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Crise financière mondiale : L’UNDD veut que nos autorités s’expriment

Publié le jeudi 16 octobre 2008 à 00h41min

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Me Hermann YAMEOGO

Dans cette déclaration, l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) de Me Hermann Yaméogo analyse la crise financière mondiale et demande aux autorités de dire ce qu’il en est et les remèdes à y apporter si le Burkina Faso était touché.

Le Bureau Exécutif national (BEN) de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), s’est retrouvé sur convocation de son président, Me Hermann Yaméogo, à son lieu habituel de rencontre, le 02 octobre 2008 à partir de l7h 30 mn. L’ordre du jour principal portait sur la crise financière internationale

L’internationalisation de la crise américaine

Les membres du BEN, après avoir échangé sur les déterminants de la crise financière américaine (crise immobilière, chute du dollar, hausse du prix des hydrocarbures), ont convenu qu’elle en appelait quant au fond à une relecture du capitalisme En faisant le constat du recours par les USA (La Mecque du libéralisme) à des recettes interventionnistes, keynésiennes pour tenter d’enrayer la crise, il est en effet ressorti la nécessité d’être plus critique avec le mythe du « marché-roi », même si l’on n’a pas manqué de relever, au cours des échanges, que la social-démocratie pratiquée actuellement par bien des pays africains est tout sauf la vraie social-démocratie car ignorant le social et bafouant la démocratie.

Ceci étant, plusieurs intervenants sont revenus sur les
analyses pragmatiques, anticipatrices que le parti a toujours eues, dès sa création, sur la gouvernance des Etats et du monde, et se sont félicités qu’il ait eu l’intuition d’évoluer du libéralisme solidaire, à l’assumation de la social-démocratie Les faits, ont-ils souligné, donnent raison au parti d’avoir pris conséquemment ses distances par rapport à la libéralisation anarchique et totale des marchés, la soumission aveugle aux recettes des institutions de Bretton Woods, la dévalorisation des systèmes de contrôle véritables qui obligent les gouvernants à la reddition des comptes. S’attachant à la crise qui a pris son départ aux USA, les membres présents ont évalué les conséquences des multiples spéculations qui ont conduit à la « bulle » immobilière, en relation avec l’économie mondialisée et qui a pour résultat de faire trembler toutes les places boursières du monde.

Au-delà donc de l’urgence de juguler les fameux actifs toxiques en apportant 700 milliards de dollars au secours du système bancaire américain, se pose la question du possible ébranlement du système financier mondial. En effet, il est apparu maintenant évident que c’est le libéralisme à tout va sur le plan économique qui a conduit à la crise financière que nous connaissons et dont on n’a pas si tort que cela de craindre qu’elle puisse impacter négativement l’économie réelle en termes d’investissements (raréfaction du crédit), de consommation des ménages et d’emplois Dans cette quête de reprendre la barre, il a été remarqué que la Banque mondiale et le FMl n’étaient pas les moins actifs. Pour M. Strauss-Kahn, s’il faut colmater les brèches en injectant de l’argent pour éviter la catastrophe, il faudrait réformer, sinon “s’imposera l’idée du puits sans fond, de l’Etat qui vole au secours des managers incompétents et des spéculateurs cupides”.

Bref, pour lui, "le marché ne se suffit pas à lui-même ; le marché ne soigne pas le marché", et il faut nécessairement avoir un “garant global”. Peut-être pensait-il selon des intervenants, à l’institution qu’il dirige qui, théoriquement, est effectivement l’organisme qui édicte les règles mondiales de la finance et qui pourrait être le gardien de la stabilité financière mondiale mais qui dans la pratique, a complètement dévissé
En tout cas, on le voit partout, les gouvernants sont à la peine, soutenant ici et là les institutions bancaires, les nationalisant lorsque le soutient est insuffisant. En Occident, on a compris que la finance et la banque ne changeront pas tant que le cadre dans lequel elles opèrent ne change pas pour plus de transparence, plus de contrôle et plus d’efficacité des Etats, des institutions internationales (FMI/Banque mondiale elles-mêmes à réformer) et des institutions sous-régionales.

Quid de l’Afrique ?

Est-il possible que pendant qu’à New York, Paris, Londres, Pékin, Tokyo, Canberra. ., on soit sur le pied de guerre, en Afrique, on se tourne les pouces parce que, par la grâce de Dieu, nous serions épargnés par ce tsunami ? Le BEN a évoqué le point de vue de ces experts qui soutiennent qu’il n’y a pas le feu dans le système bancaire africain. Leur argument, c’est qu’il existerait chez nous des réglementations plus strictes au niveau du secteur de la finance. Des autorités de tutelle du marché financier qui ne laissent pas faire n’importe quoi. Soit !
Mais les échanges ont établi que des nuances s’imposent. L’effet de contagion peut atteindre des Etats comme l’Afrique du Sud, l’Egypte. le Maroc... qui ont des systèmes financiers plus intégrés au système financier international ; il peut même atteindre bien d’autres Etats par le jeu des affiliations bancaires. Au niveau de la Communauté économique et monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) du reste, on ne fait pas dans l’optimisme béat ; des experts soutiennent qu’il y aura des chocs sur les budgets des Etats africains de la zone en raison de l’interdépendance des institutions bancaires et que les économies risquent de plonger dans la récession dans les mois à venir.

De toute façon, à supposer même que nos institutions financières, nos banques centrales, puissent (contrairement aux autres) résister, le sentiment dominant de la réunion, effectivement c’est qu’il n’est pas certain que nous n’aurons pas, pays exportateurs ou non, à souffrir de cette crise qui est avant tout, une crise de financement. Si les banques occidentales, pour des considérations de solvabilité, ne veulent plus se prêter de l’argent entre elles, ma foi, ont souligné les intervenants, il y a peu de chances qu’elles acceptent de financer les banques africaines. L’économie réelle en Afrique s’en trouvera, comme déjà noté, affectée.

Qu’en est-il au Faso ?

Nous connaissons déjà, a relevé le BEN, le phénomène de la vie chère qui est tout, sauf loin d’appartenir au passé. En dépit de tout ce qui nous a été dit aujourd’hui, le sac de riz coûte entre 18500 et 24 000 F CFA ; les médicaments sont toujours inabordables ; les fournitures scolaires ont augmenté. Malgré la diminution du prix du carburant au plan international, nous n’en voyons pas l’effet correspondant à la pompe. Si la vie est dure et continue d’être dure, qu’en sera-t-il, s’est demandé le BEN, si à la suite de la récession, nous avons, comme on en a peur, des effets ricochets du genre diminution de nouveaux projets, pressions sur les organisations internationales d’aide au développement pour qu’elles voient leurs interventions à la baisse, stagnation ou resserrement des dons ? Evoquant les conséquences pour les organisations humanitaires et les organisations non gouvernementales, Marshall Burke, Vice- président directeur du développement des Ressources à Care USA, a eu cette réaction sarcastique que la réunion a commentée : “... quiconque n’est pas préoccupé dans le monde humanitaire, s’est probablement endormi au volant”. Dans ces conditions, ce n’est évidemment pas, on l’aura compris, un Etat en développement comme le nôtre qui aura alors des raisons de jouer à l’autruche !

Mise en demeure des autorités

Pour le BEN, la récession risque d’acculer les USA à jouer sur la baisse du dollar pour faire des économies, et cela entraînera des pertes de revenus pour les entreprises productrices Les conséquences s’en ressentiront au niveau des pays de la zone franc qui, à cause de l’arrimage à l’euro, seront amenés à produire dans une monnaie plus forte pour vendre moins cher. Plus grave, soulignera le BEN, à un moment où on n’en finit pas de se plaindre du non-respect par les partenaires, de leur engagement de financer le développement des pays pauvres, il y a des risques accrus que leurs promesses soient à la limite, mises au garage en attendant des jours meilleurs. Et on imagine ce que ça pourrait produire pour des budgets comme le nôtre, fortement dépendants de l’extérieur !!

Il faut aussi croiser les doigts, a-t-il été relevé, qu’en « bouquet final », ne nous vienne la dévaluation du F CFA ! Les discussions ont ensuite débouché sur le Manifeste des refondateurs. Les signataires avaient apostrophé le pouvoir sur la nécessité de convoquer un dialogue refondateur républicain et inclusif afin de faire face à la double crise nationale et internationale en mouvement. Si contre les faits persistants, on a tout fait pour nier la crise nationale, on ne peut pas aujourd’hui nier la réalité de la crise internationale, une crise qui exige tout autant des solutions essentiellement structurelles, de l’avis des plus éminents économistes.

Pour les membres du BEN, il est grand temps que les autorités s’expriment et disent ce qu’il en est de cette crise et quels seront les remèdes à y apporter si effectivement, demain, elle s’abattait malheureusement sur le Burkina Faso Les Burkinabè veulent savoir : peuvent-ils continuer à épargner sans risque ? Les banques ont-elles vraiment les reins solides ? Quels seront les effets sur les emplois, sur les salaires, sur l’émigration, sur l’exode ? Comment pallier la diminution des crédits et surtout des dons dont notre économie a tant besoin ?

Est-il possible d’autre part que devant une crise financière énorme, aux conséquences multiples sur la croissance, l’emploi et le développement de nos pays, nos institutions sous- régionales (UEMOA, BCEAO, CEDEAO) restent si peu audibles ? Que pensent-elles des incidences de cette crise sur nos économies dans ce système globalisé dans lequel nous sommes embarqués ? Ont-elles des politiques alternatives ? Nos Etats, pris individuellement et nos institutions sous-régionales se doivent de nous dire la vérité et d’énoncer toutes les mesures à même d’atténuer, à défaut d’éradiquer, les effets de cette crise.

Avant de lever la séance à 21 heures, il a été recommandé d’approfondir et de faire partager la réflexion autour de la présente interpellation du parti. Par ailleurs, quelques points de Divers s’étant imposés, le BEN a encouragé les démocrates mauritaniens dans leur lutte, et souhaité qu’au-delà du souci du rétablissement de la démocratie en Mauritanie par le retour au pouvoir du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, la nouvelle préoccupation de l’Union africaine, pour sincère qu’elle soit, fasse contagion sur tout le continent où la démocratie n’est pas la chose la mieux partagée.

Il a également regretté l’absence de mobilisation subséquente des opposants et autres représentants de la société civile africaine aux côtés du procureur Ocampo dans sa croisade pour que la force de la justice domine au Soudan. Pour sa part, l’UNDD a salué l’héroïque résistance du procureur face aux marchandages dont fait l’objet le droit pénal international de la part de quelques puissants de ce monde.

Me Hermann YAMEOGO

Sidwaya

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