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Hommage à Watamou Lamien

Publié le vendredi 17 octobre 2008 à 09h24min

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Watamou LAMIEN

« Watamou Lamien : le journal ». C’était à Radio Ouaga au début des années 80. Tous les auditeurs connaissaient cette voix, ce style particulier, très sérieux et aux analyses profondes. Ils en redemandaient.
C’était alors l’époque où de jeunes journalistes formés dans des universités étrangères (Dakar, Strasbourg, Paris, Bordeaux, Lille…) débarquaient dans tous les medias : radio, télévision et presse écrite.
C’était une nouvelle race de journalistes : des cadres, souvent politiquement engagés après une vie universitaire militante.

Au moment où, commémorant les 20 ans de Renaissance démocratique au Burkina, le parcours avec ses victoires et ses échecs, comment ne pas se souvenir des ouvriers et ouvrières de la première heure du chantier devenu aujourd’hui un édifice bien implanté ? Est de ceux-là notre confrère et camarade Watamou Lamien.

Watamou Lamien avait étudié au Centre universitaire de journalisme de Strasbourg en France. Il en était revenu muni d’une maîtrise et c’est très professionnellement qu’il avait pris en charge l’édition du 20h de la Radio nationale (encore voltaïque).

Très marqué par la sensibilité de gauche, il s’est rapidement illustré dans les combats progressistes. On le trouve dans les luttes syndicales durant le régime pourrissant de la IIIème République et on le retrouvera dans les groupuscules politiques clandestins, très actifs surtout pendant le Conseil de Salut du Peuple (CSP) 1 et 2 et pendant la Révolution Démocratique et Populaire (RDP). Entre temps, comme beaucoup d’autres, il avait cru un temps à un sursaut avec le régime du Conseil Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) de Saye Zerbo (1980-1982).

Sous la Révolution Watamou Lamien était un des responsables de l’Union des Communistes Burkinabé (UCB) et à ce titre, membre du Conseil National de la Révolution (CNR) où il côtoyait des camarades appartenant à d’autres organisations tels le PAI, l’ULC, le GCB et le l’Organisation Militaire Révolutionnaire (OMR).

Il assurait la liaison entre l’UCB et l’OMR qui entretenaient une alliance idéologique. Il était particulièrement proche de Blaise Compaoré avec qui il avait œuvré dans l’ombre durant la résistance de Pô puis très discrètement durant les quatre années de la Révolution.
Son tempérament calme et posé, presque taciturne, faisait de lui un idéologue écouté. En effet il n’était pas du genre excité et c’était toujours avec sang froid et lucidité qu’il analysait les situations et influençait à sa manière la marche de la Révolution d’août dont il ne manquait pas de critiquer les errements, en particulier de son premier responsable.

Il n’était pas du genre à se pavaner, kalachnikov au poing, pour impressionner ou terroriser les gens comme beaucoup d’autres le faisaient.

Au sein de l’UCB Watamou Lamien était, avec feu Patrice Zagré (mort dans la fusillade du 15 octobre), Hamidou Diallo ou encore Clément Ouédraogo (avant qu’il ne se détache), un des coordonnateurs des nombreuses cellules UCB à travers le pays.
Ce personnage lucide est l’un de ceux qui, à l’analyse des symptômes courant 1987, avaient prédit l’implosion inéluctable du CNR d’une manière ou d’une autre.
Il était persuadé qu’un redressement de la barre était nécessaire pour arrêter ce qui lui apparaissait de plus en plus comme une folie destructrice.

Fauché à la vie en 1988, moins d’un an après le 15 octobre 1987, lors d’un accident de route en se rendant à Ouahigouya, Watamou Lamien ne verra pas la naissance de l’ODP/MT le 15 Avril 1989 d’une fusion entre l’UCB, l’OMR et des fractions d’autres forces progressistes, avènement marquant le printemps du multipartisme retrouvé et l’aurore de la démocratie qu’il avait appelés de ses vœux et de ses actes.
Il a laissé en mourant une veuve à terme de leur fille.
La suite de l’histoire prouve aujourd’hui qu’il avait une vision juste en entrevoyant en 1987 la nécessité de redresser par la modération le gouvernail de la direction du pays.

Par C. A.

L’Opinion

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