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Au-delà de l’excédent céréalier…

Publié le lundi 1er décembre 2008 à 05h59min

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Cette année, la pluie a été au rendez-vous. Du coup, les greniers sont pleins et les statistiques ont bondi : l’excédent céréalier est évalué à plus de 10% des besoins. Bien entendu, la nation entière est à la fête : des ingénieurs agronomes aux organisations caritatives, en passant par les agents de l’Etat travaillant à tous les niveaux (collectivités locales, provinciales, régionales et jusqu’aux directions centrales).

Tant pis pour les médias internationaux, si avides d’images pittoresques d’enfants affamés jusqu’aux os et d’ombres de bétail mort de soif… Cette année, s’il plaît à Dieu, ils n’auront rien à se mettre sous la dent, du moins pour ce qui concerne notre pays ! Mais après une satisfaction légitime, peut-être faudrait-il oser la question qui fâche : et si la bonne saison agricole n’était qu’une simple question de bonne pluviométrie, et donc de chance ? En effet, les bons points de la saison écoulée ne doivent pas masquer la réalité de notre agriculture où la pluie constitue le premier intrant. En attendant que nos spécialistes de l’agronomie, de politique et d’économie agricoles trouvent la bonne formule, toujours attendue après tant d’années de tâtonnement, il nous faut affronter sans tarder un premier défi à la fois simple et complexe : les habitudes alimentaires.

En effet, il n’est pas certain que les productions disponibles répondent aux habitudes alimentaires, aux besoins nutritionnels et à l’envie de consommation des populations. En clair, si malgré la crise financière les Burkinabè refusaient de manger du tô de maïs, sorgho, produits localement pour préférer le riz importé, et si cher à l’achat, serions-nous sortis de l’auberge ? Si non, que faire alors ?

Certains pays se caractérisent par des habitudes alimentaires particulières. C’est le cas du Sénégal. Les habitants de la Téranga consomment davantage le riz que le manioc et le maïs, cela est bien connu. Cependant, le programme de production de masse du Président Wade, la fameuse GOANA (Grande offensive pour l’agriculture et la nourriture en abondance) a courageusement mis plus l’accent sur ces deux derniers produits. L’objectif visé est le changement des habitudes alimentaires afin de proposer à la consommation locale ce qui se trouverait produit en abondance. Le combat n’est pas facile à mener. Ne dit-on pas, ô parfois, que l’habitude est une seconde nature, qui plus est dans le domaine alimentaire ?

L’autre défi qui apparaît, suite à la bonne nouvelle de l’excellente saison agricole passée, réside dans l’offre équitable à proposer à l’ensemble des Burkinabè. Autrement dit, comment assurer une redistribution équitable des résultats de la production agricole excédentaire ? Comment faire pour permettre le transfert du trop plein des zones excédentaires vers les régions déficitaires ? A cette question, la réponse se nomme transport. Au Burkina Faso, le secteur est contrôlé par le privé. Comment l’Etat va-t-il s’y prendre pour que le surcoût de transport ne rejaillisse pas sur le prix d’achat des céréales ? Faut-il pour éviter cela subventionner les transporteurs ou faut-il subventionner les prix des céréales dans les zones déficitaires ? En tous les cas, des solutions idoines sont à trouver. C’est d’abord du devoir des politiques …

De façon générale, l’Afrique doit œuvrer à ce que la souveraineté alimentaire soit une réalité et non un vain mot. Car celui qui compte sur les autres pour manger court le risque de dormir le ventre vide. Le renforcement de la production locale et de la politique agricole sont choses nécessaires pour pérenniser les acquis de l’excédent céréalier de la présente campagne agricole. Et, que de conséquences négatives… Aussi, faut-il engager les batailles pour la récupération des terres dégradées du Nord, pour la promotion des cultures de contre- saison, l’utilisation à grande échelle des semences améliorées dont nos centres de recherche agricole sont si fiers, etc. Toutes ces pistes méritent d’être étudiées et les politiques engagées vers de nouveaux objectifs. Si nous ne pouvons domestiquer la pluie, nous pouvons maîtriser les autres facteurs de production.

Les "gourous" de l’importation des produits céréaliers ne verront pas d’un bon œil quelque avantage accordé à la préférence nationale, en l’espèce au commerce intra national et intra régional. Mais, que tous se le tiennent pour dit : les articles étrangers ne devraient nous être servis qu’en appoint. La sécurité alimentaire d’un pays est chose trop sérieuse pour la confier aux seules mains de commerçants. Les populations méritent d’être soutenues et défendues par l’État. Nos pays ne peuvent plus se satisfaire du don, du destiné, de la fatalité de la nature. Il faut agir.

Par Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya

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