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Arrestation de Rose Kabuye : A manipulation, manipulation et demie

Publié le jeudi 20 novembre 2008 à 01h42min

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Retour à la case départ ? A la veille de son extradition vers la France, Rose Kabuye a bénéficié, la veille de son transfert, d’un témoignage à décharge : le témoin-clé du juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière, celui-là même qui avait lancé, en 2006, des mandats d’arrêt contre neuf Rwandais,

dont Mme Kabuye, tous soupçonnés d’avoir participé, en avril 1994, à l’attentat contre l’avion de l’ancien président rwandais, Juvénal Habyarimana, ce témoin-là vient de souffler un épais brouillard sur le dossier judiciaire.

Depuis la Norvège où il vit depuis, Josué Ruzibiza, ancien soldat de l’armée patriotique rwandaise (APR), commandée jadis par l’actuel homme fort de Kigali, Paul Kagamé, a innocenté Mme Kabuye, extradée hier mercredi 19 novembre 2008 en France.

« Elle n’a jamais eu quelque chose à voir avec ces opérations [l’attentat]. Elle n’y est pour rien », a clamé l’ancien membre de l’APR. Et ce n’est pas tout : dans cette mare à café que constitue cette affaire politico-judiciaire, l’ancien membre de l’APR en rajoute une louche : « J’ai été victime d’une manipulation politique. La liste des accusés ne correspond pas du tout à ce que moi et d’autres aurions dit. Je vois des falsifications de noms ».

Voilà donc le témoin-clé, dont les déclarations avaient permis au juge de dresser sa liste de suspects, qui se désolidarise du magistrat. Pire : il accuse, dans une certaine mesure, l’illustre homme de loi français de déloyauté.

Du pain bénit donc pour la défense de l’ex-patronne du protocole de Paul Kagamé. Le dossier se corse davantage, exhalant rancœurs politiques et mauvaises humeurs diplomatiques entre Kigali et Paris. C’est connu, quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort. Par la fenêtre. Si tant est que ce feuilleton judiciaire se joue dans les eaux saumâtres de la politique, qui de l’Hexagone ou du Pays des milles collines en est le principal scénariste ?

La France, parce que, ayant perdu trois de ses ressortissants alors membres de l’équipage de l’avion détruit lors de l’attentat de 1994, a décidé de poursuivre en justice les auteurs de l’attaque ?

Le Rwanda, qui, par excès de principe de réciprocité, accuse à son tour l’Etat français d’avoir joué un rôle dans le génocide des Tutsis qui a suivi l’assassinat de Juvénal Habyarimana ?

Josué Ruzibiza, qui accuse le juge Bruguière de « manipulations politiques », ne serait-il pas lui-même objet de manipulations politiques de la part de qui on peut imaginer aisément ?

Et si, peut-être, dans cette bataille judiciaire, Paris et Kigali ont opté chacun d’utiliser l’arme non conventionnelle : la politique ? En tous les cas, quelle que soit l’issue de cette affaire, qui s’annonce longue et éprouvante, une odeur fétide en imprégnera le verdict. Mais encore faut-il que le dossier parvienne à suivre tout son cours, même tortueux.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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