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Les « révélations » de Prince Johnson sur RFI : Ou comment mouiller le président Blaise Compaoré

Publié le lundi 3 novembre 2008 à 09h41min

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C’est devenu un rituel. A chaque 15 octobre, il faut s’attendre à de nouvelles révélations sur la mort de Thomas Sankara. L’exploitation médiatique bridée de cet événement contre le régime du président Compaoré est comme les tonneaux de Danaïde de la mythologie grecque. Elle est à fond perdu, jamais comblé par des « aveux », « témoignages », « récits » et autres « révélations » surprenants d’une année sur l’autre. La dernière livraison dans le genre nous vient d’un certain Prince Johnson.

L’abus nuit en toute chose. L’acharnement à laver à grande eau de sanctification le défunt président du défunt Conseil national de la Révolution pour mieux diaboliser le président Blaise Compaoré est véritablement une fixation politique dont les enjeux transcendent le cadre national. En effet, le leadership régional et africain d’un Burkina politiquement stable et économiquement émergent, dérange dans certains milieux sur le continent et ailleurs dans le monde. Ceux pour qui Blaise Compaoré n’est qu’ « un assassin », souffrent de sa force tranquille d’homme d’Etat respectable et respecté plus qu’aucun chef d’Etat de ce pays ne l’a été auparavant. Alors comment déstabiliser l’homme et le pays qu’il dirige ? Ses contempteurs ont beau fureter partout, il leur manque le talon d’Achille de la vulnérabilité de son leadership. D’où le goujat de l’instrumentalisation perpétuelle des situations tragiques vécues par le Burkina le 15 octobre 1987 et le 13 décembre 1998.

C’est connu, pour tous les cercles hostiles au régime du président Blaise Compaoré, ces anniversaires seront toujours une opportunité de communication dolosive avec un fort relent de manipulation de la vérité historique. C’est dans cet appendice qu’il faut refouler les dernières déjections d’un certain Prince Johnson diffusées à répétition sur une radio internationale qui ne dit pas son nom. Ce qui choque, c’est moins les contre-vérités évidentes distillées par le barbouze libérien que l’empressement de cette radio à leur donner un si large écho. De là à croire que le venin d’un lobbyisme corrosif débride le professionnalisme journalistique au bord de la Seine, il y a un pas vite franchi. Le bon exemple ne vient pas toujours de là où on l’attend le plus. Et c’est dommage ! Mais pour rester sur les déclarations du sieur Prince Johnson on fera remarquer ce qui suit : Sur le plan de la forme. Primo, elles ont été publiées deux semaines à peine après la célébration du 21e anniversaire de la mort du président Thomas Sankara. A cette occasion, les partis qui se réclament de ses idées au Burkina n’ont pas mobilisé grand monde comparé aux années précédentes. Et pour cause.

Les partisans du président Compaoré longtemps timorés, voire aphones à l’occasion de cet anniversaire sont sortis de leur torpeur en 2007 et font fortement entendre leur part de vérité sur ces tristes événements. Et à la vérité, l’héroïsme, le patriotisme, l’intégrité, ne sont le monopole d’aucune idole, morte ou vivante. Les nouvelles générations burkinabè de plus en plus informées sur la portée de la Rectification de la révolution, le 15 octobre 1987, sont de moins en moins crédules. C’est l’une des raisons qui expliquent que les partis sankaristes peinent à les mobiliser. Mieux ou pire, c’est selon, leur incapacité à conceptualiser l’idéal sankariste en projet politique cohérent, continue de les diviser et à réduire leur base électorale. Devant ces faiblesses structurelle, organisationnelle et idéologique du sankarisme à l’intérieur du Burkina, des relais extérieurs jouent à fond la caisse du sponsoring, dont celui médiatique. Dans ce contexte, les « révélations » du corsaire libérien sont une amplification calculée, une spatule d’agitation de l’opinion publique dans l’attente d’une autre date anniversaire tristement célèbre, le 13 décembre.

Secundo, les déclarations de l’assassin du président Samuel Doe sur la disparition de Thomas Sankara ont été diffusées le jour où le président Blaise Compaoré devait présenter le rapport du Burkina au sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement tenu à Cotonou sur le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs. Simple coïncidence ? Certainement pas, quand on sait qu’à ce forum il fallait jauger le Burkina sur sa gouvernance politique, démocratique, économique et financière. Mine de rien, c’est toute la dynamique de réformes, les acquis de la stabilité institutionnelle, des progrès socio- économiques du Burkina sous l’ère de la IVe République que les Chefs d’Etat et de gouvernement africains devraient évaluer.

Le rapport du Burkina a été validé avec des suggestions de renforcement de l’alphabétisation et de la représentation des femmes dans les sphères de décision. L’adoption de ce rapport par les chefs d’Etat réunis à Cotonou est un événement important sur les mérites du processus démocratique initié après la chute de Thomas Sankara. Pour éclipser cette bonne nouvelle dans l’opinion nationale et internationale, les « vérités » toxiques du Verrès libérien sont « dégoulinées » depuis les bords de la Seine. Prince Johnson dans son témoignage au procès de Charles Taylor et dans ses dernières déclarations à la presse a dit ce qu’on lui a dit de dire et tant pis pour la vérité judiciaire et historique. Tertio, on peut faire un lien entre le témoignage de Prince Johnson et sa dernière sortie médiatique. On le sait, Charles Taylor fut soutenu au début de son combat contre la dictature de Samuel Doe, par le Burkina.

Pour ce soutien aussi temporaire fut-il, les adversaires politiques de Blaise Compaoré pour ne pas dire plus, auraient souhaité le voir à côté de l’ancien président libérien dans le box des accusés. On oublie deux choses. Premièrement, le Burkina s’est publiquement démarqué de l’homme quand il s’est lui-même mué en dictateur et deuxièmement ce procès porte sur les crimes atroces de ses troupes en Sierra Leone. Et sur ces faits, difficile d’y trouver les traces du Burkina. A défaut donc d’une inculpation en bonne et due forme contre le président du Faso dans ce procès, des milieux qui lui sont très hostiles utilisent des témoins de l’acabit de Prince Johnson pour espérer l’éclabousser.

Dans le fond, les déclarations de Prince Johnson sont une affabulation mal conçue, mal agencée. D’un, n’importe quelle enquête crédible révélera que l’homme n’a jamais reçu une formation militaire au Burkina. Surtout pas au centre d’entrainement commando de Pô. Tout au plus une autorité militaire digne de foi reconnaît qu’à l’époque il aurait pu transiter au Burkina en direction de la Libye. Pas plus. De deux, n’importe quelle enquête crédible prouvera que Prince Johnson, ni aucun de ses hommes de main n’étaient sur le sol burkinabè en octobre 1987.

Les autorités actuelles n’ont connu ce rebelle que quand sa dissidence avec Charles Taylor fut consommée. Par conséquent ses liens présupposés avec Blaise Compaoré en 1987 n’ont pas existé et ne pouvaient exister au point que des hommes à lui soient mandatés pour assassiner Thomas Sankara. De trois, tous les observateurs avertis de la scène politique burkinabè savent à quel point Thomas Sankara était isolé politiquement et militairement avant sa chute. Sur ce dernier point, faut-il rappeler que Blaise Compaoré en sa qualité de commandant de la 5e région militaire avait les garnisons de Ouagadougou sous son commandement y compris celle des troupes d’élite formées par lui à Pô et en charge de la sécurité au Conseil de l’entente ! A l’évidence, il avait suffisamment de soldats burkinabè sous son autorité pour ne pas avoir besoin de mercenaires venus du lointain Libéria au moment décisif. Du reste, pour réduire les velléités oppositionnelles à la Rectification du capitaine Boukary Kaboré à Koudougou, la maitrise de l’armée nationale par Blaise Compaoré s’est vue au grand jour.

A moins que Prince Johnson et compagnies nous disent que c’est encore eux qui ont forcé Boukary Kaboré dit le lion à fuir au Ghana. On attend de voir. Au total, il faut le dire clairement, devant le Tribunal pénal international, Prince Johnson a été un témoin formaté et pour la presse un épouvantail agité par des lobbies anti Blaise Compaoré dans un double objectif : le mouiller dans le procès Charles Taylor, entacher sa réputation et son leadership de plus en plus établis au plan national, africain et mondial. Mais la mayonnaise ne prend pas quand on veut la faire avec des œufs avariés. L’étrange mixture indisposera tout au plus par ses effluves nauséabonds. Prince Johnson, ses commanditaires et… RFI ne font pas mieux.

Zéphirin KPODA


Qui est Prince Yormie Johnson ?

Ce quinquagénaire bien sonné a été l’un des seigneurs de guerre des plus sanguinaires que le Libéria ait connu durant ses 15 années de guerre civile (1989- 1990). Aide de camp d’un général de l’armée libérienne exécuté sur ordre de l’ancien président Samuel Doe pour tentative présumé de coup d’état, il quitte le Libéria pour n’y revenir qu’une fois les hostilités déclenchées par Charles Taylor et son National Patriotic Front of Liberia (N P F L). Mégalomane, ambitieux et indiscipliné, sa rupture avec Charles Taylor intervint très rapidement et il crée son propre mouvement rebelle, l’Indépendant National Patriotic Front of Libéria (INPFL). Prince Johnson n’a cependant pas un discours politique cohérent. Ce qui le préoccupe c’est la chute de Samuel Doe et le butin de guerre qu’il amasse. Il combat à la fois et les troupes de Samuel Doe et celles de Charles Taylor.

Il s’illustre alors comme tortionnaire à la cruauté moyenâgeuse et se fait connaître par le monde entier par l’enlèvement, la torture et le meurtre de l’ancien président libérien Samuel Doe en 1990. Un épisode sanglant filmé en vidéo où on le voit assister au spectacle de ses hommes coupant l’oreille du président Doe a fait le tour du monde. Mais se sont les troupes de Charles Taylor qui auront le dessus dans la conquête de la capitale Monrovia. Prince Johnson s’exile alors au Nigéria où il séjournera pendant plus de 10 ans avant de revenir dans son pays en Mars 2004. Il se présente aujourd’hui comme un chrétien évangélique mais reste plutôt un homme douteux avec des relents politiques parce qu’il se croit un destin national à la limite du messianisme.

Dans cette perspective et pour lifter quelque peu son image pour le moins rugueuse aux yeux des Libériens et de la communauté internationale, il a clamé devant la commission Vérité, Justice et Réconciliation du pays que « le président Samuel Doe s’était suicidé sous notre garde…Nous regrettons l’incident, ce n’était pas notre intention de le tuer. Ce n’était jamais notre intention et nous nous excusons pour cela ». Admirons la forêt de contradiction dans ces trois petites phrases ! Alors, chers confrères de Rfi, vous qui croyez au pasteur Prince Johnson, dites nous, Samuel Doe s’est-il suicidé ou a-t-il été tué par les hommes de votre diseur de vérité, faiseur de scoop exclusif. Pourquoi n’aviez vous pas diffusé en son temps les révélations de Prince Johnson sur la mort de Samuel Doe ?

Z. K

L’Hebdo

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