LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Le Burkina et ses Partenaires techniques et financiers : Une piqûre de rappel qui fait mal

Publié le mardi 21 octobre 2008 à 03h25min

PARTAGER :                          

C’est connu, la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit .Le bienfaiteur, l’amphitryon ou le mécène a toujours de l’ascendance sur celui qui tend la sébile. Ramenée à l’échelle des Etats et des institutions financières, cette loi devient souvent implacable et permet aux donateurs d’imposer leurs oukases aux pays quémandeurs.

Qu’ils s’appellent Clubs de Paris ou de Londres, Banque mondiale, FMI, France, Danemark, Union européenne, USA, Japon, Taïwan... tous autant qu’ils sont contribuent à l’aide au développement des pays pauvres parfois très endettés d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie.

Prêts, subventions et autres dons sont donc injectés dans ces régions dont les noms diffèrent : tiers-monde, PPTE, Pays en développement, PMA, Pays à revenus intermédiaires, etc.

Normal donc que ceux qui mettent leurs billes quelque part soient très regardants sur l’utilisation qu’on fait de l’argent consenti par leurs contribuables pour voler au secours des laissés-pour-compte.

En effet, si dès le départ la confiance des pays, dont certains des habitants vident leurs bas de laine, qui pour secourir des enfants malades ou déscolarisés, qui pour désenclaver une zone coupée du reste du monde par manque de route, a été établie, force a été de constater au fil de l’exécution d’un projet par exemple que les 4x4 et les voitures futuristes ou encore les villas-palais, si ce n’est les comptes bancaires personnels, engloutissaient toutes les ressources, laissant au projet la portion congrue. Encore heureux si le projet est exécuté même mal, et des œuvres bancales réceptionnées et payées sont légion au Burkina.

Les Partenaires techniques et financiers (PTF) sont donc dans leur rôle quand ils donnent de la voix pour essayer de limiter certains dégâts, car en jouant à la sentinelle vigilante, ils ramènent à des proportions acceptables la mal gouvernance. D’où le dur langage que leurs responsables tiennent à l’égard de nos dirigeants.

L’occasion a encore été donnée de constater le 17 octobre 2008 à Ouaga 2000 lors de la réunion à mi-parcours consacrée à la revue conjointe du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP). Ainsi, le représentant des PTF, le diplomate danois Mogens Pederson, ne s’est pas embarrassé des litotes et des circonlocutions des chancelleries pour signifier aux autorités burkinabè qu’en matière de créations d’emplois et d’activités créatrices de revenus, rien ne va, en dépit des beaux discours sur la lutte contre le chômage.

Les PTF ont aussi déploré l’opacité qui a entouré la gestion des deniers publics pour la période 2006-2007, puisqu’ils ont évoqué le rapport de la Cour des Comptes qui a fait beaucoup de bruit entre-temps et puis, plus rien. Seuls bémols dans ce tableau diplomatique sombre au moment où les autorités burkinabè se gargarisent de la bonne gouvernance qui serait leur maître-mot, la gratuité des ARV, l’accès à l’école...

Une sortie qui n’a pas laissé de marbre le Premier ministre burkinabè, qui a tenu à mettre les points sur les i, avec le plain-spoken (parler direct) qu’on lui connaît pour dire que si certaines critiques sont fondées, certains PTF semblent porter des œillères et continuent à voir la gouvernance au Burkina sous des prismes dépassés.

Ce qui n’est pas sans rappeler l’ire de l’ex-Grand argentier Jean-Baptiste Compaoré, qui avait déclaré aux mêmes PTF que « Nous devons tous jouer franc-jeu, car nous féliciter quand nous sommes sur place et nous critiquer une fois que nous avons le dos tourné n’est pas la meilleure des attitudes ». Moralité : mieux vaut se dire les quatre vérités face à face. A l’évidence, c’est ce qu’a fait le chef du gouvernement et, cela, pour diverses raisons :

- d’abord les PTF donnent souvent l’impression que la corruption est l’apanage des Africains. Ils ont tout faux, car elle existe en Europe et partout dans le monde, et même si ce n’est pas une excuse absolutoire et qu’il ne faille pas justifier ses fautes en exhibant les pêchés des autres, il convient de ne pas tomber dans l’exagération.

- Puis cette réunion à mi-parcours sur le CSLP intervient également après un bon qualitatif du Burkina Faso dans le classement de l’ONG internationale Transparency International qui fait bondir notre pays de la 150e à la 80e place. Certes, comme nous-même l’avons relativisé, la corruption demeurant du domaine de la perception, même si des faits avérés existent. N’empêche, c’est avec certaines données de Transparency que ces PTF travaillent.

- Ensuite le 10 septembre 2008, la Banque mondiale, un membre très influent des PTF pour ne pas dire plus et la SFI ont classé le Burkina parmi les dix meilleurs pays dans le rapport « Doing buisness better » qui porte sur le climat des affaires. Sans oublier l’Indice Ibrahim 2008 de la gouvernance en Afrique dans lequel la "patrie des Hommes intègres" arrive en 20e position sur la cinquantaine d’Etats classés.

- Enfin, on ne saurait aussi ignorer la crise financière mondiale qui n’arrange pas les choses pour un pays comme le nôtre.

Car si des pays où l’ultralibéralisme est une religion en viennent à nationaliser des structures financières à tour de bras pour éviter la banqueroute, alors il faut dire que leur propension à pousser nos dirigeants à jeter certains fleurons de notre économie dans le giron privé est à revoir.

Il y a aussi et peut-être surtout la personnalité du PM : il est à l’aise avec ces PTF, car c’est un peu sa seconde famille. Dans une vie antérieure, il a été à la tête de la Direction générale de la coopération (DGCOP), donc un interlocuteur privilégié des PTF, puis ministre des Finances ayant conduit plusieurs tables rondes avec les mêmes bailleurs de fonds.

Mieux, en quittant il y a un peu plus d’un an le 2240 de l’Avenue des Massachussets à Washington pour la rue Agostino Neto à Ouagadougou, Tertius Zongo a fait de la lutte contre la mal gouvernance son dada. Il peut donc se targuer de donner la réplique appropriée à ses vis-à-vis qu’il connaît bien. Comme pour dire que si l’impéritie et l’incompétence, bref si la mal gouvernance sont loin de disparaître du paysage burkinabè, force est de reconnaître qu’il y a un léger mieux.

C’est sans doute cela que Tertius, qui défend son bilan, a voulu rappeler aux uns et aux autres, même s’il est vrai que les PTF, à l’image des journalistes qui ne s’intéressent qu’aux trains qui arrivent en retard, sont plus enclins à mettre le doigt sur ce qui ne va pas qu’à utiliser la brosse à reluire.

A trop critiquer, ils peuvent être suspectés de desseins inavoués, mais mieux vaut qu’ils le fassent pour inciter nos gouvernants à poursuivre les efforts d’assainissement au lieu de les laisser s’endormir sur leurs lauriers et à se comparer au pire comme ils en ont la fâcheuse tendance.

De ce point de vue, on peut dire que leur piqûre de rappel, quand bien même elle fait mal au patient burkinabè oxygéné et soutenu à bout de bras, est salutaire, car elle permet de ne pas retomber dans les mauvais travers.

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)