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A quelques encablures de son 30ème anniversaire, RFI change de patron

Publié le mercredi 30 juin 2004 à 09h49min

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C’est fait. Pour cinq ans. Et sans grande surprise. Antoine Schwarz vient d’être nommé membre du conseil d’administration de Radio France Internationale (RFI), en qualité de représentant de l’Etat au titre du Premier ministre. Ce qui l’a propulsé aussitôt, le mercredi 2 juin 2004, au fauteuil de PDG de RFI. Il Y remplace Jean-Paul Cluzel qui a été nommé à la tête de Radio France.

Bientôt 61 ans (il est né en août 1943), licencié en droit, lEP-Paris, ancien élève de l’Ena, Schwarz a, jusqu’à présent, mené une carrière discrète essentiellement (et tout particulièrement au cours des vingt dernières années) dans le secteur de l’audiovisuel public.

Après un passage par les cabinets ministériels (il a été chargé de mission au service juridique et technique de l’information du Premier ministre, Raymond Barre, en 1976-1978), il sera directeur de Radio Monte-Carlo puis des Editions mondiales (1982-mars 1984) avant d’être nommé conseiller du Centre national de la cinématographie (CNC), PDG de la Société financière de radiodiffusion (Sofirad), qui gère les participations de l’Etat français dans l’audiovisuel extérieur (1986-juillet 1989), président de Sofica-Valor, gérant d’Asmedia et PDG de SFP Production et de SFP Cinéma, filiales du groupe SFP (1994-1998).

Depuis 2000, il présidait la société de conseil Sportotal dont il est le créateur. C’est dire que Schwarz n’est ni un jeune homme (c’est le plus âgé des patrons de RFI au moment de sa nomination), ni un homme neuf !

Schwarz hérite d’une maison plutôt en bonne santé. RFI n’est jamais une affaire facile à gérer. Plus qu’aucune autre station de radio, c’est une somme de petites féodalités dont les rapports sont trop souvent dominés par la mesquinerie. Mais il faut reconnaître que la dernière équipe dirigeante a su bousculer les mauvaises habitudes pour en faire une radio d’information internationale et pas seulement une radio folklorique. L’équipe journalistique a d’ailleurs payé cher son souci d’informer, et d’informer en toute indépendance : expulsion de la correspondante à Dakar et, surtout, assassinat à Abidjan de Jean Hélène.

Différente et quelque peu marginale, RFI est, à juste titre, jalouse de son indépendance. Et c’est là que le bât blesse. Cluzel pourrait être tenté, fortement, connaissant mieux que quiconque la maison, d’exercer sa tutelle sur RFI jusqu’à en faire un département international de Radio France en la recentrant sur l’Europe élargie (alors, il faut bien le reconnaître, que RFI a plutôt des tendances exotiques et, surtout, africaines ; les plus réfractaires l’appelaient autrefois "Radio Bamboula "). Mais si l’Afrique colle à l’image de la station, c’est qu’elle est née francophone et africaine. Et que bon nombre de ses patrons ont été des "africanistes" et, quand ils ne l’étaient pas, se sont laissés prendre à la magie de l’Afrique.

Le 20 janvier 2005, RFI aura trente ans. La "Radio mondiale" est née sur les ruines de l’ORTF démantelée le 8 août 1974. Et c’est Jacqueline Baudrier (cf LDD France 014/Vendredi 30 novembre 2001), présidente de Radio France, qui va porter RFI sur les fonds baptismaux. Baudrier, dont De Gaulle disait qu’elle était "excellente" pour la "propagande à l’ORTF", était une amie de Foccart. Son second mari, récemment décédé, était Roger Perriard, conseiller de Houphouët-Boigny et Bédié à Abidjan. RFI avait vocation à regrouper les émissions vers l’étranger. Mais les émissions en langue étrangère vont tomber à la trappe et RFI deviendra "tout Afrique". C’est l’étranger. C’est francophone. Et la clientèle y était captive !

En 1975, c’est Albert Ayard qui dirige RFI ; il est assisté de Claude Ernoult. Quand la gauche va arriver au pouvoir, au printemps 1981, la rédaction va exiger de n’être plus aux ordres. Michèle Cotta, qui va remplacer Jacqueline Baudrier à la tête de Radio France, tentera de sauver Aycard. En vain. Il faudra une médiation pour organiser la succession. Claude Wauthier, rédacteur en chef à l’AFP, et Hervé Bourges, coordinateur du service de l’information de l’Unesco (dont le directeur général est alors Amadou Mohtar M’Bow), sont candidats.

Bourges va l’emporter. C’est un "tiers-mondiste" (selon l’étiquette de l’époque) quelque peu gauchiste. Il a été journaliste et a créé l’école de journalisme de Yaoundé. C’est aussi un activiste qui, en bon gauchiste, n’a pas d’autre ligne politique que sa... politique personnelle (cf LDD Algérie 02/Mardi 12 novembre 2002).

Mais il ne manque pas de charme ; ni de talent et de capacité d’innovation. Il fera de RFI une vraie radio internationale et l’outil de sa promotion personnelle. Il n’était, à l’origine, que le directeur de RFI ; il en deviendra le directeur général échouant dans sa volonté d’être PDG (Cotta se réservera le poste en tant que patronne de Radio France et il faudra attendre 1986 pour que le poste de président de RFI soit créé). Bourges s’en moque. Le 15 juillet 1983, il est nommé PDG de TF 1. C’est le début d’une riche carrière dans l’audiovisuel : Canal Plus Afrique, RMC, Sofirad, A2-FR3, etc...

Bourges va quitter RFI quand Jean-Noël Jeanneney prend la présidence de Radio France. Jeanneney nommera à la direction générale de RFI Fouad Benhalla, ami et collaborateur de Bourges ; il était directeur de l’information et des programmes. Il poursuivra la politique de développement lancée par Bourges qui aboutira, le 30 septembre 1986, à l’adoption de la loi réformant RFI. Qui devient une société indépendante. Mais Benhalla est alors écarté de sa direction au profit de Henri Tézenas du Montcel (cf LDD France 0113/Mardi 10 décembre 2002) qui va être le premier PDG de RFI.

Du Montcel est agrégé en sciences économiques ; il a présidé l’université Dauphine. Son expérience en matière d’information et de radio est quasiment nulle (il a assuré, quelques mois, la rédaction en chef du supplément économique de L’Express). Mais il a des ambitions pour RFI. Dans la zone Asie-Pacifique qui est alors très "tendance". Il veut aussi accéder à la bande FM. Il va s’atteler à la mise en place du "second plan de développement de RFI". Il n’aura pas le temps de le mettre en oeuvre. Son mandat expire le 16 novembre 1989. Il n’est pas renouvelé. Il est remplacé par André Larquié.

Larquié est un IEP-Paris + Ena. Administrateur civil, il a mené l’essentiel de sa carrière dans le secteur culturel. Il a été, notamment, président du conseil d’administration du Théâtre national de l’Opéra de Paris. Quand il sera appelé à la présidence de RFI, il occupe le poste de conseiller technique au cabinet du Premier ministre, Michel Rocard ; il y est chargé des dossiers de la culture et de la communication.

Notons qu’il a vécu dix-huit mois au Niger, pays pour lequel il a une passion particulière, et qu’il connaît l’Afrique de l’Ouest. Ce n’est pas un technicien mais un politique. Il fera de la station "La Radio mondiale ", mettra en place le premier contrat d’objectif fixant jusqu’en 1995 le cadre de développement de la station, obtiendra la bande FM. Avec lui, RFI changera de physionomie. D’autant plus que l’Afrique, dans le même temps, découvre la démocratie et exige une information vraie. La chute du mur de Berlin et l’éclatement de l’empire soviétique lui ouvrent de nouvelles perspectives.

Larquié avait mis l’accent sur l’extension des réseaux. Son successeur, Jean-Paul Cluzel donnera la priorité au reformatage des programmes (il va faire de RFI une radio d’information en continu). Cluzel a été nommé en 1995 alors qu’il était directeur général de l’Opéra de Paris. lEP-Paris, Ena, Master of arts (université de Chicago), inspecteur des finances, il appartiendra aux cabinets des ministres des Affaires étrangères (1979-1981 et 1986-1988) et sera conseiller financier pour l’Afrique à la direction du Trésor (1982-1984).

Premier patron de RFI promu patron de Radio France, il souhaite plus de synergie que de rivalités entre les deux radios. Le profil de son successeur laisse penser que l’indépendance de RFI pourrait être remise en question, l’autonomie lui étant alors concédée dans un cadre audiovisuel extérieur plus vaste.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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