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GUINEE CONAKRY : Dadis Camara comme ATT ou Gueï ?

Publié le dimanche 28 décembre 2008 à 23h13min

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Une nouvelle ère s’annonce-t-elle en Guinée ? Pour sa première grande sortie publique, le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte guinéenne, s’est présenté en véritable messie, décidé à "balayer" la maison guinéenne. Les jeunes prétoriens qui renforcent leur pouvoir, n’entendent pas pour autant s’installer durablement aux commandes du pays, suivant en cela l’exemple bien connu du Président Amadou Toumani Touré (ATT) du Mali.

Mais sauront-ils tenir parole ? Avant eux, feu le général Robert Gueï de Côte d’Ivoire avait tenté l’expérience puis cédé aux sirènes du pouvoir. La suite, on la connaît : il y a laissé sa peau. Les nouveaux dirigeants guinéens se sont eux-mêmes imposés deux ans d’exercice afin d’organiser des élections libres et transparentes et de se retirer du pouvoir.

Mais la question se pose de savoir si l’ambition de moraliser les services publics pourra se réaliser avant la tenue effective de la consultation électorale. Aura-t-on vraiment le temps d’isoler le bon grain de l’ivraie avant de confier les rênes de l’Etat à un leadership plus clairvoyant et soucieux de l’intérêt véritable des Guinéens et de l’Afrique ? Il est de notoriété publique que l’Etat guinéen est en faillite. Sa classe politique, comme dans de nombreux cas sur le continent, a longtemps abdiqué. L’on comprend pourquoi le nouveau dirigeant guinéen a fustigé sans ménagement tous ceux qui ont profité des deniers publics, soulignant au passage qu’ils devront rendre gorge. Les deux ans de délai paraissent excessifs aux yeux de certains acteurs politiques guinéens.

Ceux-ci semblent pressés de tourner la page de la dictature après avoir enduré 25 ans de gestion du parti unique de feu le Président Ahmed Sékou Touré et 24 ans de pouvoir autocratique du clan Conté. Mais combien d’entre eux sont-ils vraiment indemnes de tout soupçon ? Les formes de gouvernance qu’ils ont dû subir paraissent avoir si marqué la classe politique et la société civile guinéenne que celles-ci n’ont même pas trouvé utile de condamner le coup de force. Même les anciens dirigeants n’ont pas eu le sursaut de dignité qui aurait permis de gêner la manoeuvre des auteurs du coup d’Etat. Sans doute celui-ci était-il prévisible.

Mais combien de Guinéens y croyaient-ils en vérité ? La vacance du pouvoir était réelle et les jeunes soldats n’ont eu qu’à le cueillir, surprenant ou mettant sur le même pied d’égalité tous les ambitieux des clans qui se le disputaient au chevet du chef malade. Pour beaucoup en tout cas, le jeune capitaine semble "tombé du ciel", en cette fin d’année. Une grande majorité de Guinéens, surtout les millions de la diaspora, ne se gêneront certainement pas de fêter bruyamment ce changement de régime qui porte les espoirs d’un peuple longtemps sevré de tout ou presque. Que fera-t-on de la Constitution dont on se réclame aujourd’hui, mais qu’en réalité personne ne veut jamais respecter comme partout ailleurs en Afrique ? Et surtout quel avenir pour la classe politique ?

Après l’exemple plus récent de la Mauritanie, on semble donc s’acheminer vers une nouvelle forme de rupture du pouvoir qui met mal à l’aise l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE). La crédibilité de ces deux organisations se trouve chaque jour mise à rude épreuve puisqu’elles se contentent de défendre "la légalité constitutionnelle", de brandir des sanctions face aux auteurs de coups d’Etat. A aucun moment on ne les entend s’attaquer réellement aux vraies causes des épidémies politiques qui rongent l’Afrique. Aux yeux de l’opinion africaine, leur silence face au tripatouillage des Constitutions, à l’incurie des acteurs politiques et au bâillonnement des libertés, les décrédibilise sans appel.

Il va de soi que de plus en plus d’Africains s’interrogent sur leurs décisions qui confortent les pouvoirs établis et annihilent à terme les luttes des peuples. On l’a vu dans le cas de la Mauritanie et avec ce qui se passe à Conakry, il faut s’attendre à voir les masses africaines appuyer ouvertement les auteurs de coups d’Etat face à l’incurie de gouvernants sourds, aveugles et corrompus. Jour après jour, en dépit des protestations et des mesures punitives, les Africains voient ainsi se perpétuer les coups d’Etat qu’on voudrait pourtant révolus. C’est que le mal se trouve ailleurs. Et les remèdes bureaucratiques et démagogiques des instances internationales n’y peuvent rien.

Les sanctions et les professions de foi ont leurs limites. Certains dirigeants africains n’aimant ni leurs peuples ni la démocratie, ont tendance à revenir à la période d’avant La Baule. Il est temps de faire le point des expériences démocratiques menées sur le continent. Car, force est de reconnaître que trop d’échecs ont été enregistrés ces dernières années dans les processus démocratiques. Il est aussi temps pour la communauté internationale de s’arrimer au destin des peuples et non à celui des dirigeants. La gestion de l’expérience démocratique pourrait être confiée à une structure internationale indépendante et crédible ; les Africains sont fatigués de leurs gouvernants qui ont chosifié la politique et travesti la démocratie. Il faut absolument créer un comité de sages africains.

Il pourrait être constitué par exemple de prix Nobel, de personnalités moralement crédibles, non coupables de crimes de sang et de crimes économiques, et retenues sur la base du consensus. Ce comité pourrait se porter garant des institutions républicaines africaines devant la communauté internationale. Elle devrait s’assurer que nul ne procédera au tripatouillage de la Loi fondamentale. Elle ferait des recommandations aux instances internationales qui s’exécuteraient en conséquence. Comme dans les pays du Nord, le contribuable africain aspire à de profonds et réels changements. Et devant le refus de l’alternance vraie, il ne faut pas s’étonner de le voir applaudir un justicier qui lui promet des lendemains meilleurs

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 29 décembre 2008 à 04:32, par youssouf konaté burkinabé en Espagne En réponse à : GUINEE CONAKRY : Dadis Camara comme ATT ou Gueï ?

    GUINEE CONAKRY:MOUSSA DADIS COMME ATT OU GUEÏ
    Je suis un partisan de la démocratie et de la liberté d’expression.Cependant,il faudrait noter qu’il ya des Etats d’Exception qui valent mieux que des Etats dits démocrati-ques en ce qui concerne le développement socio-économique.Je prends en témoignage la Révolution burkinabè qui n’a rien à envier à certaies Républiques.Pour le cas de la Guuinée, j’ai un présentiment douteux de la bonne foi du jeune capitaine Dadis.Hier sur la chaine de télévision France 24h,je l’écoutais dire que Lassana konté a beaucoup fait pour son pays et que c’est son gouvernement et son assemblée qui étaient corrompus.Je voudrais dire au jeune capitain président que là où la tête du serpent se dirige, le reste de son corps suit ses traces .Si la tête du poisson est pourri tout le corps se pourrit.Konté a été le premier corrompu durant son règne comme bon nombre de nos dirigeants africains.Exemple, la Guinée est le premier pays producteur africain en bauxite(minerai d’aluminium) et regorge d’importants giséments de diamant et d’or ;pourtant les villes guinéennes manquent cruellement d’electricité et les quartiers de la capitale Conakry sont alimentés par intermittence en courant .On notait aussi en Guinée des vehicules "todo terrano" 4*4 sans des voies bitumées pendant que le bas peuple meurt de faim ou de pénurie alimentaire.Le pays detient l’une des meilleures terres du continent.Si Sekou Touré n’avait rien fait pour le peuple guinéen comme le disent certains,pour moi il avait conservé au moins les ressources du pays pour la génération future qui serait plus instruite avec des esprits ouverts.Mais Konté et ses siens l’ont dilapidées au grand détriment du peuple guinéen.

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