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Kadré Désiré Ouédraogo, ambassadeur du Burkina à Bruxelles : “En dehors des Caraïbes, les ACP ne sont pas prêts pour les APE”

Publié le mardi 7 octobre 2008 à 03h27min

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L’un des sujets brûlants inscrits dans l’agenda du VIe sommet ACP a été sans conteste, les négociations pour la signature des Accords de partenariat économique avec l’Union européenne. Le président du comité des ambassadeurs ACP et ambassadeur du Burkina à Bruxelles, Kadré Désiré Ouédraogo que nous avons rencontré à cette réunion, se prononce sur l’enjeu des APE pour le développement des pays ACP, l’avenir du groupe, la libération du commerce...

Sidwaya (S) : Quelles sont les grandes conclusions du VIe Sommet du groupe ACP, tenu les 02 et 03 octobre 2008 à Accra ?

Kadré Désiré Ouédraogo (KDO) : Les sommets sont l’occasion de passer en revue la vie du groupe des pays ACP, en partenariat avec l’Union européenne dans le cadre des Accords de Cotonou (Bénin). C’est aussi une opportunité d’aborder l’actualité internationale. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont débattu des négociations pour les Accords de partenariat économique (APE), de la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole qui posent problème à nos économies. Ils ont discuté aussi de l’important dossier de l’avenir du groupe ACP et de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement. Concernant la situation du dialogue politique entre ACP et l’UE, ils ont abordé les missions que les ACP ont envoyées au Soudan, au Tchad, à Djibouti et à Fuji et celle qui s’apprête à aller en Mauritanie dans le cadre des consultations au titre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou.

S : Où en sont les ACP sur les négociations pour la signature des APE avec l’Union européenne ?

K.D.O. : En dehors des Caraïbes, aucune autre des six régions ACP n’est en ce moment, prête pour signer les APE. Les pays ACP pensent que certaines composantes essentielles de la dimension développement ne sont pas encore prises en compte dans les textes des accords proposés. Et c’est normal que ceux-ci veuillent s’assurer que leurs préoccupations seront prises en compte avant de conclure un APE complet. Le calendrier varie selon les régions, je sais que la région Afrique de l’Ouest est activement occupée à négocier avec l’UE pour parvenir à un accord mutuellement bénéfique. Pour les ACP, l’important est que les APE soient avant tout un instrument de développement. Les négociations sont en cours avec nos partenaires et nous espérons parvenir à des accords acceptés par les deux parties.

S : Mais, on sent une fracture entre les Etats, certains (le Ghana et la Côte d’Ivoire) ont paraphé des accords intérimaires. Ya -t-il encore la possibilité d’aller en rangs serrés ?

K.D.O. : Les accords intérimaires signés par certains l’ont été pour contrer l’urgence qu’il y avait avant la fin 2007 de parvenir à un accord compatible à l’OMC pour éviter que les ACP ne soient attaqués au titre de l’article 24 du GATT (L’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). C’est la raison pour laquelle ces accords ont été paraphés pour permettre au régime préférentiel d’échange de l’UE d’être appliqué à partir du 1er janvier 2008. Il reste entendu que ces accords intérimaires ne sauraient remplacer les APE. Toutes les régions sont unanimes à dire que des APE complets sont préférables à ces accords intérimaires. En tous les cas, lorsqu’un APE complet sera trouvé, il remplacera automatiquement ces accords intérimaires.

S. : L’une des préoccupations porte sur l’avenir du groupe ACP. Au regard de la conjoncture internationale, pensez-vous que ce regroupement a un avenir au-delà de l’Accord de Cotonou qui expire en 2020 ?

K.D.O. : Vous avez raison, c’est pourquoi, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont penchés sur important sujet. Il faut dire que depuis 2006, le conseil des ministres avaient mandaté le comité des ambassadeurs d’entamer la réflexion sur l’avenir du groupe, compte tenu des changements intervenus dans l’environnement européen tels que l’élargissement de l’UE à 27 membres, la transformation de l’OUA en UA. L’UE a élaboré avec l’ensemble des entités régionales des partenariats stratégiques.

Il y a un partenariat Europe-Afrique pour le développement, Europe-Caraïbes et Europe-Pacifique. Dès lors, on peut se demander effectivement quelle est la perspective du groupe ACP dans son ensemble surtout après 2020 étant donné que l’Accord de Cotonou échoit à cette date. Il peut être renouvelé. Mais, on doit réfléchir à ce que deviendra ce groupe après l’accord. C’est l’objet de la réflexion engagée d’abord au sein du comité des ambassadeurs, ensuite au conseil des ministres, lequel conseil vient de rendre compte à la conférence. Ce groupe dont le principe est la solidarité entre les 79 pays en développement a été bénéfique à nos Etats surtout dans les cercles de négociations comme l’Organisation mondiale du commerce. A ce niveau, les ACP ont pu passer faire leurs points de vue grâce à leur union. Nous n’aurions pas pu le faire si nous abordions ces négociations en rangs dispersés. C’est un atout que d’être aussi nombreux avec des préoccupations similaires. Les chefs d’Etat ont considéré que c’est un atout qu’il faut conserver. Mais, les ACP ne peuvent pas tout faire. C’est pourquoi, le groupe doit se concentrer sur les questions sur lesquelles il a un avantage comparatif.

S. : Lesquelles par exemple ?

K.D.O. : Le dialogue politique engagé au sein du groupe sur la base de l’Accord de Cotonou a permis de résoudre des crises. Il y a lieu de l’approfondir en instaurant des mécanismes de dialogue politique intra-ACP et avec nos partenaires de l’UE. C’est dans ce cadre au titre de l’article 96 que des missions ont été menées dans les pays vivant des situations difficiles comme au Togo, au Soudan, à Fuji et maintenant en Mauritanie. Nous disposons d’une Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE qui siège tous les six mois. Cette instance assiste les ACP à instaurer l’Etat de droit, la démocratie et finalement la paix et la stabilité dont nous avons besoin pour le développement. C’est un apport important qu’il convient de renforcer.

S : Le Burkina a fait un exposé sur l’avenir du groupe. Comment le sommet a accueilli les propositions faites par le Premier ministre burkinabè au nom du président du Faso ?

K.D.O. : Les participants ont accueilli favorablement les propositions que le Burkina a faites par l’intermédiaire de l’intervention du Premier ministre, Tertius Zongo. Les pistes de réflexion mises sur la table par le Burkina ont été bien appréciées par les délégations qui les ont soutenues. C’est sur ces axes que nous allons désormais travailler pour faire en sorte que les pistes dégagées et proposées par notre pays soient consolidées. Et que nous puissions rendre compte à la prochaine conférence des chefs d’Etat, des solutions trouvées à partir de ces propositions préliminaires qui, je dois dire, ont rencontré l’adhésion de la plupart des délégations.

S. : Pourtant, les négociations sur le cycle de Doha piétinent, l’aide au développement n’a pas produit les effets escomptés, la région ACP reste encore pauvre...

K.D.O. : C’est pourquoi dans l’Accord de Cotonou, on a essayé d’innover. Vous avez raison de dire que trente ans de coopération n’ont pas suffisamment permis de répondre aux attentes placées en cette coopération. A Cotonou, on a dit qu’en dehors de la coopération classique de financement du développement, on allait tenter une nouvelle expérience, que sont les APE. Il faut que le commerce joue un rôle dans le développement des ACP. Les discussions traînent parce que pour que le commerce joue un rôle dans le développement économique, il faut des préalables. Il faut que ceux qui commercent soient à peu près de poids égal. Il faut que les ACP aient des capacités d’offres. Car, il ne sert à rien de négocier et d’obtenir une ouverture du marché si vous n’avez rien à vendre. Nous devons privilégier l’offre locale de production à travers une intégration économique poussée de nos Etats. Après quoi, nous pourrions ouvrir nos marchés au reste du monde.

S. Mais, il semble qu’entre ACP, on ne commerce pas assez. Quelle place doit-on réserver au commerce intra communautaire ?

K.D.O. : C’est exact. Le commerce intra régional est prioritaire. Nous sommes convaincus que pour que nous puissions tirer profit du commerce international, les économies doivent s’entraider par le biais du commerce intrarégional. Lorsque nous aurons eu des marchés régionaux suffisamment forts permettant de tester notre compétitivité, à partir de ce moment nous pourrons gagner quelque chose en ouvrant nos marchés au monde. Vous avez raison de dire que le commerce intrarégional est central. C’est pourquoi d’ailleurs nous voulons commencer par l’intégration régionale d’abord avant d’envisager le commerce international. Le commissaire Louis Michel dans les débats a d’ailleurs insisté sur l’intégration comme base de départ du commerce.

Interview réalisée à Accra par
S. Nadoun COULIBALY (cou_nad@yahoo.fr)

Sidwaya

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