’Ivoire. On s’est connu quand il était enseignant-chercheur, jeune professeur agrégé en sciences économiques. Le plus jeune à l’époque. Il était assistant, il est passé maître de conférences, puis professeur agrégé. C’est à ce moment que j’ai fait sa connaissance. Moi je suis enseignante de formation. J’enseignais les lettres modernes. J’ai arrêté d’enseigner parce qu’avec l’enseignement il n’y a pas de demi-mesure. On est au cours à 7 h, on ne peut pas venir à 7 h 30 et dire aux élèves qu’on avait une contrainte. Il fallait donc choisir.

Quel effet cela vous fait-il d’être l’épouse d’un président de l’Assemblée nationale ?

• Je fais tout pour rester égale à moi-même. Je refuse de voir les choses autrement. Je me bats pour rester moi-même parce que ce ne sont pas des situations éternelles dans tous les cas. Donc il faut rester soi-même avec ceux qu’on a toujours connus. Il m’est peut-être arrivé d’avoir des attitudes diversement appréciées, mais je m’arrange toujours, et je crois que mon mari m’y aide beaucoup.

Votre mari justement est réputé être un des faucons du pouvoir ivoirien. Que pensez-vous de ses prises de positions incendiaires ?

• Depuis que je suis au Burkina ce sont les mêmes mots qui reviennent : propos incendiaires. Je dirais qu’aujourd’hui c’est un homme politique, mais c’est d’abord un intellectuel. Et il voudrait rester sur cette ligne-là. L’honnêteté intellectuelle l’amène à faire des analyses qui sont jugées d’une façon ou d’une autre. C’est aussi un homme politique qui assume ses responsabilités. Mon souhait le plus ardent est que l’occasion puisse se présenter un jour pour que vous puissiez vous adresser directement à lui pour qu’il vous explique ses prises de positions. Qu’on lui laisse le temps de faire une analyse complète parce qu’avec les médias on voit comment les choses sont parfois tronquées.

Etes-vous toujours d’accord avec ce qu’il dit ?

• Moi j’agis en tant que mère, en tant que femme. Lui il est dans la sphère du pouvoir. Je n’ai pas de jugement à porter sur ce qu’il fait sur le plan politique.

Comment appréciez-vous la situation aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?

• Je crois qu’on est en train de dévier un peu. Je ne suis pas là en tant qu’épouse du président de l’Assemblée nationale, mais pour présenter le mouvement que j’ai mis en place par rapport à mon pays d’origine et mon pays d’adoption.

Parlons donc des Burkinabè dont le sort n’est pas des plus réjouissants présentement en Côte d’Ivoire. Votre maman est une Yaméogo. Quel effet cela vous fait de voir cette situation ?

• Je vois cela sur le plan humain. En Côte d’Ivoire il y a eu des morts le 19 septembre. Je n’ai pas cherché à savoir si ce sont des Burkinabè ou des Ivoiriens. Pour moi c’est avant tout des êtres humains. Dans la communauté burkinabè, à Bouaflé, à Koudougou, à Garango et à Tenkodogo... les gens vont toujours dans leurs champs et s’adonnent à leurs diverses activités. J’ai tourné, j’ai vu. Il y a eu des tracasseries policières, la situation de guerre n’a épargné personne. Il y a eu des milliers de déplacés ivoiriens comme étrangers. Chaque pays traitait les problèmes de ses ressortissants.

Avant de venir au Burkina, votre mari n’a-t-il pas eu peur pour votre sécurité ?

• S’il devait avoir peur, je crois que ça devait être en Côte d’Ivoire même où, en pleine guerre j’ai fait près de 3 000 km. Il n’a pas eu peur. Il a accepté, il m’a donné sa bénédiction pour que j’entame cette initiative afin de ramener la paix, l’entente. Dès l’instant qu’il m’a donné sa bénédiction, cela veut tout dire. Il le sait, je suis originaire du Burkina. A partir de ce moment je ne peux pas avoir peur de venir dans mon pays. Quand j’arrive ici il sait que je suis chez moi et que ses beaux- frères et belles-sœurs vont bien s’occuper de moi.

Avez-vous rencontré des responsables burkinabè depuis que vous êtes-là ?

• Non. Je n’ai vu aucun responsable.

Ce n’est pas dans votre agenda ?

• Ce n’est pas dans mon agenda. Je ne sais pas. On verra.

Vous êtes-là jusqu’à quand ?

• Mon départ est imminent.

Avez-vous des relations avec la première dame de Côte d’Ivoire ?

• Je la considère comme ma grande sœur, ma mère, parce qu’elle me le rend bien. Elle me considère comme sa fille. Je suis très proche d’elle. Dans le cadre de la réconciliation elle a rencontré les femmes burkinabè et leur a expliqué que la complémentarité entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso était plus que nécessaire et qu’il appartient aux femmes burkinabè et ivoiriennes de se mettre ensemble pour sauver les relations entre les deux pays afin qu’ils puissent faire de grandes choses ensemble.

Que pensez-vous d’elle, parce qu’il semble qu’elle est toujours d’avis avec son mari qui est prêt à mettre le feu sur la tête de ses ennemis.

• Tout comme pour mon mari, l’occasion se présentera où les uns et les autres pourront vérifier si les analyses qu’ils faisaient sont exactes. C’est mon souhait. Je sais que c’est une battante et les femmes burkinabè de Côte d’Ivoire lui ont donné en cadeau une statuette de la princesse Yennenga. C’est après tout une mère. Il faut retenir cela.

Quand on est de parents "mixtes" n’est-on pas souvent écartelé dans une situation de crise comme celle-là ?

• Je ne crois pas. Moi j’estime que c’est une richesse que d’être à cheval entre deux cultures. C’est bien des gens comme nous qui devraient constituer un trait d’union entre deux ou plusieurs pays. Je veux amener ceux qui sont comme moi à se dresser pour éviter qu’il y ait des dérapages entre les pays.

Pensez-vous pouvoir y parvenir ?

• Je ne voudrais pas juger ce que je fais. Je laisse les autres apprécier. Tant du côté ivoirien que burkinabè, les gens ont semblé apprécier notre démarche et cela a contribué à détendre l’atmosphère entre les deux communautés.

(1) Comme on le sait, les ressortissants burkinabè en Côte d’Ivoire rebaptisent souvent du nom de leur localité d’origine les patelins du pays d’Houphouët où ils se sont installés. D’où les appellations Koudougou, Koupéla, Garango...

Propos recueillis par :Ousséni Ilboudo

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