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VIOLENCES POST-ELECTORALES : Le Nigeria doit s’en prendre à lui-même

Publié le lundi 1er décembre 2008 à 05h07min

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Ce n’est pas facile de le dire, certes. Mais le Nigeria ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Pour avoir manqué de prévision, d’anticipation, ce pays se remet à compter ses morts. Par centaines. Il y a bel et bien eu incurie, de toutes parts. Ce n’est pas la première fois que le Nigeria est en état de choc, lui qui est chaque fois meurtri par ses sempiternelles rivalités ethnico-religieuses.

A Jos, dans l’Etat central de Plateau, le diable a cette fois-ci pris la forme d’une élection locale. La suite, on la connaît : la mort, le désastre, l’hécatombe. Il est pratiquement certain que le mal aurait pu être évité, et des vies humaines épargnées, si seulement les autorités nigérianes n’avaient pas agi, comme elles l’ont fait, c’est-à-dire en médecin après la mort. Ce n’est pas la première fois en effet que des affrontements entre musulmans et chrétiens éclatent dans cet Etat. Sa capitale, Jos, a une longue histoire de violences.

Dans ces conditions, on n’organise pas un scrutin électoral comme on organise un dîner-gala. C’est dire que les autorités nigérianes savaient que Jos entrait encore, à travers ces élections, dans une phase délicate de son histoire. Mais qu’ont-elles fait pour parer à tout débordement ? N’eût-il pas fallu mettre l’armée en état d’alerte ? Au lieu de cela, la grande muette n’a pas fait autre chose qu’attendre, pour n’intervenir par la suite que … bien trop tard. Pire, elle n’a pas fait seulement que disperser des manifestants ! L’armée a été autorisée à tirer à vue pour éviter de nouveaux combats dans les faubourgs de Jos, où le couvre-feu a été imposé 24 heures sur 24. En donnant l’ordre de tirer sur toute personne ne respectant pas le couvre-feu, les autorités de Jos se sont rendues complices d’un drame.

Elles auront contribué à alourdir le bilan macabre. Ces rivalités ethnico-religieuses dans l’Etat de Plateau se doublent chroniquement de querelles pour la terre entre agriculteurs et pasteurs. La ville se trouve en effet dans une zone où se télescopent des centaines de groupes ethniques sur une bande de territoire fertile, objet de toutes les convoitises. Toute démarche visant à cicatriser les plaies devrait donc intégrer cette donne. Autrement, l’abcès ne sera jamais totalement crevé. Que des musulmans et chrétiens se disputent la victoire d’une élection locale comme c’est le cas à Jos, est grave. Cela voudrait dire que le Parti de tous les peuples nigérians (ANPP) et le Parti démocratique du peuple (PDP), les deux forces politiques en présence sur le terrain, se sont constitué chacun une identité sur de sombres et dangereuses bases ethnico-religieuses.

C’est dangereux pour la paix sociale, c’est dangereux pour la démocratie. Comment s’étonner, dans ces conditions, que des mosquées soient incendiées et que des églises soient parties en fumée ? Que la foule s’en prenne à des responsables électoraux au motif qu’ils n’arrivaient pas à rendre publics les résultats, est tout aussi grave. Mais il est vrai que tout aurait été peut-être différent si les soupçons de fraudes avaient été vite dissipés. Face au drame, les dirigeants religieux et chefs ethniques locaux ont réagi. Ils ont lancé des appels au calme. Il faut les en féliciter. Mais ils auraient fait un travail remarquable s’ils avaient réussi à sensibiliser leurs fidèles, de sorte que ces derniers ne se laissent pas prendre au jeu des apprentis-sorciers politiciens, et à leur inculquer la notion de tolérance religieuse. Comme quoi Jos n’a pas besoin que d’un couvre-feu. Il a aussi besoin que ses habitants changent dans leurs mentalités. Et sans doute aussi tout le Nigeria.

Par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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