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DEPUTE LAURENT BADO : "Vive les coups d’Etat moralisateurs !"

Publié le jeudi 27 novembre 2008 à 01h03min

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Laurent Bado

Le député Laurent Bado, et on s’en rendra compte dans les lignes qui suivent, a le courage de ses opinions. Dans le point de vue ci-dessous, il dit haut ce que beaucoup pensent bas, à savoir que les coups d’Etat sont parfois inévitables dans certaines situations.

"Si le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise, comme le dit Baudelaire, la Communauté internationale (sobriquet pour désigner l’Occident impérialiste), par bêtise, est en train de bloquer l’évolution politique du continent noir en condamnant systématiquement tout coup d’Etat porté contre un pouvoir soi-disant démocratiquement élu. La vérité est qu’un coup d’Etat peut se justifier pleinement, au regard des conditions d’accession au pouvoir d’une part et au regard des modalités de gestion du pouvoir d’autre part. Les conditions d’accession au pouvoir d’abord.

L’Etat est une société composée d’un grand nombre d’individus qui, vivant sur un même territoire, unissent leurs efforts pour obtenir, sous une direction unique et avec des lois communes, une plus grande prospérité matérielle de tous les membres. C’est dire que nulle société ne saurait exister sans un chef suprême qui imprime à chacun une même impulsion efficace vers un but commun : une autorité est donc nécessaire aux hommes constitués en société pour les régir et cette autorité, placée à la tête de la société, c’est le pouvoir politique. Mais comme nul n’est né pour commander les autres (nemo natus ad imperium), parce que nul n’a en soi ou de soi ce qu’il faut pour enchaîner, par un lien de conscience, le libre vouloir de ses semblables, le régime démocratique impose le consentement du pouvoir par le peuple : c’est le droit de chaque citoyen de participer à la désignation de la personne par qui le pouvoir d’Etat sera exercé dans la société.

Il se trouve qu’en Afrique, contrairement à l’Occident, le citoyen n’est pas libre dans le choix des dirigeants de la société : du fait de son analphabétisme d’abord, non seulement il vote sans discernement ( alors que le fonctionnement d’une saine démocratie exige des citoyens un niveau de culture qui les mette en mesure d’avoir une opinion personnelle !), mais encore, il vote sur ordre ou sous pression, avec l’intrusion de la chefferie coutumière et de l’appareil administratif d’Etat dans l’arène politique ; du fait de sa pauvreté ensuite, il vote pour le plus offrant et dernier enchérisseur, et non pour des idées ( alors que la politique, ce sont les idées !), ce qui, au résultat, donne des élus sans compétence technique ni droiture morale. Et si l’on ajoute à cette absence de liberté du citoyen les fraudes massives organisées pour s’approprier le pouvoir d’Etat, pour s’y éterniser (à la veille des élections, les pièces d’état civil sont fabriquées à la chaîne dans des "tanières" pour permettre le vote plural ou multiple !), on doit se rendre à l’idée qu’un tel pouvoir, "démocratiquement illégal", est un usurpateur à renverser par les armes lorsque les urnes sont ainsi confisquées.

"Les deux justifications des coups d’Etat"

La première justification des coups d’Etat est donc l’accession illégale d’un individu au pouvoir d’Etat, autrement dit, sa conquête du pouvoir par piraterie électorale : si un individu accède au pouvoir par tricherie électorale, s’il s’y maintient par tricherie électorale, méprisant ainsi le peuple et empêchant sa volonté de changement, la fraction armée du peuple a le droit et même le devoir de rétablir la légalité violée : si l’armée du Zimbabwé renversait Mugabé, les Occidentaux seront les premiers à sabler le champagne ! Les modalités de gestion du pouvoir d’Etat ensuite.

Toute l’activité de l’Etat sert à la réalisation durable du bien commun ; ce bien commun est la fin et la règle de l’Etat ; le pouvoir politique n’existe que pour ce bien commun dont il tire sa justification et sa signification. Il en résulte que le pouvoir politique a le devoir de servir les intérêts de tous les citoyens, sans favoritisme à l’égard de tel particulier ou de telle classe de la société ! Dans le cas contraire, il s’expose à la sanction populaire : c’est le droit de chaque citoyen de contester le pouvoir. Il se trouve qu’en Afrique, là encore, le pouvoir est exercé dans l’intérêt d’une famille, d’un groupe, d’un clan, d’une caste, d’où le règne de la corruption, de l’injustice.

On doit encore se rendre à l’idée qu’un tel pouvoir, gérant la société de façon patrimoniale, est un détourneur à renverser par les armes lorsque les urnes n’y peuvent rien. La deuxième justification des coups d’Etat est donc les fins détournées du pouvoir politique : si un individu, parvenu démocratiquement au pouvoir, le gère à des fins personnelles, condamnant le peuple à la misère, la fraction armée du peuple a le droit et même le devoir de mettre fin à la légitimité populaire volée et donc à l’exploitation cruelle de la société. Même l’Eglise catholique se prononce dans ce sens : "Si le dépositaire de l’Etat se rend, par les mesures graves qu’il prend, indigne de la mission que les hommes lui ont confiée, ceux qui l’ont choisi ont le droit de lui donner, par tout moyen légal, un successeur ; s’il s’oppose à l’usage des moyens légaux, il n’est plus qu’un usurpateur ; dès lors, la révolution devient un moyen de légitime défense".

"Non assistance à peuple en danger"

On le voit bien : les Occidentaux s’attaquent toujours à des conséquences et jamais à des causes. Il n’y a plus de coups d’Etat chez eux parce que les élections ne sont pas truquées (un Nixon a été contraint à la démission pour avoir seulement "espionné" le parti adverse !) et parce que tout dirigeant qui se rend coupable de corruption, de détournement, d’ingérence, est traité comme n’importe quel délinquant. Au total, si une armée africaine laisse un individu violer la légalité républicaine et/ou voler la légitimité populaire sans réagir, elle se rend coupable de non assistance à peuple en danger.

La première bêtise des Occidentaux, c’est d’exiger que les Africains réalisent en un demi-siècle ce qu’ils ont réalisé en deux ou trois siècles : de 1789 à 1958, soit en 169 ans, la France, par exemple, a connu une quinzaine de régimes qui se sont "succédé" dans des circonstances exceptionnelles ! En clair, c’est grâce aux bouleversements politiques que gouvernants et gouvernés finissent par acquérir une conscience républicaine garantissant le fonctionnement normal de la démocratie à la source de la stabilité politique. Leur deuxième bêtise, c’est de croire à la valeur du suffrage universel en Afrique majoritairement analphabète et pauvre, alors qu’ils ont pratiqué eux-mêmes le suffrage capacitaire ou le suffrage censitaire jusqu’au milieu du 20e siècle pour exclure les analphabètes et les pauvres des urnes !

Pis, ils ferment les yeux sur les fraudes et autres falsifications électorales en Afrique (bourrage des urnes) qui portent et maintiennent au pouvoir des médiocres, des voleurs et des prédateurs impitoyables dont le peuple cherche par la suite à s’en débarrasser en vain ! Une conclusion s’impose : si l’Occident, alias la Communauté internationale, veut rendre service à l’Afrique, qu’il soit plus regardant sur les processus électoraux (au lieu de se contenter d’envoyer des observateurs qui n’observent que les coups de bâtons ou de feu le jour du scrutin !) et sur la gestion du bien commun.

Quand on pense que le continent africain, immensément riche, a les populations les plus déshéritées de la planète, à telle enseigne que les jeunes fuient leur pays comme une peste pour se réfugier en Europe au péril de leur vie, on doit tirer la conclusion que le mal vient du pouvoir politique africain. Et comme nul ne peut gouverner innocemment, les gouvernants africains doivent répondre devant le peuple, de gré ou de force, un jour ou l’autre : si César a été immolé en plein Sénat sans autres formalités que 18 coups de poignard et sans autre loi que la liberté de Rome, nul ne peut contester à la fraction armée du peuple d’exercer, sur des gouvernants usurpateurs et profiteurs sordides du pouvoir d’Etat, au nom et au compte du peuple bâillonné et désarmé, le droit de Brutus sur César.

J’ai l’intime conviction que si la fraction armée du peuple destituait systématiquement les usurpateurs du pouvoir et autres délinquants à col blanc en vue de restaurer, le plus rapidement possible, la légalité dans la prise du pouvoir et la légitimité dans sa gestion, la moralisation de la vie publique en Afrique serait rapidement et définitivement acquise au profit d’une démocratie gouvernante et non plus gouvernée. Vive les coups d’Etat moralisateurs !"

Député Laurent BADO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2008 à 03:35, par Wend waoga En réponse à : DEPUTE LAURENT BADO : "Vive les coups d’Etat moralisateurs !"

    Sans commentaire !

  • Le 28 novembre 2008 à 04:24, par Zangre Saidou En réponse à : DEPUTE LAURENT BADO : "Vive les coups d’Etat moralisateurs !"

    Merci pour vos bonnes idees.Si nous ne serons pas tres en securite avec l’armee ;le peuple doit prendre conscience de sa propre situation et tracer un avenir radieux pour les generations futures.Norbert Zongo(journaliste d’investigation burkinabe assassine le 13/12/1998)disait :"le pire n’est pas la mechancete des hommes mauvais,mais le silence des hommes bons".La societe civile africaine doit prendre ses responsabilites ;car comme nous disait feu Thomas Sankara president du Faso "chaque peuple merite ses dirigeants".
    Pour terminer,chaque homme ou qu’il se trouve dans la societe repondra de ses actes devant le peuple.Que chacun de nous trouve en ses actes le reflet de l’avenir qu’il trace pour ses enfants.Puisse bon DIeu nous ramener a la repentance du mal et que nous nous engageons pour le bien pour sauver nos propres enfants d’abord et du meme coup l’Afrique de demain.

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