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MARCHES PUBLICS AU BURKINA : Quand l’État coule les entrepreneurs

Publié le vendredi 28 novembre 2008 à 01h03min

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Combien d’entrepreneurs, jeunes et moins jeunes qui ont travaillé avec l’État ont aujourd’hui le bec dans l’eau ? Bien sûr, il n’est pas question ici de cette race de faux entrepreneurs ou simplement d’hommes d’affaires, pompeusement appelés opérateurs économiques qui passent leur temps à voler l’argent public, avec des complicités bien plantées au sommet du pouvoir. Il est question des hommes qui, comme I.K, ont travaillé honnêtement dans une société organisée pour voler et opprimer le faible et le pauvre. "C’est l’Etat qui a organisé la faillite de ma société.

L’État est le plus mauvais payeur qui soit au monde. Pourtant, le même Etat est prompt à vous ravir tout quand on lui est redevable". L’oncle I.K est amer. Il ne cesse de parler en mal de l’État qui est à la base de la fermeture de son entreprise de construction en bâtiment. Pour exécuter des travaux de construction d’un collège avec logements des professeurs dans une province, I.K a hypothéqué une de ses deux cours auprès d’une banque de la place afin de bénéficier d’un prêt pour commencer les travaux en attendant le premier déblocage de fonds que le Trésor devait lui faire.

Ce premier paiement, il ne l’obtiendra qu’au bout de huit mois après mille et une démarches au Trésor et aux Finances. A chacune de ses visites chez le fonctionnaire chargé de son dossier, il doit "laisser tomber". Las d’attendre leurs paies, fatigués des rendez-vous jamais respectés, découragés, les maçons et les ouvriers ont abandonné le chantier. Chaque jour, ils viennent sur le chantier, s’asseyent en groupes, attendent que le "patron" leur parle. Malheureusement, le patron ne pouvait pas leur parler le langage qu’ils souhaitaient entendre.

Il ne dormait presque plus chez lui pour fuir ses fournisseurs. Ses visites sur le chantier étaient devenues très espacées. I.K a usé de corruption. Il a terminé le chantier, mais il est ruiné pour de bon. A la fin, il a été contraint de vendre son matériel pour désintéresser ses employés. L’histoire de I.K est loin d’être isolée. Ils sont nombreux les entrepreneurs qui ont mis la clé sous le paillasson par la faute de l’État : lourdeurs administratives exaspérantes, corruption, chantages de tous genres, etc. Pour exécuter un marché financé par le budget de l’État, il faut avoir les reins solides entend-on dire dans le milieu. Les grands retards que l’État met pour honorer ses engagements a contribué à la fermeture des petites sociétés de construction et prestation de service.

La faillite d’une société de BTB, c’est en quelque sorte, le deuil pour des dizaines de familles. Cependant, tout le monde est d’accord pour dire que le secteur privé est le moteur du développement. Mais comme on l’a vu dans l’exemple de I.K relaté ci-haut, c’est l’État qui, par un comportement négatif est la cause des nombreuses difficultés que les acteurs du privé rencontrent. Parler de la corruption et des autres mauvaises manières de servir qui existent dans certains milieux, c’est chanter leurs louanges. De très mauvaises habitudes y sont nées. Elles sont indéracinables. Dans le domaine des marchés publics surtout, il y a de véritables maffias. Elles sont organisées de telle sorte qu’elles arrivent à vendre les offres des entreprises à leurs concurrentes.

Des responsables se trouvent à la tête de services névralgiques, donc incontournables, et rackettent les entrepreneurs. Pour ce faire, ils bloquent le traitement ou le cheminement normal d’un dossier de déblocage de fonds, jusqu’à ce que son propriétaire "parle un bon langage". Dans ces conditions, il est illusoire d’espérer faire du secteur privé le moteur du développement. Des prédateurs ont vidé le carburant censé faire tourner le moteur. Et comme on est au Burkina, au "Pays des hommes intègres", il n’y a rien, il n’y aura rien. Il faut ajouter, pour que le tableau soit complet, que tous les entrepreneurs ne sont pas logés à la même enseigne quand ils ont de l’argent à toucher au Trésor.

Certains l’obtiennent avec une facilité déconcertante. Il semble exister une politique de deux poids deux mesures. On peut l’expliquer par deux faits : soit ils appartiennent au parti au pouvoir, car dans ce pays, c’est le parti majoritaire qui gère le pays comme il veut ; Il contente ses partisans d’abord, les autres ensuite soit ces commerçants emploient la corruption. Nous avons pris ici l’exemple des entreprises de travaux publics. Mais dans la réalité tous les prestataires de services connaissent les mêmes difficultés avec l’Etat. Une facture qui doit être payée au terme maximum de quatre vingt dix jours est souvent payée une année voire deux années après. Parfois elle est simplement ignorée à jamais.

On comprend d’ailleurs pourquoi les jeunes entrepreneurs ou prestataires de service refusent catégoriquement de travailler avec l’Etat. Les pouvoirs publics, par ces comportements handicapent lourdement l’essor du secteur privé. Rien n’est fait pour l’encourager. Rien n’est fait pour provoquer son épanouissement. Or, tout le monde sait que c’est un grand employeur. Certes, aujourd’hui, beaucoup est fait pour combattre la corruption. Mais elle résiste dans de nombreux services. Les victimes, du fait de leur statut et de leurs activités, n’osent pas en parler. Tous les criminels prospèrent grâce au silence de leurs victimes et de tous. Quelle époque !

"Le Fou"

Le Pays

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