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Identification des cellulaires : Le bogue du 31 octobre n’a pas eu lieu

Publié le lundi 3 novembre 2008 à 01h43min

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L’Autorité nationale de régulation des télécommunications (ARTEL) a recommandé aux opérateurs de téléphonie mobile de procéder à l’identification de tous leurs clients n’ayant pas de fiches d’abonnement. Mise en demeure assortie d’un délais (31 octobre) au-delà duquel les abonnés « fantômes » verront leurs puces désactivées. Deux jours après la date butoir, le bogue tant redouté n’a pas eu lieu. Pourquoi ?

Les abonnés fantômes ont toujours accès aux réseaux. Deux jours après l’expiration de l’ultimatum lancé par l’Autorité nationale de régulation des télécommunications (ARTEL), les utilisateurs non identifiés de la téléphonie mobile voguent toujours sur l’onde. Le bogue du 31 octobre n’a pas eu lieu.

Contrairement en Algérie, où au terme d’une opération similaire, plus de 2,5 millions de puces ont été désactivées le 20 octobre, dernier délai pour l’opération de régularisation. Léger sursis accordé aux retardataires ou aux réfractaires, comme il en existe, à l’opération d’identification ? « On ne peut pas dès le premier jour de la fin du délai faire désactiver les cartes SIM des abonnés qui ne sont pas en règle vis-à-vis de la recommandation. Mais lundi [aujourd’hui], nous ferons le point de l’opération ». Explications, hier au téléphone portable, du DG de l’ARTEL, Eléazar Lankoandé. Derrière le ton toujours aussi calme, se cache une fermeté dans les propos : « Les opérateurs nous ont adressé le 30 octobre dernier [veille du délai] une demande de prolongation. Nous allons y réfléchir. Mais ce qui est sûr, nous restons sur notre position initiale. Même si on donne 12 ans, les gens vont toujours traîner le pas ».

S’appuyant, d’une part sur les difficultés rencontrées par des abonnés des localités situées loin des centres-villes, et, d’autre part sur le fait qu’à la dernière minute nombre de clients n’ont pu se faire identifier à cause de la très grande affluence, les opérateurs de téléphonie mobile ont sollicité une prorogation d’un an.

A l’origine de ce qui se profile comme un round d’intenses négociations entre l’ARTEL et les autres acteurs des télécommunications, une recommandation de l’organe de régulation. En effet, celui-ci a appelé les trois sociétés qui se partagent le réseau national à assainir leurs fichiers. C’est-à-dire à procéder à l’identification des puces anonymes. Sur les ondes, dans les journaux, par SMS, les détenteurs de cartes SIM sans fiches d’abonnement sont invités à passer auprès de leurs fournisseurs d’ondes respectifs pour se faire identifier.

Des appels parfois intempestifs au point de provoquer le courroux de certains interlocuteurs. Comme ce fut le cas chez cet abonné régulier détenteur du N° 78 21 29 55. Alors qu’il est dûment enregistré sur le fichier de l’opérateur, il a reçu un coup de fil lui intimant l’ordre de décliner illico presto son identité. A peine a-t-il commencé à s’expliquer qu’un « je m’en fou » retentit de son appareil.

La campagne se déroule du 1er au 31 octobre 2008, délai de rigueur. Passé cette échéance, les contrevenants seront purement et simplement mis en quarantaine. Cette menace de désactivation des puces anonymes est prise au sérieux. A quelque une semaine de l’ultimatum, un rush à TELECEL Faso. Photocopie de la pièce d’identité en main, des usagers du prépayé s’agglutinent autour des guichets spécialement montés pour l’opération.

L’identification est gratuite, sa procédure très allégée, il n’empêche, elle n’est pas du goût de tous : « Ce sont les sociétés de téléphonie mobile elles-mêmes qui sont à l’origine de cette détention irrégulière de puces. Tous ceux qui n’ont pas de fiches d’abonnement ont acheté leurs puces avec les vendeurs ambulants avec lesquels travaillent les opérateurs », se plaint Harouna Guitti, brave instituteur de brousse, comme il se présente lui-même.

Grief reconnu quelques instants avant dans un des bureaux du deuxième étage de l’agence : « L’objectif de toute société, c’est de réaliser des profits. Guidés donc par ce but, nous n’avons pris toutes les dispositions relatives à l’identification de nos clients. C’est une erreur de notre part, nous le reconnaissons », confesse la directrice du service commercial et marketing de TELECEL Faso, Mme Aminata Kyeleme. Mais qu’en pensent les responsables des deux autres opérateurs de téléphonie mobile ? Mystère et boule de gomme. Notre demande d’entretien sur l’opération de régularisation est restée sans suite du côté de la société Zain.

Quant à TELMOB, son directeur de service avec lequel rendez-vous avait été pris (bien avant la grève), n’a plus daigné répondre à nos multiples appels. Mais pour le patron de l’ARTEL, la responsabilité est partagée entre clients et sociétés. « Les gens ont voulu des facilités dans l’obtention des puces. Les acteurs ont voulu avoir, chacun, le maximum d’abonnés. Le résultat est là. Maintenant, il faut assainir la situation. Il y va de l’intérêt de tous », tranche M. Lankoandé (lire encadré).

Si pour les garants de la saine concurrence dans le secteurs des télécom. l’identification répond au seul besoin de l’utilisation en toute confiance des TIC, adjuvants nécessaires à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), du côté de certains usagers, l’objectif non avoué de l’opération est la constitution d’un fichier complet de police : « C’est malgré moi que je suis venu me faire enregistrer. Parce que tout ça, c’est pour permettre à la gendarmerie et à la police de mieux nous suivre.

C’est tout », bougonne, la mine mauvaise, Amado Koanda, petit commerçant au bord du marché central, Rood Woko. Sur cette inquiétude partagée par nombre d’utilisateurs du portable, la directrice du service commercial de TELECEL Faso nuance : « C’est vrai que nous travaillons avec la gendarmerie et la police, mais jamais nous ne mettons les gens sous écoute » ; le DG de l’ARTEL rassure : « Nous sommes dans un pays démocratique. Il y a une loi qui protège la confidentialité et la vie privée des gens. Sur le plan purement technique, quand vous communiquez, les technologies cryptent ce que vous dites. Entre deux terminaux, il y a une clé qui est utilisée. Si fait que quand quelqu’un intercepte votre communication, il ne pourra pas la comprendre, parce qu’il ne dispose pas de la clé pour décrypter ».

Si chez les opérateurs la mesure de régularisation a été favorablement accueillie, comme on le clame à TELECEL Faso, chez les revendeurs par contre, elle augure une période de vache maigre. Depuis l’annonce de la recommandation, la vente de puces, même au niveau de ceux qui disposent désormais de fiches d’abonnement, a chuté. Et certains avancent l’idée de complot contre un maillon de la chaîne de distribution des produits de téléphonie : « Avant, je vendais à peu près 5 puces par jour.

Mais depuis qu’ils ont commencé cette affaire-là [l’opération d’identification], je n’en ai vendu qu’une. Les gens se méfient désormais de nous. On ne nous a pas interdit la vente. On nous a dit qu’à partir de maintenant, on doit relever l’identité de l’acheteur », déplore Delmas Worobou, kits de cartes SIM entre les mains. Puis de confier : « Ils disent qu’ils vont couper les gens, mais c’est faux. Vous voilà, me voilà ». Nous étions le vendredi 31 octobre, à quelques heures de l’expiration de l’ultimatum. Le lendemain, de désactivation, il n’en sera point. Refus d’obtempérer de la part des opérateurs ? Du côté de TELECEL en tout cas, le passage à la mise hors de service des puces anonymes se fera avec la mort dans l’âme : « Aujourd’hui, bon gré mal gré, TELECEL ne peut pas désactiver la puce de ces abonnés. Le faire, c’est cumuler un manque à gagner. S’il faut en arriver à ça, il faut que l’ARTEL nous donne expressément l’ordre. On s’exécutera malgré nous ».

Réticence du chargé des opérations de TELECEL, Abdoulaye Sana. Quand on sait que l’organe de régulation, par la voix de son premier responsable, dit ne pas reculer d’un iota sur son injonction, et brandit, à l’occasion, des sanctions contre tout contrevenant à l’opération de désactivation, c’est dire qu’entre l’ARTEL et les services de téléphonie mobile, la communication va se brouiller.

Alain Saint Robespierre


DG/ARTEL, Eléazar Lankoandé « Le nombre d’abonnés prépayés représente 98% du parc »

Le directeur général de l’Autorité nationale de régulation des télécommunications (ARTEL), Eléazar Lankoandé, précise, ici, les enjeux de l’identification. L’entretien dont nous vous proposons l’extrait a eu lieu au début du mois d’octobre, c’est-à-dire, quelques jours après le démarrage de l’opération d’identification.

Pourquoi cette opération d’identification ?

Il faut d’abord signaler que l’opération ne vise pas l’interdiction de l’usage des numéros masqués. La situation actuelle est qu’on constate une proportion très élevée de puces fonctionnelles mais dont on ignore l’identité des détenteurs. Cela entraîne des difficultés pour certains services comme les brigades de recherche de pouvoir mener leurs investigations.

L’identification ne signifie pas non plus localisation. Il y a des gens qui pensent que l’opération à pour but de pouvoir connaître la position de quiconque qui allume son appareil. Non, ce n’est pas pour cela. Chez nous, le nombre d’abonnés au prépayé représente 98% du parc. En Europe, c’est exactement l’inverse. L’identification vise à assainir les fichiers des opérateurs, afin qu’il y ait la confiance dans l’utilisation des TIC. Il faut mettre fin à l’utilisation malveillante du portable. Il y a des gens qui, du fait de l’anonymat, utilisent leurs appareils pour proférer des menaces ou des injures. Il y en a qui appellent abusivement les sapeurs-pompiers tout simplement parce qu’ils savent qu’on ne peut pas remonter jusqu’à eux. En Algérie, il y a eu également une campagne similaire. Là-bàs, il y a des problèmes plus sérieux. On y utilise les puces pour déclencher des bombes à distance.

Dans votre recommandation, il est dit que passer le délai du 31 octobre, les opérateurs doivent désactiver les puces anonymes. De quels moyens disposez-vous pour vous assurer que les services de téléphonie mobile vont s’y soumettre ? C’est vrai, ce n’est pas nous qui allons procéder à la désactivation, parce que nous ne disposons pas de réseau. Avec les opérateurs, on a convenu que l’ARTEL pourra faire des contrôles. Par exemple lorsque, pour des besoins d’enquête judiciaire, la gendarmerie ou la police demande l’identité d’un abonné mais ne les obtient pas, cela veut dire que la société n’a pas respecté la mesure. En tout cas, les opérateurs savent à quoi s’en tenir après le délai d’identification.

Certains usagers de la téléphonie mobile disent que la raison sous-jacente est de permettre à la police de pouvoir mettre les abonnés sous écoute. Il y a, d’une part la loi qui gère les télécommunications, et, d’autre part celle qui gère les données à caractère personnel. Au Burkina Faso, on ne peut pas mettre quelqu’un sous écoute sans autorisation préalable. Et cela, dans des conditions précises. Il y a l’instance de la commission informatique et liberté qui est chargée de la mise en application de la loi sur les données à caractère personnel. Sur les plans légal et technique, tout est mis en œuvre pour assurer la confidentialité dans la communication.

Propos recueillis par Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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