LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Annie Lenoble/Bart, professeur en information et communication : "Face aux menaces des TIC, les journalistes doivent apporter une valeur ajoutée à leur métier"

Publié le mardi 2 décembre 2008 à 02h19min

PARTAGER :                          

Annie Lenoble/Bart est professeur en information et communication à l’Université de Bordeaux III. Présente au Burkina Faso dans le cadre des Universités africaine de la communication de Ouagadougou (UACO), le Pr Bart s’apaisantie dans cet entretien sur la menace des TIC sur la profession de journaliste. Elle commence par présenter les activités qu’elle mène dans son université.

Annie Lenoble/Bart (ANB) : Je suis professeur en information et communication à l’Université de Bordeaux III. La chaire que j’occupe s’intitule "les médias africains". Je dirige également un centre d’étude des médias, de l’information et de la communication qui regroupe à la fois des chercheurs, des doctorants de l’Université de Bordeaux III.
Je suis à Ouagadougou dans le cadre des Universités africains de la communication (UACO). Au cours de cette rencontre, je dois faire une communication sur un thème choisi par les organisateurs. Je me suis fait le devoir et le plaisir de traiter ce thème.

Sidwaya (S.) : Votre communication porte sur une éventuelle menace des TIC sur le journalisme professionnel. Qu’en est-il exactement ?

A.N.B. : Le thème n’est pas très original, parce qu’il a déjà été largement traité à la fois par les médias, dans des livres, dans des thèses etc. Ce thème porte sur ce que les technologies de l’information et de la communication changent ou peut-être même risquent de faire disparaître des métiers comme celui du journalisme.

S. : La menace est-elle réelle au point de faire disparaître le métier de journaliste ?

A.N.B. : La menace est très ferme. Et ce n’est pas seulement le métier du journaliste qui est menacé de disparaître. Mais on pourrait penser que même celui de l’enseignant est également menacé parce que des étudiants ont le sentiment qu’ils peuvent tout trouver sur l’Internet.
Donc ils pensent qu’ils n’ont pas besoin d’écouter un cours, de faire un devoir... puisque tout est sur l’Internet. D’un côté, le feu est rouge mais de l’autre, il faut toujours des intermédiaires. Et en matière d’information, les journalistes constituent les intermédiaires. Mais à condition que ces derniers soient conscients qu’il ne faut pas continuer à faire ce qu’ils faisaient jusque-là.
Ils ont de sérieux concurrents avec l’Internet. Et il faut qu’ils se spécialisent dans ce qu’on ne trouve pas sur le net qu’on ne peut pas trouver parce que c’est un métier que d’être journaliste.

S. : A votre avis, quelles mesures concrètes faut-il adopter pour une professionnalisation des médias ?

A.N.B. : Je ne peux pas donner des prédictions. Vous avez des enseignants, des professionnels qui sont très à même de dire ce que vous devez faire. Ce qui est certain, il faut tout miser sur la qualité. Il deviendra de plus en plus important de promouvoir la qualité parce qu’il y a de très bons amateurs sur l’Internet. Et si les journalistes n’apportent pas une valeur ajoutée à leur métier, ils auront du souci à se faire.

S. Quelle est l’importance d’un événement comme les UACO pour les journalistes africains ?

A.N.B. : Les UACO présentent des intérêts très importants. Il faut sensibiliser le public, les apprentis journalistes puisqu’il y aura des étudiants à cette rencontre. Il est très important qu’ils prennent conscience des enjeux. Pour avoir enseigné dans des écoles de journalisme, je sais que les journalistes ont tendance à être très "pris" par leurs propos, par ce qu’ils font, si bien qu’ils ne sont pas attentifs aux "bruits de la rue", aux bruits de leur lectorat. Il faut qu’ils prennent conscience que c’est très important de réagir par rapport à cette donne que sont les TIC.

S. Dans le contexte africain, quelle doit être la contribution des médias pour l’ancrage de la démocratie ?

A.N.B. : Ma spécialité porte sur les médias africains dans toutes leurs œuvres, mais pas simplement en matière de démocratie. La démocratie est un tout. Elle est à la fois une et indivisible. Mais il me semble qu’elle doit s’adapter aux cultures des pays et à toute sorte de choses. Donc, on ne peut pas la décrypter d’un seul coup.
Et même, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est très contestée parce qu’elle n’a pas assez tenu compte de la diversité des cultures. Il est vrai qu’il y a des principes généraux. Mais dans l’application, ils doivent prendre des formes différentes, suivant le milieu dans lequel ils se trouvent.

S. : Doit-on comprendre que l’application des principes de journalisme doit se faire en fonction des pays ?

A.N.B. : Ce n’est pas qu’ils doivent fondamentalement différer, mais ils doivent tenir compte des habitudes des pays. La manière peut-être de dire une vérité diffère d’un pays à un autre. Vous dites peut-être la même chose mais pas de la même manière, pas avec les mêmes mots, pas avec les mêmes formules.

S. : Pensez-vous que les médias africains ont progressé, régressé ou sont-ils dans une situation stationnaire ?

A.N.B. : C’est difficile de faire des généralisations de ce genre. Il existe peut-être 36 000 situations, 36 000 médias. C’est très divers. Et on peut difficilement généraliser.

Entretien réalisé par Gabriel SAMA et Jacques Théodore BALIMA

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique