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Elie Zoumonniè, "prophète" Dagara : "Je suis un sage africain"

Publié le mardi 14 octobre 2008 à 00h07min

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Hien Elie appelé communément Papa Elie est un homme inconoclaste. Guetteur mélancolique de la sagesse, il enseigne son savoir-être et son savoir-faire en Europe. Traditionnaliste jusqu’au bout des ongles, il prône un retour aux sources pour un renouveau africain. Lisez plutôt.

Sidwaya Mag Plus (S. M. P) : Cette année comme les années précédentes, vous êtes allé respecter un rite en communiant avec vos ancêtres à travers un cérémonial venant du fond des âges. Parlez-nous en !

Papa Elie (E. Z.) : Je m’efforce de faire comprendre aux Africains que nous devons réveiller notre capital historique et coutumier. L’Afrique, pour se retrouver, doit revenir à ses coutumes ancestrales. C’est en partant de ses propres valeurs que l’Africain pourra être quelqu’un demain.
J’organise et je participe donc à ces cérémonies primordiales à mes yeux afin de donner l’exemple aux jeunes pour qu’ils comprennent que leur avenir passera inexorablement par cette voie, la voie de la sagesse africaine. Sans ce retour aux sources, l’Afrique sera incapable de parler d’unité, de solidarité, de développement...

S. M. P. : La particularité chez vous est que c’est toute la région qui est conviée à cet hommage aux ancêtres. Vous auriez même donner à cette occasion cinq (5) bœufs à "sacrifier".

E. Z. : Normalement, chacun de vous devait amener son bœuf et cela allait donner l’allure d’un pèlerinage, comme à La Mecque, et les gens allaient venir de partout. Il faut qu’il y ait un chef d’Etat africain qui arrive à comprendre cela et faire cet honneur aux Noirs. Il faut dans le respect des mânes de nos ancêtres éviter de qualifier les Africains : celui-là est catholique, celui-ci musulman, etc. C’est par ce chemin que l’on arrivera à la paix. Il faut quelque chose qui unit les Africains et ce quelque chose se trouve dans nos traditions coutumières.

S. M. P. : Est-ce à dire que pour une unité africaine, il faut que les Africains retournent à la tradition ancestrale ?

E. Z. : Si vous ne retournez pas à la tradition, moi je ne vois pas une paix, chacun imagine une paix, mais c’est faux. Si nous réfléchissons et agissons sagement pour nos coutumes, vous verrez que nous aurons nous aussi nos Mecque et autres.

S. M. P. : Avez-vous un projet dans ce sens ?

E. Z. : Seul je ne peux rien faire et c’est plutôt un projet pour nos Etats.

S. M. P. : Avez-vous approché des autorités de l’Etat pour soutenir votre projet ?

E. Z. : Il faut d’abord que l’on s’unisse. Mes étudiants qui sont des Blancs ont compris cela et s’investissent ensemble pour un retour aux sources selon leur propre contexte. En Afrique, ce n’est pas le cas.

S. M. P. : Vous êtes donc d’accord avec l’adage qui dit que l’on n’est jamais prophète chez soi ?

E. Z. : C’est cela et c’est là tout notre problème. Seulement il faut que l’on travaille à dépasser ce vieux dicton et créer autre chose. Moi ça ne me dérange pas d’être musulman, ça me dérange pas d’être catholique ni évangéliste ; prenez Boudha par exemple, en dagara ça veut dire "Bour-da" qui veut dire le bâton de la consultation.

S. M. P. : Vous êtes catholique par votre nom, vous vivez en Occident, loin de vos sources. N’y a-t-il pas un décalage ?

E. Z. : J’ai fait les travaux forcés tout petit en Côte d’Ivoire. Il faut dire que je suis né avec mes convictions. Je n’ai pas demandé à ce qu’on me nomme Elie. Mon grand père m’a donné le nom Zoumonniè qui veut dire celui qui travaille pour l’humanité. Mon grand-père dans le temps dotait les orphelins qui n’avaient pas de moyens pour se marier. Il n’y a pas une religion qui dépasse la sagesse et le noir applique la sagesse dans son mouvement. Je suis Burkinabè avant d’être catholique. Nous sommes en pleine colonisation maintenant parce que nous devions avoir nos pierres à nous. Je ne dis pas "notre père qui est aux cieux", je parle à mes grands parents, à mes ancêtres et je pose mes doléances. Pour une décolonisation de Afrique, il faut que nous retrouvions nos racines. Je préfère que l’on me vole ma fortune que de voler mon âme et les âmes des Africains ont été volées.

S. M. P. : Vous êtes par ailleurs guérisseur, parlez-nous de votre expérience en la matière.

E. Z. : Dans le temps chaque village avait ses médecins jusqu’au moment où l’administration a donné un goût de modernisation : repérer les plantes, les répertorier etc... ce sont nos plantes, nos racines qui reviennent en Afrique sous forme de comprimés. Je vis en Europe depuis 1973 et je ne suis jamais tombé malade. Je suis médecin africain, je suis un psychologue et un chercheur. Je suis un grand penseur, je suis un sage, je ne suis pas guérisseur.

S. M. P. : Dites-nous un mot sur les cours que vous dispensez en Europe, notamment sur la tradition dagara.

E. Z. : Les Dagaris sont trop catholiques. Si tu entreprends quelque chose qui ne va pas vers l’église ou la mosquée on te prend tout de suite pour un "sorcier". Je préfère être "sorcier" que d’être trompé. Sorcier veut dire sortir le sort qu’un envoûteur a mis dans un corps. J’enseigne des chercheurs, des scientifiques.
J’enseigne à Berkeley University et à Glendan university. A Berkeley, c’est la médecine et les chercheurs arrivés à un certain niveau ont besoin de moi, d’un autre langage de la médecine. Ce sont des universitaires qui enseignent dans le domaine de l’espace.

S. M. P. : Un retour aux sources pour les Africains. Est-ce possible dans le contexte actuel ?

E. Z. : Ils (les Africains) sont obligés de retourner aux sources. Il faut que nous gouvernions nos Etats à notre manière, pas à la manière des autres.
Si tu prends un commerçant africain, il réussit mieux qu’un commerçant européen parce qu’ils n’ont pas le même comportement. Nous pouvons nous aussi enseigner les Européens et c’est ça que j’enseigne à tous. Avant il n’y avait pas de prison en Afrique.

S. M. P. : Papa Elie, doit-on considérer que c’est le retour du prophète Elie ?

E. Z. : Mon papa m’avait donné le nom Jean-Baptise et c’est le père Charlemagne (un vieux misionnaire en pays dagara) qui, en me baptisant a dit en travers mon regard de jeune bébé, qu’il préfère me donner le nom Elie. Il faut que les Africains reviennent à la tradition, que chacun se donne chaque jour que Dieu fait, quelques minutes de réflexion sur la question. Le noir était le premier homme sur la terre, réfléchissons-y et revenons à nos sources.

Interview réalisée par Fernando GUETABAMBA

Sidwaya

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