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Pensions des anciens combattants : Les Socialistes français sur le tard

Publié le jeudi 23 octobre 2008 à 01h01min

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La Guerre mondiale. Une grande épreuve pour la France, l’Allemagne, la Pologne… bref pour l’humanité tout entière. Et les tirailleurs sénégalais n’en ont pas été épargnés, eux qui ont en à creuser des tranchées, à courir sous la neige, à empoigner l’adversaire ; à mettre à mort l’ennemi ou supposé tel, sans vraiment comprendre ni pourquoi, ni comment ils ont été impliqués dans une si terrible épreuve

Après s’être battus par milliers en 1939-1945 et après les affres de la captivité, tirailleurs maghrébins et d’Afrique noire ont été de nouveau mobilisés, à partir de novembre 1942, pour participer à la libération de la mère patrie.

L’armée française étant prisonnière dans les camps du Reich, à la suite de la débâcle de mai–juin 1940, la France était occupée, et il appartenait donc à l’empire colonial de fournir le plus grand effort pour reconstituer cette armée et participer au combat pour la libération.

Engagés ou conscrits, ils représentaient plus de la moitié de l’armée régulière en 1944, estimée à 550 000 hommes ; et sur les 260 000 hommes que comptait la première armée française, dont les unités débarquèrent en Provence en août 1944, plus de la moitié étaient des indigènes originaires des colonies, musulmans d’Afrique du Nord et ressortissants d’Afrique noire. Et, de l’aveu même du général de Lattre de Tassigny, leur chef des opérations, ils furent des fantassins constamment sollicités et surexploités.

N’ayant pas opposé seulement des nations, la seconde Guerre mondiale fut en fait la première grande guerre idéologique de l’histoire de l’humanité, qui a mobilisé plus de 100 millions de combattants de 61 nations, et qui a déployé ses hostilités sur quelque 22 millions de km2.

De l’avis des experts, l’étendue des dégâts matériels n’a jamais pu être chiffrée de façon sûre, même s’ils estiment que cette guerre dépasse les destructions cumulées de l’ensemble des conflits connus par le genre humain depuis son apparition. Et le traumatisme moral ne fut pas moins considérable, car cette tragédie a occasionné une violence rarement égalée, qui a ravalé le genre humain au rang de bête immonde.

Et puis, la guerre terminée, ils sont, dans leur grande majorité, rentrés au pays, fiers du devoir accompli, et heureux de montrer que leur participation les hissait au niveau du citoyen français.

Ainsi, naïvement, ils pensaient qu’à grade égal dans l’armée hexagonale, ils auraient au moins le même traitement au titre des pensions. Mais, à leur grand dam, la désillusion fut aussi grande que les intempéries, les conditions misérables de vie et le sifflement des balles dans le recoin des oreilles pendant les combats, lorsqu’on s’étripait à coups de baïonnettes.

Sur le front, à Verdun ou à Marne, les balles incandescentes, qui fusaient de toutes parts et semaient la mort sur leur passage, ne se préoccupaient aucunement de savoir qui est Français venu de la Camargue, de la Gironde, ou qui est ce tirailleur sénégalais venu de Fada N’Gourma au Burkina Faso, de Koutiala au Mali, de Tambacounda au Sénégal ou de Kabylie en Algérie, avant de tuer ou de lui laisser d’irréversibles séquelles sur le corps.

Les balles ne sifflaient donc pas dans les seules oreilles des combattants français présents sur le théâtre des opérations. Elles le faisaient aussi et surtout pour les contingents venus des colonies, dont les moins chanceux sont restés raides morts sur les champs de batailles.

Pour cette raison seulement, ceux qui ont la chance de rentrer au bercail, et que l’on a appelés mutilés de guerre, devraient avoir une pension strictement égale à celle de leurs frères d’armes, « les Gaulois ».

C’est pour toutes ces raisons que nous ne cesserons de nous mettre du côté de tous ceux qui parlent fort justement de la revalorisation, et mieux, de l’alignement des pensions des tirailleurs sénégalais sur celles des Français. Et c’est à applaudir à tout rompre que nous avons accueilli la décision du tribunal administratif de Bordeaux, le 15 octobre dernier, qui donnait raison à six anciens combattants marocains, lesquels demandaient que cette flagrante injustice soit corrigée.

Et ils ne sont pas seuls, les Africains et les africanistes, à penser que cette différence de traitement, qui fait qu’un ancien combattant non français perçoit une pension de 8 à 10 fois inférieure à celle de son frère d’arme gaulois, est un déni de justice sociale.

Le Parti socialiste, qui est la deuxième force politique française, est lui aussi entré dans la danse, dans les revendications, pour dénoncer en des termes vigoureux cette pratique du deux poids deux mesures, qui crève les yeux depuis bientôt une soixantaine d’années, et qui n’honore pas l’Hexagone C’est dans cette perspective que le PS compte introduire incessamment une proposition de lois à l’Assemblée nationale française, en vue de mettre fin à cette flagrante injustice.

Certes, avec un tel poids lourd de la politique qui monte au créneau, il est à penser qu’il n’est plus si loin le bout de ce long tunnel fait de torts et de misères morales et financières qu’endurent encore nos patriarches appelés tirailleurs sénégalais.

Mais, véritablement, ici la question que l’on se pose est de savoir pourquoi est-ce seulement aujourd’hui que le parti de François Hollande voit l’ultime nécessité de corriger le tir.

Cette brusque tendresse pour les tirailleurs sénégalais, qui ne cessent de manger la chèvre enragée depuis plus d’un demi- siècle, vient-elle vraiment des profondeurs d’un cœur pris de remords ?

Ou est-elle simplement dictée par les contingences de la politique politicienne hexagonale ?

Assurément, tout en saluant quand même cette prise de conscience, qui vient sur le tard, nous nous devons de rester dans l’expectative. Mieux que quiconque, nous savons tous que, 14 années durant, c’est-à-dire de 1981 à 1995, les socialistes, avec à leur tête leur icône, François Mitterrand, ont eu à gérer le pouvoir d’Etat.

Alors, pourquoi n’avaient-ils pas profité de cette idoine occasion pour travailler à combler le gouffre abyssal qui existe entre les différentes pensions versées par le Trésor français ?

Alors maintenant que les socialistes sont dans l’opposition, peuvent-ils vraiment faire passer une proposition de loi, fût-elle noble, sans la bienveillance de l’UMP, et surtout de son tout-puissant chef, Nicolas Sarkozy ?

D’ailleurs, quelle sera vraiment la portée de cette proposition de loi, même si elle venait à être adoptée, lorsqu’il est de notoriété publique qu’à force de crier misère depuis longtemps, en se contentant de vache enragée, bien d’anciens combattants ne pourront aucunement en bénéficier, car passés de vie à trépas ?

Mais c’est une question de principe et de justice sociale, et rien que pour cela, le jeu en vaut la chandelle.

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

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