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RELEVEMENT DES SALAIRES DANS LE PRIVE : Quel impact ?

Publié le jeudi 2 octobre 2008 à 02h32min

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Les acteurs du privé se sont mis d’accord au terme de longues négociations, pour que les salaires des travailleurs du privé soient relevés. Il faut saluer la signature de cet accord et l’esprit dans lequel elle est intervenue. L’accord en lui-même est un événement dont il faut se féliciter parce qu’il est vrai que les travailleurs du public ont pu bénéficier d’augmentations de salaires sans que ceux du privé, dans leur ensemble, n’aient l’avantage d’un semblant d’augmentation.

Si l’on considère que, malgré les augmentations, les fonctionnaires voient fondre leur pouvoir d’achat, on imagine ce que vivent et se disent les travailleurs du privé. Dans le contexte de la vie chère, la stagnation des salaires est nécessairement un recul plus ou moins important du pouvoir d’achat.
L’esprit paritaire qui a permis aux partenaires sociaux de négocier entre eux et de parvenir à un accord qui tient compte des aspirations légitimes des uns et des autres, et des réalités économiques, est évidemment un développement intéressant des relations sociales. Que les patrons et les syndicats s’accordent sur des questions sociales est une leçon pour l’Etat lui-même qui est le premier employeur. On sait, en effet, que les fonctionnaires épuisent souvent les moyens de réclamation, des rituels cahiers du 1er mai aux marches et aux grèves sans obtenir, parfois, une réponse, fût-elle négative, de la part des autorités publiques.

Un tel accord a, bien entendu, nécessité de la part des protagonistes des concessions, l’examen des arguments du partenaire dans son objectivité et la volonté d’avancer jusqu’à un arrangement qui, sans être satisfaisant, permet du moins l’amélioration des conditions générales de travail. Travailler de bonne foi à de tels résultats, c’est contribuer à la prévention des tensions et des crises sociales dont on sait comment elles commencent, mais dont on ignore toujours comment elles se termineront. Il faut donc souhaiter que cet esprit de la négociation soit cultivé, et que l’Etat en prenne de la graine pour mieux gérer les revendications des travailleurs du public et pour éviter les explosions sociales dont on sait très bien qu’elles occasionnent des pertes sévères pour le pays.
Toutefois, on peut se demander si cet accord aura tout l’effet bénéfique que l’on peut être porté à attendre.

D’abord, chacun sait que les augmentations consenties seront somme toute, et au regard des revendications initiales et des besoins réels, assez symboliques. Elles seront en effet de l’ordre de 4%, ce qui est ridicule en comparaison des 25% demandés initialement par les syndicats.

Ensuite, on sait aussi que les commerçants ne vont pas manquer de réagir à la nouvelle de l’augmentation salariale par une hausse de prix. Si cette hausse est inconsidérée, elle ne va pas manquer d’absorber le relèvement des salaires et d’en annuler complètement l’effet pour les travailleurs. Il est nécessaire, par conséquent, que les prix soient maintenus à un niveau qui n’ôte pas tout intérêt à l’accord que nous saluons. Et là, c’est l’Etat qui doit jouer sa partition. Encore une fois : en signant cet accord négocié, les partenaires sociaux ont posé un acte qui renforce la paix sociale qu’on peut considérer comme une préoccupation majeure de l’Etat.

On doit donc pouvoir attendre de ce dernier qu’il donne du sens aux efforts de négociation et d’entente paritaires en mettant tout en oeuvre pour empêcher que les prix s’envolent. Dans cette perspective, il faut que les brigades des prix reprennent du service, qu’elles contrôlent avec un scrupule exemplaire, et qu’elles sanctionnent. Les pouvoirs publics ont l’occasion ici de démentir par le fait les rumeurs de collusion entre pouvoirs politiques et puissances économiques. Car les abus dans les augmentations des prix constituent un frein à la consommation et grippe ainsi la vie économique.

Et puis, il faut surveiller l’application de l’accord. Il est clair que les augmentations des salaires, qui augmentent les charges des entreprises, ne peuvent pas se faire sans tenir compte des réalités diverses qu’elles vivent. Et les travailleurs doivent savoir consentir des sacrifices, le cas échéant, pour sauver l’entreprise grâce à laquelle ils vivent. Mais cela suppose que les sacrifices soient partagés, et que la gestion soit rationnelle et claire. Or, dans notre pays, la culture d’entreprise manque aux employés mais aussi aux dirigeants. L’esprit de l’informel prévaut souvent au coeur du secteur formel. Certains dirigeants d’entreprise font une gestion patrimoniale de leur structure sans considérer que celle-ci est une affaire sociale : des dizaines de travailleurs, et leurs familles en vivent. Une gestion hasardeuse peut provoquer des conséquences sociales extrêmement graves. Ici encore, l’Etat a une partition à jouer. Il doit jouer un rôle d’accompagnement continu pour préserver l’emploi.

Enfin, on peut se demander si l’accord ne met pas la charrue devant les boeufs. Ne fallait-il pas commencer par assurer la transparence du marché de l’emploi en s’assurant que dans chaque branche d’activités, le salaire minimum interprofessionnel est effectivement garanti ? Certes, le privé a ses réalités propres, qui sont toutes différentes de celles du public. Mais cela ne doit pas être une raison suffisante pour éluder en permanence son obligation de jouer la carte de la conformité juridique. En contre-partie, le privé doit être perçu comme un facteur de régulation de la tension sociale et bénéficier d’une attention bienveillance et soutenue de la part de la puissance publique. Car, partout où l’économie est forte sur notre planète, on reconnaît l’importance multiforme du secteur privé.

"Le Pays"

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