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ENVIRONNEMENT : Lorsque l’eau tue plus que les conflits armés dans le monde

Publié le jeudi 6 novembre 2008 à 03h12min

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"L’eau pour tous" est devenu un concept fortement ancré dans notre langage quotidien et universellement partagé. Cependant, la réalité est tout autre. « L’eau pour tous » : est-ce une expression, une formule ou un slogan ? Est-ce une réalité ou un rêve ? Est-ce possible ? Se sont là autant de questions qui préoccupent tous ceux qui aujourd’hui se penchent sur la problématique de l’eau dans le monde.

Si la question de l’eau potable pour tous est constamment posée, c’est parce que cette denrée est souvent à l’origine de conflits parfois armés et violents entre des communautés ou des Etats. Deux sons de cloche viennent des experts. Pour certains, l’eau est une denrée rare. Pour d’autres elle est une ressource abondante, seulement y accéder reste problématique. Selon les chiffres de plusieurs institutions qui oeuvrent dans ce secteur, l’eau douce compte pour seulement 2,5% sur toute l’eau de notre globe.

L’eau retenue dans les glaciers, notamment l’Antarctique avec ses gigantesques blocs de glace représente les 2 tiers. Seulement 30% reste dans les fleuves, lacs, réservoirs et les eaux profondes. Seulement 1% de l’eau douce est actuellement disponible et utilisable. Cela représente environ 300 000 km2. « La réalité c’est que l’eau n’est pas toujours là où on a le plus besoin. Quand on en a besoin et en quantité suffisante » soutient Loïc Fauchon, président du conseil mondial de l’eau. Les ressources d’eau dans la région méditerranéenne et le proche orient révèlent bien cette disparité.

L’accès à l’eau varie entre 40 et 400 litres par jour et par habitant. Autre constat, un « triangle de la soif » qui part de Gibraltar à la corne de l’Afrique, jusqu’au Pakistan et qui concerne plus d’un demi milliard de personnes. Selon les statistiques internationales, les ressources en eau sont en constante diminution au niveau mondial. En 1970, le monde disposait de 12900 m3 par personne et par an. Cette quantité a chuté à 6 800 m3 par personne et par an en 2000. Pour 2025 la prévision est de 5000 m3. La destruction des ressources naturelles progresse, détruisant la capacité de l’écosystème de répondre à la demande des générations futures.

Les observations climatiques récentes montrent une accentuation des extrêmes avec non seulement des sécheresses de plus en plus longues et dramatiques, mais aussi avec des inondations catastrophiques qui détruisent les cultures et les cités. Et cette situation qui relève des activités de l’homme est devenue le premier ennemi de l’eau depuis les grandes avancées du progrès : pollution marine, déchets agricoles et industriels, manque de traitement de l’eau dans les mégapoles, dégradation et salinisation du sol, déforestation incontrôlée, dessèchement des lacs, pollution des nappes phréatiques, etc.

La moitié des grands fleuves du monde sont aujourd’hui considérés comme sérieusement pollués ou en voie de desséchement, des zones humides écologiquement riches ont disparu durant le 20e siècle et les conséquences se ressentent sur l’agriculture. Dans la plaine dans la région de Pékin, en Chine, qui fait pousser 40% des plantes alimentaires du pays, la nappe phréatique diminue de 1,6 m chaque année. Il y a également l’épineuse question de la relation entre l’eau et la démographie. La croissance de la population du globe, plus d’un milliard tous les 10 ans, pose le problème de terre et de l’eau. Cela a pour effet l’expansion des mégas cités à travers le monde, les mauvaises conditions sanitaires et le manque de bon système de santé pour la population pauvre de ces cités.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les maladies liées à l’eau tuent 25 000 personnes chaque jour. Choléra, trachome, malaria, amibiase, onchocercose, poliomyélite, fièvre jaune, etc. La raison : l’accès à l’eau n’est pas égal pour tous. Seulement un quart de la population mondiale est favorisé, celle habitant les pays développés, mais aussi une minorité de riches dans les pays sous-développés. Par ailleurs, les trois quarts de personnes qui vivent avec moins de 2 dollars par jour, plus de trois milliards, sont affectés par la mauvaise qualité de l’environnement.

Pas d’eau potable, l’air pollué, système sanitaire déplorable, etc. Cette population est deux fois plus vulnérable aux catastrophes environnementales comme les inondations, les cyclones, les tremblements de terre, les sécheresses, l’insécurité, les guerres civiles et les conflits armés. Le Conseil mondial de l’eau avec d’autres groupes d’experts constatent que « le manque d’eau va avec la pauvreté et l’insécurité » et prédisent même que l’eau sera à l’origine des conflits armés au 21e siècle.

Deux tiers des principaux fleuves mondiaux traversent plusieurs pays et 263 bassins dans le monde sont transfrontaliers. Aaron Wolf, un des grands experts américains sur cette question note que "l’appropriation de l’eau" n’a jamais autant causé de guerres que ces dernières années. Sur 1831 conflits transfrontaliers au sujet de l’eau, depuis 1950, 1228 se sont conclus par un accord de coopération ; 507 ont donné lieu à des conflits ; 21 ont donné lieu à des affrontements militaires et 18 ont concerné Israël et ses voisins. C’est l’agriculture qui est le plus souvent pointé du doigt mais il y a aussi la pression qui vient des nouvelles demandes des cités.

Cette opposition entre ville et milieu rural est très visible aux États-Unis, notamment en Californie et dans le Nevada. En Espagne à travers le plan national hydraulique. En France avec les producteurs de maïs. Des contestations violentes ont eu lieu en Inde et des manifestations au Pakistan. Aux dires de Fauchon « la plupart des conflits ne sont pas dus au manque d’eau mais plutôt à sa mauvaise gestion : manque d’institutions de gestion adéquates, de transparence et la corruption. » La solution passe une meilleure gestion et moins de gaspillage de l’eau.

Cela signifie de réduire les pertes dues à l’agriculture et la gestion dans les grandes villes. Pour cela, il faut admettre que l’eau est une ressource limitée. Consommer moins entraîne un changement de comportement qui doit être soutenu par un apport technologique aujourd’hui à portée de main. C’est par exemple le cas de la désalinisation et le traitement des eaux usées. Cela passe aussi par la discussion et la concertation sur l’utilisation des profondes nappes souterraines comme cela se fait actuellement en Égypte et en Libye.

Il y a également le transport de l’eau sur de longues distances, l’aménagement des fleuves. Il faudrait certains outils pour cela : des textes réglementaires consensuels, des constructions pour retenir l’eau partout où cela est possible, la décentralisation dans la gestion de l’eau au niveau local, revoir la relation entre l’eau et les populations car l’usage excessif de l’eau dans certaines parties du monde crée des manques dans les autres parties et engendre de conflits. En 2004, le manque d’eau ou sa mauvaise qualité a fait plus de morts que l’ensemble des conflits armés dans le monde.

Moussa SAWADOGO (Bruxelles) elmous@yahoo.fr

Le Pays

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