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"DEMACKYSATION" AU SENEGAL : Les caprices d’un vieil opposant

Publié le mardi 11 novembre 2008 à 06h32min

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Macky Sall Ce à quoi on s’attendait est arrivé, sans surprise. Il a finalement été débarqué, comme un malpropre, sans ménagement, mais en toute légalité. Les députés sénégalais ont adopté à une large majorité une résolution "mettant fin aux fonctions" du président de l’Assmblée nationale. Impensable il y a un an.

Macky Sall dirigeait alors la campagne présidentielle du candidat Wade. Mais entre- temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et l’homme a fini par trouver...disgrâce auprès du chef de l’Etat. Aujourd’hui, il est lâché par les siens, amis et frères du parti qui l’auront poussé aux oubliettes avec sans doute le secret espoir qu’il y restera. Mais, magnifique Sall ! Car il sort en grand.

Il savait bien qu’on voulait sa tête. Il la livre à ceux qui la lui réclament et a même l’élégance d’offrir ce qu’on ne lui a pas exigé : il démissionne du PDS (Parti démocratique sénégalais) et de toutes ses "fonctions obtenues sous les couleurs du PDS", en l’occurrence son mandat de député-maire de Fatick. Par les temps qui courent, des hommes de cette trempe, on en cherche. Rarement on en trouve. Une éviction de plus, un potentiel opposant en plus ? Si l’on observe la kyrielle de défénestrés du parti de Wade, elle constitue depuis un certain temps déjà une saignée non négligeable de personnalités plus ou moins importantes et on ne manque pas de se demander ce qui reste au parti du Sopi. Mais le Maître lui-même semble n’en avoir cure, préoccupé, à ce qu’il paraît, par un seul souci : celui de préparer le terrain pour son fils, Karim Wade. Mais à la réflexion, lui rend-il vraiment service ?

On peut en douter. Car en démocratie, il est plus qu’impératif de savoir s’impliquer soi-même, se battre à la régulière, à la loyale, ne serait-ce que pour prouver que pour "y arriver" on n’a pas eu besoin de bénéficier d’une quelconque courte échelle ou d’une quelconque faveur paternelle et présidentielle. A titre d’exemple, le fils du président français Nicolas Sarkozy s’est mis dans les rangs, comme tout le monde et s’est battu comme doit le faire un quelconque citoyen, à la régulière. Son élection comme conseiller municipal de Neuilly n’en possède que plus de mérite. Il aurait reçu un coup de "piston" de son président de père, que cela aurait perdu tout panache et toute crédibilité.

A priori, ce n’est pas vraiment la candidature de Karim Wade qui pose problème, mais plutôt l’acharnement que l’on manifeste à lui créer à tout prix un boulevard qui conduit aux marches du palais. On a beau soutenir que tout ce qui se dit à ce sujet n’est que procès d’intention et allégations sans fondement, certaines coïncidences sont troublantes. Idrissa Seck qui ne cachait pas ses ambitions présidentielles a été embastillé à Reubeuss puis écarté politiquement. A Macky Sall que l’on vient de déchoir de son perchoir de l’Assemblée nationale, ses détracteurs reprochaient entre autres de "privilégier sur le territoire national comme à l’étranger, ses activités personnelles au détriment de ses charges républicaines, le tout, à des fins inavouées". Le langage diplomatique cache mal l’accusation, et elle peine à se dissimuler.

On choisirait de suicider politiquement tout potentiel candidat rival de Karim Wade que l’on ne procéderait pas autrement. Alors ? Le fils du président se mettrait en lice en tant que simple citoyen, à la manière de monsieur tout le monde, pour briguer la magistrature suprême, que personne, raisonnablement, n’aurait rien à redire. Mais lorsqu’on donne l’impression qu’on tient à la lui offrir sur un plateau d’argent, en usant de tous les moyens légaux et illégaux, pour effacer tout concurrent possible, on peut avoir à redire. Et avec raison. Malheureusement, pour le cas précis de la destitution de Macky Sall, même le parlement sénégalais semble avoir été instrumentalisé. Et c’est fort regrettable.

On en voulait à la personne de Macky.Le motif ? Presqu’un crime de lèse-majesté, et il le savait bien. Lorsqu’il avait convoqué Karim Wade à l’Assemblée nationale parce qu’il voulait l’entendre sur la gestion des chantiers routiers et hôteliers confiés à l’Anoci (Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence Islamique), la colère qu’il avait provoquée au sein de la majorité était la preuve manifeste qu’il avait signé son arrêt de mort politique. Ses adversaires libéraux devaient se charger de faire le reste, vite et bien. Ils en feront d’ailleurs, avec beaucoup de zèle, une priorité, reléguant tout le reste au second plan. "On va liquider Macky ; ensuite on va s’attaquer à l’affaire Farba Senghor" disait récemment un député de la majorité. L’intention de nuire était on ne peut plus manifeste. La "liquidation" a certes eu lieu. Il reste cependant de légitimes questions que l’on ne manque pas de se poser. Tout d’abord, qu’adviendra-t-il de Macky Sall ?

Créera-t-il un nouveau parti politique ? Fera-t-il alliance avec un parti de l’opposition ? Si oui, quelle opposition ?Le libéral Idrissa Seck est son frère de sang. Seront-ils en mesure, tous les deux, de sublimer certaines divergences sévères les ayant opposés dans un passé relativement récent ? Ceux qui l’ont déchu iront-ils jusqu’à dénicher quelque péché mortel politique pour l’abattre définitivement et le mettre hors d’état de nuire ? Macky Sall lui-même parle d’"inquisition", d’"aversion intense" et de "sacralité de la loi pour servir l’ostracisme". Jusqu’où ira-t-on ? Mais outre le devenir du désormais ex-président de l’Assemblée nationale, c’est l’avenir politique du PDS qui est également en question. Qui y reste ? Qui s’y sent à l’aise, si nul n’est autorisé à afficher une quelconque personnalité (ambition ?) politique ? Ne risque-t-on pas de n’y voir bientôt qu’une assemblée de béni oui-oui qui aquiesce au moindre signe du chef ?

Ou, tout au contraire, la famille libérale ne se dirige-t-elle pas vers les élections à venir, avec une cohorte divisée par des clivages et des scissions de toutes sortes dont la seule caractéristique est de diviser les troupes ? Le président Wade sait que son avenir politique est plus derrière que devant lui. On comprend qu’il se fasse du souci pour le Sénégal qui lui survivra. Mais les méthodes anti-démocratiques employées jusque-là ne présagent rien de rassurant. Le chef de l’Etat d’aujourd’hui a-t-il oublié l’opposant que hier seulement il fut ? Et toutes les revendications qu’au nom du Sopi il clamait pour un Sénégal nouveau ? A supposer que Karim Wade ait un destin politique -cela, personne ne le conteste sérieusement- il serait plus que regrettable que ce destin se fasse au détriment de la légendaire tradition démocratique sénégalaise. Nul n’a le droit de tirer son pays en arrière de cette manière.

"Le Pays"

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