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SORTIE DE CRISE AU ZIMBABWE : La proposition déséquilibrée de la SADC

Publié le mardi 2 décembre 2008 à 02h25min

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Les tentatives de sortie d’une crise peuvent comporter des solutions plus ou moins acceptables, plus ou moins raisonnables, complexité de la situation oblige. Mais celle que proposent les pays de la SADC (...) pour dénouer le noeud gordien zimbabwéen présente quelque chose de saugrenu, voire d’inacceptable, sur plusieurs de ses aspects. Car elle présente un déséquilibre évident.

Demander à Mugabe de "livrer" ses terres aux blancs, revient à lui intimer l’ordre de remettre en cause sa propre politique de réforme agraire, l’un des éléments clés sur la base desquels il s’est toujours battu, envers et contre tous. Ce n’est ni plus ni moins que de lui demander de se faire un hara kiri politique. Pas étonnant que le "vieux" s’y refuse.

Les géniteurs de l’initiative ne devaient raisonnablement pas s’attendre à autre chose d’ailleurs. Mieux que quiconque, ils connaissent le leader zimbabwéen. Ils ne devraient donc pas s’en offusquer. Que gagnerait Mugabe d’un marchandage si déséquilibré ? Que gagnerait-il en échange s’il lui prenait l’offre de la SADC Que lui proposerait-on en contrepartie ? Cela, la SADC ne le dit pas et on comprend alors aisément le vieux Bob refuse tout net cet échange contre "rien du tout" qui, en plus de lui faire perdre la face, l’expose à un mécontentement réel de ses propres partisans. En la matière, on refuse généralement de jouer pour perdre.

La SADC a-t-elle pensé un seul instant que Mugabé déjà marginalisé comme il l’est accepterait en plus de se couvrir de ridicule ? Que dit d’ailleurs cette même SADC des accords de Landcaster House et des promesses de mesures d’accompagnement qui n’ont jamais été appliquées ? Car ils expliquent sinon en totalité, du moins en partie l’imbroglio qui a aujourd’hui cours au pays de Mugabe. Mais la proposition faite a au moins le mérite de faire découvrir où se trouve la vraie origine de la vindicte menée contre le président zimbabwéen : en plus de la kyrielle de péchés dont on l’affuble, il a commis l’impardonnable crime de toucher aux interêts fonciers des Blancs.

On use de tout pour qu’il les leur remette. Les pays de la SADC pouvaient-ils raisonnablement se baser sur une telle proposition pour espérer sainement une sortie de crise véritable ? Ou alors, leur ligne de conduite dans la gestion du problème zimbabwéen aurait-elle varié, le principal médiateur Mbeki ayant lui-même changé de statut ? De quel présage est tout ceci , et quand pourra-t-on espérer voir le bout du tunnel pour le Zimbabwe, pays meurtri s’il en est ? Il est vrai que Mugabe a, à certaines occasions, bénéficié d’une réelle solidarité politique manifestée par ses pairs africains. On se rappelle le sommet de Lisbonne où l’intransigeance des Européens l’avait déclaré "non grata".

Le front uni de ses pairs avait réussi à l’y faire admettre. Mais on pourrait souhaiter une solidarité plus concrète. Sur le terrain, on est toujours à se demander ce que font ses pairs pour lui venir en aide, pour secourir un pays qui se meurt, étranglé qu’il est par un embargo draconien, lui-même généré en grande partie par la haine viscérale que vouent de nombreux Occidentaux à un Mugabe qui, s’il n’est pas un ange, n’est cependant pas le diable cornu à la queue fourchue sous les traits duquel on se plaît si souvent à le peindre. Anti-impérialiste et anticolonialiste à souhait, l’homme ne s’en est jamais caché. Tout comme il n’a jamais fait un secret de son désir de justice pour les fermiers noirs de son pays. La réforme agraire qu’il a instituée au Zimbabwe procède de là.

On aurait tort de focaliser le problème zimbabwéen sur la seule personne d’un Mugabe déjà diabolisé. Lui, peut s’en aller, mais si l’injustice perdure, le mal demeure, peu importe celui qui l’aura remplacé. Mais bien peu, dans cette tourmente, ont les yeux suffisamment clairvoyants pour s’apercevoir que le coupable n’est pas forcément celui que tout le monde désigne. Et à défaut de dire la cruelle vérité qui dérange, on se contente de casser du sucre sur le dos déjà fourbu d’un Mugabe presqu’à bout de souffle. Au risque d’en faire un martyre.

Jean-Claude KONGO

Le Pays

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