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POUVOIR ET PETROLE AU NIGER : Tandja résistera-t-il à la tentation ?

Publié le lundi 3 novembre 2008 à 01h55min

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Dans quelques années, en 2012 plus précisément, et le Niger entrera dans le cercle des pays producteurs de pétrole. C’est, en principe, à cette date que la raffinerie de pétrole de Walaléwa, commune rurale située à une cinquantaine de kilomètres de Zinder, entrera en fonction pour produire 20 000 barils par jour.

Le chef de l’Etat du Niger, Mamadou Tandja, a personnellement posé le 27 octobre dernier la première pierre de cette raffinerie qui sera exploitée par une société chinoise. Avant même que cette raffinerie ne soit fonctionnelle, c’est tout le pays qui s’est mis à rêver de la fin prochaine de sa dépendance énergétique. Selon les estimations, la consommation du Niger qui est de 7 000 barils par jour, sera largement couverte par la raffinerie. Mais ce qui fait rêver le plus est la manne financière que va constituer la vente du pétrole. Celle-ci est vue comme la solution contre l’extrême pauvreté et un coup de fouet au développement tant rêvé. S’il est permis de rêver des bonnes choses, il ne faut pas occulter les mauvaises que le pétrole entraîne souvent dans son sillage. L’or noir, s’il fait le bonheur, fait aussi le malheur surtout dans les pays africains.

La convoitise qu’il suscite a plongé bien des pays du continent dans l’instabilité, du fait des appétits qu’il a aiguisés, des conflits pour son meilleur contrôle qu’il a engendrés. Les exemples peu reluisants sont de plus en plus nombreux que la découverte d’un gisement de pétrole dans un pays, au lieu de susciter l’allégresse, provoque plutôt un sentiment de joie mêlé à la crainte. Le pétrole découvert va-t-il vraiment profiter aux populations ? Ses revenus seront-ils équitablement répartis ? Ne va-t-il pas réveiller des tensions latentes ou exacerber celles déclarées ? Ce sont là des questions que l’on entend de plus en plus à l’annonce de la découverte d’un gisement de pétrole. Nul doute que bon nombre de Nigériens sont dans cette situation où ils se gardent de trop manifester leur joie parce que ne sachant pas ce que leur réserve l’avenir dans un pays africain producteur de pétrole.

A toutes ces différentes interrogations, il y a une qu’il faut désormais ajouter : l’attitude du chef de l’Etat sous le règne duquel le gisement a été découvert. Dans le temps, cette question ne se posait pas compte tenu du fait que ce sont les régimes d’exception qui avaient pignon sur rue. A moins qu’un coup d’Etat le décagnote, le chef de l’Etat était premier magistrat à vie. Mais aujourd’hui, c’est l’ère des régimes démocratiques bien que l’on puisse trouver à redire par rapport à ce que l’on voit, à ce qui se fait çà et là. En vue de favoriser l’alternance, la limitation du nombre de mandats présidentiels a été inscrite dans la plupart des constitutions même si, ici aussi, certains ont trouvé des moyens pour contourner cette disposition. Au nom de l’alternance donc, le chef de l’Etat ne peut briguer deux mandats successifs à la magistrature suprême du Niger. Mamadou Tandja est dans cette situation.

Théoriquement donc, il ne doit pas se représenter à l’élection présidentielle prévue en 2009. Mais depuis un certain temps, on lui prête l’intention de rempiler surtout après l’emprisonnement de l’ancien Premier ministre Hama Hamadou présenté comme favori à cette élection. Avec la découverte du gisement de pétrole, les craintes de voir cette intention se réaliser, se sont accrues pour la simple raison qu’en Afrique la manne de l’or noir a toujours fait tourner la tête des chefs d’Etat. Comme les élections que les tenants du pouvoir n’organisent pas pour les perdre, ils posent la première pierre d’une raffinerie en ayant toujours à l’esprit que ce sont eux qui vont l’inaugurer et donc en profiter autant que faire ce peut.

Même s’il faut pour cela sauter, au besoin, le verrou de la limitation du mandat présidentiel ou frauder aux élections, tout sera mis en œuvre à cette fin. Qui est fou pour lâcher la proie pour l’ombre ? Alors, quelle sera l’attitude du président nigérien dans cette situation ? Succombera-t-il à la tentation en mettant tout en œuvre contre vents et marées pour inaugurer en 2012 la raffinerie dont il a posé la première pierre ? Saura-t-il résister aux appels du pied faits lors de la cérémonie du 27 octobre si l’on en croit l’hebdomadaire indépendant nigérien « Le Républicain » qui rapporte des propos du genre « Papa Tandja, que Dieu fasse que vous duriez aux affaires » ? Ou bien fera-t-il exception à la règle en ne prolongeant pas son bail à la tête de l’Etat ? Attendons donc de voir ce que pourrait bien nous réserver l’avenir au pays de Hamani Diori.

Par Séni DABO

Le Pays

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