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MAURITANIE : Quels lendemains après l’ultimatum ?

Publié le mardi 7 octobre 2008 à 03h26min

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le Général Ould Abdel Aziz

La Mauritanie est entrée dans une ère d’incertitudes depuis l’expiration de l’ultimatum de l’Union africaine (UA) dans la nuit de lundi à mardi. Comme habituellement dans ce cas de figure, des personnalités du régime pourraient subir des sanctions ciblées dont l’interdiction d’emprunter des vols d’avions, d’aller dans certains pays, et le gel des avoirs à l’étranger. La communauté internationale se mobilise à cette fin. Mais la junte en place à Nouakchott ne dort pas.

Elle a également dépêché des missions à l’étranger pour donner sa version de la situation. Le président du Sénat est ainsi arrivé à Addis-Abeba pour s’entretenir avec les responsables de l’UA. Que se passerait-il si la junte ne cédait pas ? Dans ce petit jeu fort risqué, l’UA et son patron le Gabonais Ping, peuvent bien perdre leur crédibilité.
N’aurait-on pas fait beaucoup de bruit pour rien ?

Les sanctions constituent-elles réellement une solution ? Sont-elles vraiment efficaces dans ce monde d’intérêts contradictoires ? Les expériences de Cuba, de la Libye et du Zimbabwe montrent que les sanctions ne sont pas toujours la bonne solution. Ce genre d’action se révèle à la limite plein d’embûches dans l’exécution. Surtout lorsque le pays ciblé regorge de ressources naturelles comme la Mauritanie. Le pays du Général Aziz a du fer et la côte maritime est extrêmement riche en poisson et de divers fruits de mer comme les adorent les Occidentaux.

Par ailleurs, les sanctions peuvent diviser les chefs d’Etats membres de l’UA en pro et adversaires de la junte. En effet, il n’est pas sûr que tous approuvent une telle option. Les mesures envisagées sont même susceptibles d’entraîner une radicalisation de la junte. En cela, les sanctions ne constituent vraiment pas une panacée dans le cas présent. Il faut éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.

La précipitation avec laquelle on cherche à résoudre le problème mauritanien ne paraît pas de bonne augure. D’abord parce que les solutions et les mesures préconisées jusque-là n’ont pas arrêté les coups d’état. Rien ne prouve d’ailleurs que ces multiples professions de foi y parviendront un jour. Ensuite, parce que les tenants du pouvoir en Afrique continuent de se comporter en potentats et comme tels, contribuent eux-mêmes à semer la graine de la discorde et de la révolte. Enfin, la vie chère qui perdure compromet davantage les princes qui gouvernent les pays du continent. En effet, non seulement l’opinion est convaincue que la plupart de ces dirigeants sont loin d’en souffrir, mais encore qu’ils en font peu pour limiter les dégâts. C’est dire que si l’on n’y prend pas garde, le cas mauritanien pourrait mal inspirer les éventuels auteurs de coups d’état. Ils pourraient non pas surseoir à leurs ambitions, mais pire, chercher à se défaire immédiatement de leurs victimes.

Si les sanctions ne constituent pas la solution à la crise mauritanienne, pourquoi avoir fait ce choix ? Certes, on craint davantage les sanctions des Nations unies et celles de l’Union européenne. Mais le récent séjour de M. Ping en Mauritanie avait laissé croire à une sortie de crise beaucoup moins ardue. Le nouveau patron de la Commission africaine s’était en effet montré beaucoup plus optimiste qu’il ne le paraît aujourd’hui. Les pourparlers auraient-ils tourné court entre-temps ?

Qui aurait-il influencé le cours des événements ? Tout porte à croire que l’UA voudrait profiter de la tenue de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) pour faire un grand coup. Un tel scénario pourrait se révéler hasardeux étant donné les subtilités de la diplomatie internationale, singulièrement la versatilité des acteurs politiques africains. Ping et l’UA pourraient alors en subir les conséquences. N’aurait-il pas été plus prudent de désigner un facilitateur ou tout simplement confier le dossier au sommet des Chefs d’Etats ?

Assurément, l’UA doit travailler continuellement au renforcement de ses capacités de négociation. Pas évident en effet que la junte va céder devant les pressions, surtout qu’elle dispose de la solidarité de l’écrasante majorité des acteurs politiques nationaux et de la population mauritanienne.

A supposer même que la junte cède, le risque est grand de voir ses membres se faire aussitôt arrêter et même fusiller pour "trahison". Y a-t-on pensé ?
Dans la situation actuelle, les dirigeants africains ne semblent disposés à accorder ni garantie ni alternative à la junte au pouvoir en Mauritanie. Pourtant, une issue heureuse à la crise, suppose une sortie honorable à ces officiers et à leurs partisans qui sont convaincus d’avoir volé au secours de leur peuple et de la démocratie en danger. Des gages de bonne volonté et un souci d’apaisement existent encore du côté de la capitale mauritanienne qu’il faut exploiter à bon escient. Il appartient aux adversaires du régime en place d’éviter de verser de l’huile sur le feu en cherchant à humilier la junte. Aux Africains et à leurs partenaires d’éviter de pousser la junte à bout. L’expérience montre qu’en Afrique ou ailleurs dans le monde, le jeu des intérêts a toujours prévalu dans la gestion du climat et des rapports politiques. En tenir compte aujourd’hui, permettra de mieux préparer demain.

"Le pays"

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